Il semble que la lune de miel politique du tandem politique au Liban touche à sa fin. Le nouvel ordre établi il y a neuf mois — qui avait rassemblé la plupart des factions du pays, beaucoup ayant été récompensées par des postes et des avantages, tout en bénéficiant du parrainage de soutiens régionaux et internationaux — paraît avoir perdu de sa douceur. Le miel est épuisé et les fissures dans la ruche sont désormais visibles.
Confucius disait : « Peu m’importe qui fait les lois de la Chine, du moment que c’est moi qui écrit ses chansons. » Aujourd’hui, au Liban, on pourrait se demander : quelle chanson pourrait traduire l’état des relations entre la première et la troisième présidence ? Peut-être ce refrain ironique : « Si on ne lui éteint pas Raouché, au gouvernement il fait du vacarme. »
Les répercussions de la commémoration controversée à Raouché — où les images des dirigeants assassinés du « Hezbollah », Hassan Nasrallah et Hachem Safieddine, furent projetées sur les célèbres rochers — continuent de résonner. Beaucoup se sont demandé pourquoi Salam considérait cette illumination comme un affront à son autorité. Après tout, le site avait déjà été éclairé dans le passé avec des visages de dirigeants locaux ou étrangers. Pourquoi son entourage a-t-il présenté ce geste comme une attaque contre Beyrouth elle-même, comme si la capitale n'appartient pas à tous les Libanais ?
L’affaire a pris des proportions démesurées. Le Premier ministre a failli se retirer de ses fonctions publiques, couper ses communications et annuler ses rendez-vous — pour un spectacle qui n’a duré que quelques minutes et n’a laissé aucune trace permanente. Dans la foulée, la colère s’est tournée vers l’armée et les services de sécurité, accusés de ne pas avoir appliqué les ordres. Salam a exigé des poursuites, tandis que le président Joseph Aoun décorait le commandant de l’armée, Rodolphe Heikal, de la plus haute distinction nationale.
Les deux dirigeants ont fini par se rencontrer et parler franchement. Pourtant, comme beaucoup l’ont noté, la tension ne s’est pas dissipée. Salam, qui n’avait jamais été le premier choix pour le poste de Premier ministre, a toujours entretenu une relation distante avec le président. Tous deux ont coopéré par nécessité, mais sans empathie. Ce fut la première fissure. Reste à savoir si elle s’élargira encore plus.
La deuxième fissure est apparue avec le retour soudain du slogan « Dégage ! », cette fois lancé par un journaliste affilié à des factions représentées au gouvernement. Ce cliché a une lourde histoire au Liban : il fut adressé au président Émile Lahoud après l’assassinat de Rafic Hariri, et de nouveau au président Michel Aoun lors des manifestations de 2019, quand certains manifestants avaient même tenté de prendre d’assaut le palais présidentiel. Les deux chefs d’État avaient pourtant mené leurs mandats jusqu’au bout.
Même si l’appel d’hier n’était peut-être pas coordonné par les parrains politiques du journaliste, il a néanmoins révélé un soutien vacillant. Ces factions s’impatientent et exhortent le président à régler — sans délai — la question du monopole étatique des armes, notamment celles du « Hezbollah ». Elles ont également exprimé leur mécontentement face au plan de l’armée, présenté au Conseil des ministres, et attendent le premier rapport sur les progrès lundi.
Il convient de rappeler que certaines de ces factions s’étaient opposées à l’élection de Joseph Aoun à la présidence, travaillant jusqu’au dernier moment pour « bloquer la route » vers Baabda. Elles n’avaient guère plus d’enthousiasme pour Nawaf Salam à la tête du gouvernement. Mais une fois les deux hommes en place, elles ont rejoint l’exécutif avec une satisfaction apparente. Aujourd’hui, leur patience semble venir à bout.
La troisième fissure vient de l’extérieur. Les parrains internationaux perdent patience face à ce qu’ils considèrent comme un blocage dans le désarmement et l’application de la résolution 1701 de l’ONU, qui exige que les armes soient exclusivement aux mains de l’État. Ils ont donné au Liban jusqu’à la fin de l’année pour agir. Ces puissances n’ont guère été convaincues par le discours du président Aoun à l’ONU, insistant sur la paix civile, ni par ses dialogues avec le « Hezbollah », directs ou par émissaires. Elles doutent aussi des performances de l’armée. L’un de ces parrains est même allé jusqu’à suggérer que l’armée soit renforcée non pour affronter Israël, mais pour traiter les menaces internes.
Pour ces soutiens, la confiance dans les dirigeants libanais s’érode. Les promesses faites par leurs alliés locaux de contenir le « Hezbollah » n’ont pas été tenues. Beaucoup redoutent qu’Israël, lassé, ne relance sa machine de guerre sur le sol libanais — cette fois avec un feu vert tacite de la communauté internationale.
Le miel qui adoucissait autrefois les relations entre les factions libanaises et leurs parrains extérieurs est épuisé. La lune de miel, semble-t-il, est terminée — ou sur le point de l’être.
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