Deux ans se sont écoulés depuis le 8 octobre, lorsque « Hezbollah » a décidé, unilatéralement, d’ouvrir le front sud contre Israël — à peine vingt-quatre heures après l’opération du « Déluge d’Al-Aqsa » — sous prétexte de « soutenir Gaza ». Cette décision, prise sans l’accord de l’État libanais ni considération pour ses conséquences, fut présentée comme une étape vers « l’unité des fronts » au sein de l’axe de la résistance dirigé par l’Iran. Le groupe justifiait son initiative comme une attaque préventive, affirmant que la guerre avec Israël était « inévitable ».
Une lecture erronée du champ de bataille
Dès les premières heures du 7 octobre, il est apparu que l’attaque contre Israël n’était pas un incident ordinaire : elle représentait une menace existentielle pour l’État hébreu, et la riposte ne pouvait qu’être historique. Pourtant, « Hezbollah » et ses alliés se sont lourdement trompés :
— Ils pensaient qu’Israël éviterait une réaction violente, craignant pour le sort de ses otages. Mais l’armée israélienne a immédiatement réactivé le « protocole Hannibal », autorisant les frappes même au risque de tuer ses soldats capturés, neutralisant ainsi l’arme du chantage de « Hamas ».
— Ils estimaient que l’armée israélienne était trop craintive pour combattre au sol. Or, Israël a envahi Gaza et l’a ravagé de haut en bas.
— Ils espéraient que les bombardements israéliens contre les civils provoqueraient l’indignation mondiale. Mais le massacre de civils israéliens le 7 octobre a suscité une vague de sympathie sans précédent pour Israël.
— Ils misaient sur la paralysie du Premier ministre Benyamin Netanyahou, fragilisé par des divisions internes et des dossiers judiciaires. Au contraire, la guerre a sauvé sa carrière politique.
— Ils espéraient un soulèvement des peuples arabes contre leurs dirigeants et la réactivation des fronts autour d’Israël. Même le régime Assad en Syrie — longtemps présenté comme partenaire de la « résistance » — n’a pas osé ouvrir le front du Golan.
L’effondrement de « l’axe de la résistance »
Avec le recul, la lecture du camp de la résistance s’est révélée catastrophiquement fausse. La prétendue « unité des fronts » s’est effondrée en éclats :
— La dynastie Assad est tombée après un demi-siècle de règne, remplacée par une direction ouvertement hostile au « camp de la résistance ». Cette chute a coupé les routes d’approvisionnement iraniennes vers le « Hezbollah ».
— Gaza est devenue un champ de ruines ; sa population, démunie ; son autorité, « Hamas », discrédité. L’acceptation par ce dernier du plan de cessez-le-feu de Donald Trump — imposant le désarmement et une administration technocratique — équivaut à une capitulation.
— L’Iran est retombé dans l’isolement international, soumis à des sanctions renforcées après l’échec des négociations sur son programme nucléaire.
— « Hezbollah » a perdu à la fois son influence politique et son prestige militaire. Sur le plan militaire, il a vu disparaître deux de ses secrétaires généraux, une grande partie de son premier cercle, des milliers de combattants, plusieurs lignes d’approvisionnement et dépôts d’armes. Politiquement, il subit désormais la pression du principe de « l’exclusivité des armes de l’État ». Jadis capable d’imposer sa volonté par la force — comme le 7 mai 2008 et lors de l’accord de Doha —, le groupe s’est contenté aujourd’hui d’illuminer le rocher de Raouché avec les portraits de ses dirigeants tombés.
Il n’est plus en mesure de dicter le rythme politique du Liban. Son candidat à la présidence, Sleiman Frangié, n’a pas atteint Baabda. Il n’a pas réussi à former un gouvernement disposant d’un tiers de blocage. Ses alliances sunnites se sont affaiblies, et l’accord de Mar Mikhaël de 2006 avec le Courant patriotique libre s’effrite, alors que ce dernier subit une chute spectaculaire de popularité et des divisions internes.
Un parti en plein désarroi
À l’occasion du deuxième anniversaire de « l’unité des fronts », « Hezbollah » paraît désemparé. Son comportement au cours des derniers mois révèle un mouvement déchiré entre le déni et la survie :
— Les ministres du « Hezbollah » et d’Amal ont boycotté les séances du gouvernement les 5 août, 7 août et 5 septembre — lorsque le commandant de l’armée présenta son plan pour éliminer les armes non étatiques — avant de revenir assister à la réunion d’octobre où le même commandant exposa son premier rapport d’avancement.
— Le 4 octobre, le secrétaire général adjoint, cheikh Naïm Qassem, a dénoncé le plan de paix de Trump pour Gaza, le qualifiant de « dangereux », affirmant qu’il offrait à Israël « tout ce qu’il n’avait pu obtenir par la guerre : contrôle sécuritaire, désarmement total, administration internationale et suppression de tout levier de résistance ».
Pourtant, vingt-quatre heures plus tard, le « Hezbollah » publiait un communiqué soutenant la décision de « Hamas » d’accepter ce même plan.
— prévoyant la démilitarisation de Gaza, une administration technocratique temporaire supervisée par un « Conseil de la paix » international présidé par Trump, et des discussions israélo-palestiniennes vers une coexistence pacifique et prospère.
La contradiction saute aux yeux. Ce communiqué n’était qu’une tentative maladroite de masquer l’effondrement de « Hamas » et, par extension, celui de tout l’axe. Le retour du « Hezbollah » au Conseil des ministres — après avoir boycotté les sessions portant sur la même question du désarmement — reflète son acceptation forcée du nouvel ordre et sa nécessité pressante de rester au sein du gouvernement.
Jusqu’à quand le « Hezbollah » s’accrochera-t-il à la doctrine du 8 octobre ? Finira-t-il, comme « Hamas », par accepter les conditions de Trump — sur les ruines de Gaza et le sang de ses habitants — après avoir accusé le gouvernement libanais de trahison pour avoir simplement étudié la même proposition deux mois plus tôt ?
Les réponses à ces questions pourraient bien déterminer non seulement l’avenir du mouvement, mais celui du Liban tout entier.
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