Dans un Liban en agitation, crises économiques, inflation, instabilité politique et tensions sociales, une tendance remarquable attire de plus en plus l’attention : le slow living, ou « vivre lentement ». Plus qu’un simple concept de lifestyle, il s’agit d’une philosophie qui favorise à ralentir le rythme, savourer le moment présent et se reconnecter avec soi-même et son environnement.

Qu’est-ce que le slow living ?

Le slow living trouve ses racines dans le mouvement international du slow food, né en Italie dans les années 1980, en réaction à l’accélération de la vie moderne et de la consommation industrielle. Au Liban, il s’adapte à une réalité unique: un pays où le temps semble parfois suspendu dans l’incertitude, mais où la résilience et la créativité continuent de définir le quotidien.

Le slow living, pour les libanais, c’est :

-Prendre le temps de cuisiner et de savourer ses repas, loin du fast-food ou des solutions instantanées.

-Découvrir les espaces urbains et naturels, en marchant ou en méditant dans les parcs et les rues historiques de Beyrouth, Tripoli ou Saida...

-Prioriser le bien-être mental et physique, grâce à la méditation, au yoga et à des routines conscientes.

Slow living et bien-être mental

Le Liban connaît une augmentation notable des troubles liés au stress, à l’anxiété et à la dépression, surtout chez les jeunes adultes. Les ateliers de méditation, retraites urbaines et espaces de coworking zen se multiplient pour répondre à cette demande.

À Beyrouth, des initiatives comme Mindful Lebanon organisent des sessions hebdomadaires de respiration consciente et de méditation guidée, souvent dans des cafés et des parcs calmes. Les participants racontent que prendre 30 minutes par jour pour se déconnecter des écrans et respirer consciemment change leur perception de la vie quotidienne.

L’alimentation consciente et locale

Le slow living touche la manière de se nourrir. Les marchés bio et fermes urbaines connaissent un renouveau, avec des produits locaux et de saison. Les Libanais redécouvrent la richesse de leur région : légumes de la Bekaa, herbes aromatiques, fromages artisanaux et pains traditionnels.

Certains restaurants et cafés adoptent cette philosophie, proposant des menus « slow food » où chaque plat est conçu pour valoriser la saveur, la santé et l’origine des produits, tout en soutenant l’économie locale.

Une réponse culturelle à la crise

Le slow living ne se limite pas à une tendance esthétique : c’est une stratégie de résilience culturelle et psychologique. Face aux fluctuations économiques et à l’instabilité politique, adopter ce rythme plus lent permet aux libanais de reprendre le contrôle de leur quotidien, de cultiver la créativité et de renforcer les liens sociaux.

Des collectifs d’artistes et designers ont commencé à créer des espaces où la lenteur devient une expérience captivante: ateliers de peinture, promenades guidées dans des quartiers historiques, lectures en plein air, moments de couture et de poterie... Ces initiatives favorisent la solidarité et créent un sentiment d’appartenance communautaire.

Impact  environnemental et social

Le slow living influence également  la consommation et la durabilité. Réduire l’achat impulsif, privilégier les objets locaux et recyclés et choisir les transports doux (marche, vélo, trottinettes électriques) sont des gestes qui s’alignent avec cette philosophie.

Dans un contexte où le Liban importe encore massivement des biens de consommation, privilégier le local et le durable devient un acte politique et culturel, renforçant l’identité nationale.

Une esthétique de la lenteur

La tendance touche aussi  l’art et le design. Les ateliers d’artisanat et de création manuelle connaissent un essor: céramique, tissage, peinture et design floral permettent de reconnecter avec le geste, la patience et la beauté. Ces activités sont autant des espaces de créativité que de méditation active, où la pratique est plus importante que le résultat final.

Une philosophie de vie

Le slow living au Liban traduit un désir profond de récupérer le temps perdu, de reconstruire la qualité de vie et de créer des espaces de calme et de réflexion dans un quotidien souvent chaotique. Il ne s’agit pas d’un luxe réservé aux élites, mais d’un mouvement inclusif, accessible à tous ceux qui souhaitent réévaluer leurs priorités et ralentir le rythme effréné imposé par les circonstances.

Le slow living n’est pas simplement une tendance importée de l’Occident. Au Liban, il devient une réponse existentielle aux défis multiples du pays, un moyen de retrouver équilibre, sens et créativité. En redécouvrant la lenteur, les Libanais réapprennent à goûter la vie, à partager et à construire des communautés durables, dans un contexte où chaque instant de calme et de beauté est précieux.