Le principal fait marquant des derniers jours à Gaza semble être la suspension de la guerre — du moins sous sa forme actuelle—, suscitant des interrogations sur la durée de l’accord négocié par les États-Unis, sous pression arabe et turque.
Le développement le plus inattendu est venu du « Hamas ». Sa réponse positive au plan de Donald Trump a pris de court le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Ce dernier, qui avait accepté le plan à contrecœur après l’approbation initiale du président américain, s’est retrouvé face à un mouvement palestinien remerciant publiquement Trump — un homme connu pour apprécier les flatteries — tout en saluant les efforts de médiation arabes, islamiques et internationaux.
Dans son communiqué, « Hamas » a exprimé sa reconnaissance envers toutes les tentatives visant à mettre fin à la guerre, faciliter les échanges de prisonniers, permettre l’entrée de l’aide humanitaire à Gaza, rejeter à la fois l’occupation et le déplacement forcé. Le mouvement a également confirmé sa volonté de libérer tous les prisonniers — vivants ou morts — conformément à la proposition de Trump, et s’est dit prêt à entamer immédiatement, par l’intermédiaire de médiateurs, des négociations sur les modalités de mise en œuvre.
Cette réponse calculée ne traitait que les points les plus pertinents pour le mouvement, s’alignant sur le consensus autour de la fin du conflit — vidant ainsi le plan Trump de son essence même.
Le mouvement a également anticipé l’objectif affiché de Netanyahou : sa destruction. Dès le lendemain, « Hamas » a annoncé, de manière subtile, sa disposition à remettre la gestion de Gaza à une instance palestinienne indépendante composée de technocrates, fondée sur le consensus national palestinien, le soutien arabe et islamique et le droit international. La question a été laissée ouverte à des discussions ultérieures dans le cadre d’une « plateforme nationale palestinienne unifiée » à laquelle le mouvement participerait « de manière responsable ».
Le langage du communiqué du « Hamas » a été soigneusement choisi : dépourvu de toute rhétorique religieuse et largement influencé par les pressions arabes — notamment qatariennes — et turques. Le ton modéré reflétait clairement la main des médiateurs régionaux.
Mais, comme toujours, le diable se cache dans les détails. Chaque clause de l’accord exigera des négociations serrées sous la contrainte du temps, notamment en ce qui concerne la libération de certaines catégories de détenus — parmi lesquels 250 prisonniers condamnés à perpétuité dans les prisons israéliennes.
À moyen terme, ces négociations pourraient alléger la pression militaire et compliquer la reprise du conflit sous sa forme précédente.
Israël, lui aussi, se retrouve acculé. L’isolement international s’aggrave, renforcé par les manifestations et les sondages d’opinion qui témoignent d’un large soutien à la fin de la guerre et à l’acceptation du plan Trump. Netanyahou fait désormais face à une crise politique interne. Les ministres d’extrême droite Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir rejettent catégoriquement le plan, accusant Trump de trahison. Selon eux, le président américain n’a même pas remercié Israël publiquement pour sa coopération, et a humilié Netanyahou en le contraignant à présenter des excuses au Qatar après les frappes israéliennes.
Bien qu’on le qualifie souvent de « plan israélien », le projet de Trump a désormais une dynamique propre. Les faucons israéliens espéraient qu’il déboucherait sur le désarmement du « Hamas », le retour de tous les otages, la démilitarisation complète de Gaza et la mise en place d’une administration civile excluant à la fois « Hamas » et l’Autorité palestinienne.
Au lieu de cela, ils redoutent que les gains militaires temporaires d’Israël ne se transforment en défaite politique, permettant la survie du « Hamas » et accélérant l’émergence d’un État palestinien. L’exigence supposée de Trump que Netanyahou renonce à ses projets d’annexion en Cisjordanie n’a fait que renforcer ces craintes.
Pour de nombreux Israéliens, l’intervention de Trump a « sauvé » l’État hébreu d’une crise majeure. Israël s’était enfoncé dans une confusion militaire, politique et stratégique, aggravée par son attaque sans précédent contre le Qatar, allié des États-Unis. Pendant ce temps, les campagnes de boycott populaire, les flottilles de solidarité et la reconnaissance internationale croissante de la Palestine gagnaient du terrain.
Alors que la stratégie israélienne de « pression militaire » s’effondrait, Trump s’est présenté comme le sauveur incontournable. Beaucoup d’Israéliens y voient un succès stratégique : Israël a peut-être remporté des batailles, mais pas la guerre. Les dégâts croissants infligés à son image à l’étranger ont nourri un climat international hostile, poussant le gouvernement Netanyahou à tenter de restaurer la position diplomatique du pays.
En fin de compte, « Hamas » a remporté une victoire morale et politique que ses combattants n’auraient pu obtenir sur le champ de bataille. Le mouvement a triomphé sur la scène mondiale : sur les réseaux sociaux, dans les universités, les syndicats et au sein de l’opinion publique européenne et américaine, où les mentalités évoluent et risquent de se transformer en boule de neige si la guerre se prolonge.
Netanyahou doit désormais affronter des accusations selon lesquelles il aurait prolongé une guerre brutale qui aurait pu se terminer depuis longtemps. Et de nombreuses questions demeurent : que se passera-t-il si l’accord actuel s’effondre ? Si le nouvel élan d’optimisme s’essouffle ?
L’issue dépendra non seulement de Netanyahou, une fois les otages et les corps restitués, mais aussi de Trump — toujours aussi imprévisible. Ses décisions pourraient dépendre de l’obtention du prix Nobel de la paix, qu’il convoite. En cas de victoire, il pourrait renouer avec son soutien inconditionnel à Israël ; en cas d’échec, agir par revanche.
Pour les Palestiniens, ces scénarios ne font qu’accentuer la méfiance. Pourtant, malgré les incertitudes, peu s’attendent à un retour du conflit à son intensité passée.
Netanyahou pourrait néanmoins recourir à un « scénario libanais » — maintenir un conflit de basse intensité par des frappes ponctuelles, bloquer la reconstruction et restreindre l’aide humanitaire. Mais pour l’heure, tout dépendra de la mise en œuvre de la première phase du plan Trump — un itinéraire semé de mines politiques.
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