Beyrouth, dans le cœur des Libanais et des peuples de la région, comme dans les calculs des grandes puissances, est bien plus qu’une petite capitale sur les rives de la Méditerranée. Ses équations sont complexes, et son rôle est en pleine redéfinition. La question demeure : Beyrouth sera-t-elle une porte d’entrée vers une paix tant attendue, ou le théâtre de l’effondrement de ce qu’il reste du rêve de paix au Moyen-Orient ?
C’est pourquoi les récentes déclarations du sénateur américain Lindsey Graham ont eu un écho particulier. Connu pour son ton direct et sans détour, Graham a averti cette semaine que la stabilité du Moyen-Orient pourrait dépendre de celle du Liban — et qu’ignorer ses crises ne ferait qu’entraîner une explosion encore plus grave menaçant tout le monde.
Au fond, les propos de Graham traduisent une reconnaissance américaine tardive — peut-être renouvelée — que le Liban n’est pas un simple détail en marge du conflit arabo-israélien ou de la sphère d’influence iranienne. Sa stabilité est une condition indispensable pour éviter un effondrement régional plus large.
Mais cette prise de conscience oscille sans cesse entre deux pôles : la menace d’une guerre renaissant à la frontière sud du Liban, et un dialogue intérieur qui manque encore de la volonté politique nécessaire pour se concrétiser. Entre les deux, Beyrouth se tient au bord du gouffre, attendant de voir si la raison ou les armes l’emporteront.
Il y a près de deux ans, le 7 octobre 2023, le Hamas a réveillé les instincts du « Hezbollah » avec son assaut surprise contre des localités israéliennes proches de Gaza. Le lendemain, le Hezbollah annonçait son entrée dans ce qu’il a appelé une « guerre d’appui ». Bientôt, les Houthis du Yémen et les Forces de mobilisation populaire en Irak rejoignent ce qu’on a alors qualifié « d’unité des fronts ». Mais deux ans plus tard, comme depuis 1948, ce slogan n’aura été qu’une illusion passagère.
Le plan Trump : fin d’une guerre ou début d’une nouvelle ère ?
C’est dans ce contexte que le président américain Donald Trump a présenté son plan global pour mettre fin à la guerre à Gaza. Il a donné au Hamas quatre jours pour répondre, menaçant qu’un refus ou un retard entraînerait une « fin malheureuse ».
Au cœur de ce plan, trois questions centrales :
- Comment sauver des vies maintenant ?
- Qui gouvernera Gaza demain ?
- Et comment empêcher le retour du Hamas au pouvoir ?
Du point de vue israélien, comme l’a relevé le Jerusalem Post, ce plan n’est pas parfait mais il est réalisable : libérer les otages, mettre fin à la guerre, et empêcher le Hamas de revenir aux commandes. Plus encore, il protège Israël contre une guerre d’usure ouverte et lui offre une large couverture internationale pour la reconstruction de Gaza.
Mais Israël sait aussi que la réussite ne dépend pas uniquement de l’acceptation ou du rejet du Hamas. Elle repose sur la neutralisation des leviers d’influence de l’Iran dans la région.
En arrière-plan, apparaît une dualité implacable : le rêve d’un Liban prospère, réconcilié avec lui-même et ses voisins, face à la réalité d’un pays enlisé dans ses divisions internes et dans les tiraillements régionaux.
L’arsenal du « Hezbollah » incarne cette réalité. Il lie directement le destin du Liban à l’affrontement entre Washington, Téhéran et Tel-Aviv. Toute guerre au sud risquerait de se transformer en conflit régional généralisé. Pourtant, le rêve demeure dans l’esprit des Libanais qui refusent de croire que leur patrie soit réduite au rôle d’otage dans des guerres par procuration.
L’espoir d’une « grande entente » régionale reste en vie, notamment à la faveur du regain de diplomatie américano-arabe et de l’élan provoqué par le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche en ce début d’année. Mais la question centrale demeure : les Américains et les acteurs régionaux ont-ils réellement la volonté de conduire le Liban vers une stabilité durable, ou Beyrouth restera-t-il une simple arène d’échanges de messages ?
Les propos de Lindsey Graham peuvent marquer une nouvelle prise de conscience à Washington, ou n’être qu’une respiration dans un contexte alourdi par les crises en Ukraine, à Taïwan et dans le Golfe. Ce qui est sûr, c’est que Beyrouth — malgré ses cicatrices — porte encore en lui la possibilité d’être un point de départ ou un point final.
La paix au Moyen-Orient commence à Beyrouth… ou s’y achève. Entre guerre et dialogue, entre rêve et réalité, cette ville épuisée reste, avec d’autres, à décider du chemin qu’elle emprunte : le commencement de la paix ou la fin de l’espérance.
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