Le « Hezbollah » s’est empressé de s’emparer de la demande adressée par le président Joseph Aoun au commandant de l’armée, le général Rudolph Haykal, de faire face à toute incursion israélienne après le massacre de Blida. Le parti est allé jusqu’à présenter cette position comme un appel à recourir à la force, c’est-à-dire à la « résistance », plutôt qu’à la diplomatie dans le traitement du dossier israélien, ou au mieux à autoriser les deux à la fois. Il n’a pas caché son interprétation de la décision présidentielle comme une reconnaissance de l’importance du maintien de ses armes et une résurrection de la vieille triade « Peuple, Armée, Résistance ». Cela s’est fait au détriment de la célèbre résolution du Conseil des ministres du 5 août, qui prévoyait de limiter les armes à l’État, et en contradiction avec le consensus arabe, islamique et international sur le démantèlement des milices armées à travers l’application de la résolution 1701 de l’ONU et des clauses du cessez-le-feu.
Cette manœuvre opportuniste et flagrante du « Hezbollah », soutenue par des flatteries et des louanges adressées à la présidence, a poussé cette dernière à adopter une position ferme affirmant que les négociations constituent la seule voie viable pour le Liban. Il est devenu évident que le langage de la diplomatie l’a emporté sur celui de la guerre, qui n’a rien produit. Il s’agit d’un désaveu explicite de l’exploitation politique du « Hezbollah », reflété dans le mécontentement exprimé par les médias de la résistance, à commencer par la chaîne Al-Manar, qui a attaqué la déclaration de Baabda affirmant que « les négociations sont la seule option » et que « la guerre n’a donné aucun résultat ».
Il est clair que le « Hezbollah » a exagéré l’interpretation de la demande du président adressée à l’armée de repousser toute incursion israélienne, alors que cette mission relève naturellement du devoir de l’institution militaire, à savoir faire face à toute agression, quelle qu’en soit la source. L’armée a accompli cette mission avec courage à plusieurs reprises, notamment lors du célèbre incident d’Adaisseh. En tant que commandant suprême des forces armées, lesquelles relèvent de l’autorité du Conseil des ministres, le président est pleinement habilité à donner des directives et des instructions à l’armée. Par conséquent, le ton triomphaliste entourant cette décision n’était ni innocent ni anodin, comme si le président avait accompli un acte historique sans précédent.
Mais le droit à la défense est une chose, et s’engager dans une guerre ou la provoquer, comme dans la soi-disant « guerre de soutien », en est une autre. Transformer les armes de l’armée en complément de celles du « Hezbollah » en est une troisième, tandis que ressusciter l’ancienne triade en est une quatrième, et impossible. Fondamentalement, comme cela a été souvent souligné, la « triade » (peuple , armée, résistance) souffre d’un défaut structurel depuis sa création, avant, pendant et après la « guerre de soutien ». Le vice réside dans la contradiction de ses composantes : tandis que l’armée et le peuple représentent toutes les confessions, régions et composantes du pays, le parti tire ses forces d’une seule confession et de régions limitées. À cela s’ajoute la divergence des doctrines, des objectifs et des missions : l’armée est loyale exclusivement au Liban, tandis que le parti appartient à un axe régional contraire aux intérêts libanais. Comment de telles contradictions peuvent-elles coexister dans une mission défensive ou militaire unifiée ?
De plus, si le rôle de l’armée est de contrer les incursions terrestres, le « Hezbollah » peut-il expliquer comment il ferait face aux attaques aériennes dévastatrices, auxquelles il n’a pas su répondre même à l’apogée de sa puissance ? Il n’y a pas d’autre réponse que la reconnaissance de son incapacité à mener une guerre. Ainsi, l’insistance de l’État sur les négociations avec Israël comme seule voie nécessaire et inévitable dépouille le « Hezbollah » du dernier voile qui couvrait ses armes. Elle laisse le groupe exposé sur les plans interne, régional et international, suspendu aux signaux attendus de Téhéran, dont la priorité, au milieu de ses propres crises, est de préserver son régime, même au prix de sacrifier ses relais régionaux.
Quant au pari du « Hezbollah » sur la reconstruction de ce que sa guerre a détruit, il relève de l’illusion, tout comme son pari avorté d’intégrer l’armée à la résistance. La reconstruction est une décision extérieure majeure liée au désarmement, tandis que les tentatives internes, comme la « conférence de Mseileh », (convoquée par Berri pour la reconstruction), ne sont qu’un baume superficiel sur une plaie profonde et une tentative de gain politique et populaire à l’approche des élections. Quel type de reconstruction le « Hezbollah », le président du Parlement Nabih Berri et d’autres poursuivent-ils sans règlement politique et diplomatique réaliste ? Quel citoyen du Sud ou d’ailleurs peut se sentir en sécurité en reconstruisant ou réparant sa maison alors que la guerre persiste ? Quelles garanties ces promoteurs de la reconstruction peuvent-ils offrir pour que ce qui est rebâti ne soit pas à nouveau détruit, après toutes les expériences amères du passé ?
Deux vérités demeurent incontestables. Les négociations sont la seule voie pour résoudre la crise libanaise, les armes et la décision devant rester entre les mains de l’État. La reconstruction ne peut se faire que sous la garantie de la fin du conflit et de la guerre, et de la consolidation de la souveraineté nationale du sud jusqu’à l’est et au nord.
Le « Hezbollah » semble avoir commencé à saisir ces deux vérités prêtant l’oreille à un « conseil » iranien. Le premier signe de cette prise de conscience est apparu lorsque le président du Parlement, Nabih Berri, a accepté l’inclusion de figures civiles et politiques dans les sessions de négociation avec Israël, ouvrant peut-être la voie à la levée des deux obstacles que sont les pourparlers indirects et la volonté d’être « le dernier à signer ». Après tout, l’expression « État d’Israël » n’est-elle pas apparue plusieurs fois dans l’accord de délimitation maritime, marqué des empreintes de Berri et du « Hezbollah » ?
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