Aucune loi électorale n’est parfaite ni complète ; chacune présente ses avantages et ses inconvénients, et tout est affaire de relativité. Les lois électorales et le processus de vote ne relèvent pas seulement du droit constitutionnel ou administratif, mais s’inscrivent également dans le cadre des systèmes politiques et démocratiques. Ainsi, la loi électorale dépasse le simple cadre procédural permettant de voter et de transformer les suffrages en représentation parlementaire ; aux yeux des Forces libanaises, elle reflète l’authenticité de la représentation et la crédibilité du partenariat national.

Pour les Forces libanaises, le dossier parlementaire a constitué le premier signe du renversement de l’Accord de Taëf, à commencer par la nomination des députés en 1991, lorsque le nombre de sièges qui leur fut attribué était bien inférieur à leur poids réel, comparé à celui des alliés de la Syrie. Puis vint l’augmentation du nombre de sièges parlementaires de 108, comme le prévoyait l’Accord de Taëf, à 128, sans justification convaincante, et la répartition des sièges additionnels facilita le contrôle de certains au détriment des chrétiens.

Les élections de 1992 suivirent, boycottées par la majorité des Libanais — en particulier les chrétiens — dont à peine 13 % se rendirent aux urnes. Cette loi électorale permit même au nationaliste syrien Ghassan Matar d’emporter le siège maronite de Beyrouth autrefois occupé par Pierre Gemayel, fondateur du parti Kataëb. On a beaucoup parlé des lois « cuisinées » au siège des renseignements syriens à Anjar, dont l’une fut surnommée la « loi Ghazi Kanaan ».

Ces lois, connues sous le nom de lois des « autobus » ou des « rouleaux compresseurs », furent des instruments du système sécuritaire syro-libanais, au service des intérêts de l’occupation syrienne et de ses fidèles. Elles contribuèrent à « fabriquer » des députés sur mesure, renforçant la logique du « vainqueur et du vaincu », et cherchèrent à créer une classe politique de substitution, en remplacement des principaux représentants chrétiens — des Forces libanaises aux aounistes, en passant par les Kataëb, les Libéraux et le Bloc national.

C’est pourquoi les Forces libanaises considèrent la loi électorale adoptée en 2017, dite « loi Georges Adwan », fruit de longues années de débats, comme la meilleure de toutes, y compris par rapport à celle de 1960. Le général Michel Aoun, lors de son rétablissement dans le cadre de l’Accord de Doha, avait d’ailleurs qualifié la loi de 1960 de « restitution des droits à leurs légitimes propriétaires ». Alors que les chrétiens ne pouvaient auparavant élire, au mieux, que 30 députés sur 64 avec leurs propres voix, la loi Adwan porta ce nombre à près de 55.

Aujourd’hui, les Forces libanaises mènent la bataille pour l’abolition de l’article 112 de la loi, qui prévoit l’attribution de six sièges aux expatriés à partir du second cycle électoral suivant son application. Avec d’autres, elles ont réussi à suspendre cette disposition lors des élections de 2022. Certains reprochent au parti cette position, rappelant que la loi en vigueur est bien la « loi Georges Adwan ». Mais les Forces Libanaises n’ont jamais appelé à l’abroger, seulement à l’amender — un droit naturel qui découle de la pratique politique.

À l’origine, les Forces libanaises avaient accepté cet article parce que le député Gebran Bassil en avait fait une condition à son approbation de la loi. En 2017, la priorité du parti était de parvenir à une loi améliorant la représentation et libérant les électeurs du système des « autobus » et des « rouleaux compresseurs ». Le parti était convaincu que la proposition de Bassil était à la fois inapplicable sur le plan pratique et rejetée par la majorité des Libanais de la diaspora, car elle allait à l’encontre de leur objectif principal : maintenir un lien avec leurs racines et participer activement aux décisions nationales.

Le jeudi 6 novembre 2025, le Conseil des ministres doit tenir une séance décisive pour approuver un projet d’amendement de la loi électorale, après la fusion de deux propositions : l’une présentée par le ministre des Affaires étrangères Youssef Raji, et l’autre par le ministre de l’Intérieur Ahmad Hajjar, qui avaient été soumises à un comité ministériel pour étude et harmonisation. Les ministres issus des Forces libanaises ont obtenu la promesse que la séance de jeudi serait la date limite pour la présentation du projet, lequel devra ensuite recueillir la majorité des voix au sein du gouvernement avant d’être transmis au Parlement.

Il est vrai que les Forces libanaises tiennent à la réussite du mandat présidentiel — conformément à la feuille de route tracée dans le « discours d’investiture » — et au succès du gouvernement sur la base de sa déclaration ministérielle. Mais le parti, lui, n’est dans la poche de personne. Son chef, le Dr Samir Geagea, a mis en garde contre toute tentative de report lors de la séance de jeudi, déclarant que toutes les options restaient ouvertes en cas de non-adoption du projet et de non-transmission à la place de l’Étoile.

La bataille des Forces libanaises est aujourd’hui double : d’une part, amender la loi électorale et garantir aux Libanais de la diaspora le droit de voter pour l’ensemble des 128 députés ; d’autre part, consacrer la logique étatique au sein du gouvernement et du Parlement. La tentative du pouvoir exécutif de renvoyer la balle au législatif — en évitant un vote sous prétexte que la loi électorale relève du seul Parlement — est malvenue. Certes, il existe une séparation des pouvoirs, mais l’exécutif complète le législatif, et selon le ministère des Affaires étrangères, l’attribution de six sièges aux expatriés est tout simplement inapplicable.

Tout ministre a le droit de proposer un projet de loi, tout comme les députés peuvent déposer une proposition de loi urgente ; seule l’Assemblée générale est habilitée à confirmer ou retirer le caractère d’urgence. Ainsi, la bataille actuelle dépasse la simple opposition à la gestion personnalisée du Parlement par le président Nabih Berri ou la crainte du gouvernement de se diviser en assumant son rôle. C’est une bataille pour imposer le respect de la loi et achever le projet du « passage à l’État », jadis porté — mais jamais réalisé — par la coalition du 14 mars.