Depuis plus de 46 ans, depuis la naissance de la République islamique d’Iran, ses relations avec les États-Unis et Israël sont marquées par l’ambiguïté, oscillant entre hostilité et coordination, confrontation et accommodement.
Inutile de remonter à l’histoire ancienne — comme le soutien de la Perse aux Juifs durant l’exil à Babylone — ou même d’évoquer des tournants modernes tels que le rôle de Washington dans l’ascension de l’ayatollah Khomeiny ou le scandale retentissant de l’Irangate, lorsque les États-Unis et Israël ont fourni une aide militaire à l’Iran dans sa guerre contre l’Irak. L’observation des événements actuels suffit à montrer comment ces trois puissances — Téhéran, Washington et Tel-Aviv — peuvent s’affronter et converger en même temps.
Une convergence autour de la Palestine
Deux niveaux se dégagent : l’un régional et international, tourné vers la question palestinienne, l’autre domestique et local, centré sur le Liban.
En Palestine, une convergence troublante apparaît autour de la solution des deux États. L’Iran la rejette catégoriquement, arguant qu’il ne peut reconnaître Israël, et promeut à la place une formule à un seul État, rappelant le concept excentrique d’« Isratine » imaginé par le défunt Mouammar Kadhafi — une fusion d’Israël et de la Palestine.
Israël, soutenu par Washington (du moins pour l’instant), refuse lui aussi l’existence d’un État palestinien indépendant. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a fait de ce rejet l’axe de son avenir politique, quitte à s’aliéner une grande partie de la communauté internationale.
L’ironie veut que ces justifications opposées aboutissent au même résultat : pas d’État palestinien. Pour Téhéran, le conflit non résolu reste un levier d’influence dans le monde arabe et islamique. Pour Israël, il garantit sa domination sécuritaire. Et sous l’œil américain, cet alignement tacite perdure.
Le Liban : une crise sans fin
Au Liban, la décision du gouvernement d’imposer le principe de l’« exclusivité des armes aux mains de l’État » et d’en confier l’application à l’armée se retrouve paralysée entre deux positions irréconciliables : le rejet iranien, incarné par le « Hezbollah », et l’exigence israélienne d’un désarmement total, assortie de la menace d’une nouvelle guerre.
Le croisement de ces deux postures assure une impasse prolongée. L’insistance du « Hezbollah » à conserver son arsenal — encouragée par Téhéran et même glorifiée par le Guide suprême Ali Khamenei, qui l’a qualifié de « trésor national » — fournit à Israël un prétexte permanent pour poursuivre sa stratégie militaire destructrice. Téhéran, parfaitement conscient de cette réalité, alimente ainsi indirectement la position israélienne, tout comme il le fait en rejetant la solution des deux États.
La rhétorique et les actions du « Hezbollah » ajoutent à la tension. Outre ses déclarations sur sa force retrouvée et sa préparation au combat, le mouvement provoque régulièrement l’État libanais et la société. Le dernier exemple en date remonte aux commémorations de ses dirigeants disparus, Hassan Nasrallah et Hachem Safieddine, lorsque le Hezbollah utilise le Rocher de Raouché, emblème touristique de Beyrouth, comme toile de fond propagandiste — un geste auquel même les partisans de martyrs respectés tels que Kamal Joumblatt, Bachir Gemayel ou Rafic Hariri s’étaient abstenus de recourir.
Une réalité amère
Pour ceux qui gravitent dans l’orbite de Téhéran, il est difficile d’admettre la réalité d’une collusion tacite entre l’Iran et Israël. Pourtant, l’histoire, ancienne comme moderne, en fournit de multiples exemples. Aujourd’hui, deux victimes paient le prix de cette dynamique paradoxale des « ennemis-alliés » : le Liban et la Palestine.
La question demeure : qui peut les sauver ?
La réponse est sans équivoque : seul Washington détient la clé. Si les États-Unis parvenaient à s’extraire de cette géométrie toxique du « triangle » et à rejoindre — voire à diriger — le consensus international en faveur d’un État palestinien, tout en usant de diplomatie ou de pressions pour desserrer l’étreinte iranienne sur le Liban, alors peut-être ces deux victimes pourraient-elles encore être épargnées.
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