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Résumé de l'article
Par Elias El Zoghby
Extrait de l'article
Deux semaines après l’annonce par le président Joseph Aoun d’une initiative de dialogue avec le Hezbollah visant à placer toutes les armes sous le contrôle exclusif de l’État, aucun progrès concret n’a été enregistré. Aucun calendrier n’a été fixé, aucun cadre défini, aucun début de mise en œuvre annoncé, si ce n’est une brève mention du chef de l’État évoquant une application d’ici la fin de l’année 2025. Pour l’heure, le dialogue se limite à des échanges indirects par le biais d’émissaires, davantage exploratoires que réels.
Ce flou traduit le refus catégorique du Hezbollah de déposer les armes, comme l’illustre sa menace explicite : « Nous trancherons la main qui tente de toucher à nos armes. » Une rhétorique provocante qui évite soigneusement d’évoquer la « main israélienne » qui, à de multiples reprises, a frappé les dirigeants et infrastructures du parti, avant, pendant et après les hostilités. Si le Hezbollah n’a pu stopper cette main-là, à qui s’adresse alors sa menace, au juste ? Surtout lorsque la présidence et le gouvernement libanais tendent la main au nom du dialogue, non de la confrontation.
Le timing de cette mise en garde – survenue peu après la déclaration publique du président Aoun sur l’irrévocabilité de la décision de l’État et son application imminente – indique clairement que la menace vise le président lui-même, ainsi que le Premier ministre Nawaf Salam. Tous deux ne cessent d’affirmer que le monopole de la force doit revenir à l’État sur l’ensemble du territoire libanais.
Le Hezbollah tente désormais de justifier ses menaces en les dirigeant contre les partis dits « souverainistes », tels que les Forces libanaises ou les Kataëb, hostiles depuis longtemps à son autonomie militaire. Mais dans les faits, leur position rejoint celle du président, du Premier ministre, de nombreux ministres, et d’une large majorité de citoyens libanais : les armes doivent être restituées dans le cadre des institutions, et non par la force.
Cette escalade verbale cible désormais l’ensemble du paysage politique libanais — depuis le sommet de l’exécutif au Parlement, en passant par la rue — tous unis dans l’appel à la stabilité et à la fin de l’ère des milices. Même Nabih Berri, président du Parlement et allié de longue date du Hezbollah, serait agacé par l’intransigeance de son partenaire.
Et voilà que le Hezbollah fixe quatre conditions préalables à tout dialogue : arrêt des frappes israéliennes, retrait des territoires occupés, libération des prisonniers et lancement de la reconstruction. Des exigences semblables à une dot volontairement exorbitante, imposée par celui qui ne souhaite en réalité marier sa fille à personne.
Pire encore, certains au sein du Hezbollah ont commencé à sacraliser leur arsenal, le présentant comme confié à l’imam al-Mahdi, figure messianique de la théologie chiite. Une sanctification qui fait passer l’affaire de la sphère politique à celle du divin — reléguant le dialogue aux salons du palais présidentiel ou du Sérail au rang d’accessoire inutile face à une vérité révélée.
Peut-être s’agit-il, comme souvent dans les négociations, d’une surenchère destinée à renforcer sa position avant d’entrer en pourparlers. Mais à brandir les armes comme des reliques sacrées et à menacer de couper les mains, le risque est grand de tuer le dialogue dans l’œuf.
Cette sacralisation n’est pas nouvelle : elle figure noir sur blanc dans le dixième article du mémorandum d’entente signé en 2006 entre le Hezbollah et le Courant patriotique libre, qualifiant l’arsenal d’ « instrument honorable et sacré ».
Face à une telle posture, comment croire en la viabilité d’un dialogue corseté par deux logiques irréconciliables — l’une terrestre, ancrée au Sud, l’autre céleste, ancrée dans la doctrine ? Peut-être que la clé ne se trouve pas à Beyrouth mais à Téhéran, dans le cœur idéologique de la « Wilayat al-Faqih ». Si les négociations entre Washington et l’Iran progressent, elles pourraient aboutir à une dissociation de la foi et de l’arme, ouvrant ainsi la voie à un véritable dialogue.
Pour l’heure, l’Iran campe sur ses positions. Son ambassadeur à Beyrouth, Mojtaba Amani, a récemment rejeté toute idée de désarmement du Hezbollah, provoquant un rappel à l’ordre par le ministre libanais des Affaires étrangères. Dans un entretien ultérieur, il a tenté d’adoucir le ton, déclarant prudemment que « l’Iran accepte ce sur quoi les Libanais s’accordent » et que « la question des armes est une affaire purement interne ».
Ainsi, le dialogue présidentiel sur les armes semble suspendu entre Mascate et Rome, tributaire du sort du Guide suprême iranien et d’une hypothétique révision du dogme des « armes divines » — que ce soit par la paix ou par la pression.