La décision du Conseil des ministres libanais, le 7 août, d’imposer la « détention exclusive des armes par l’État » et d’approuver les « objectifs » définis dans la proposition américaine place le pays sur la voie de multiples scénarios possibles. Cette mesure, saluée par les États-Unis, leurs alliés arabes et certaines factions politiques libanaises, a été rejetée par le « duo chiite » et ses alliés, tant au Liban qu’à l’étranger — ce qui pourrait mettre en péril la paix civile du pays d’ici la fin de l’année.
Si cette décision s’inscrit dans la lignée du discours d’investiture du président Joseph Aoun et de la déclaration ministérielle du gouvernement, elle ne découle pas de la réponse officielle du Liban au document américain — qui privilégie la pression sur Israël pour l’amener à respecter un cessez-le-feu et lie le processus de désarmement à une « stratégie nationale de sécurité » approuvée par consensus — mais des propositions initiales soumises par l’envoyé présidentiel américain Thomas Barrack. Cette divergence est au cœur de l’opposition du « duo chiite », dont les ministres ont quitté deux séances ministérielles très médiatisées. Pour l’heure, leur boycott vise les réunions du Conseil, non le gouvernement lui-même.
La décision est intervenue sous une forte pression américaine, occidentale et arabe, dans un contexte d’escalade militaire quotidienne d’Israël — frappes aériennes et attaques de drones au nord du fleuve Litani et jusque dans la plaine de la Békaa. Les partisans de cette ligne considèrent le résultat comme une « percée » à exploiter pour franchir de nouvelles étapes, leur objectif ultime étant le désarmement complet du Hezbollah, qu’ils perçoivent comme une menace pour la sécurité d’Israël et un obstacle aux solutions internes et régionales inspirées du plan américain. Pour la première fois, le Conseil des ministres a adopté une résolution prévoyant le désarmement du mouvement selon un calendrier commençant fin août, après que le commandement de l’armée libanaise aura établi le plan nécessaire, avec un achèvement prévu avant la fin de l’année. Les adversaires politiques du Hezbollah entendent bien veiller à ce que cet engagement soit tenu.
Mais, dans le Liban actuel, décider de démanteler l’arsenal du Hezbollah est une chose — le mettre en œuvre en est une autre. Les opposants à cette mesure avertissent qu’elle priverait le pays de ses capacités de dissuasion sans obtenir de garanties internationales contraignant Israël à cesser le feu, à se retirer des territoires libanais occupés, à libérer les prisonniers et à appliquer les autres dispositions de l’accord du 27 novembre. Ils refusent d’abandonner les armes tant qu’Israël poursuit son occupation et ses agressions, redoutant qu’il n’exploite la situation pour envahir le sud du Liban, comme il l’a fait dans le sud syrien.
Ces détracteurs estiment que cette décision revient à offrir aux États-Unis et à Israël ce qu’ils n’ont pas pu obtenir par la guerre : affaiblir le Hezbollah, tant militairement que politiquement. Certaines forces politiques libanaises soutiennent ouvertement cette position, accusant le mouvement d’utiliser son arsenal pour dominer l’État et dicter ses choix. Mais un tel chemin, préviennent-ils, pourrait entraîner le pays dans une guerre civile — un scénario que le président du Parlement Nabih Berry et l’ancien secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, ont maintes fois mis en garde d’éviter.
Au sein du « duo chiite » et de ses alliés, la position est ferme : pas de discussion sur le désarmement avant un retrait israélien complet et l’arrêt des attaques quotidiennes, et avant qu’un régime stable en Syrie ne garantisse l’absence de menaces le long des frontières orientales et septentrionales du Liban. Ils exigent des garanties américaines et internationales concrètes, et non de simples promesses. Par ailleurs, il n’est pas question d’affrontement avec l’armée — une éventualité que certains redoutent, craignant qu’elle ne divise l’institution militaire — compte tenu des risques considérables qu’un tel schisme ferait peser sur la stabilité du pays. Le « duo » poursuivra ses efforts pour obtenir l’annulation de cette décision et un retour aux priorités énoncées dans le discours d’investiture présidentiel et la déclaration ministérielle. Un retrait définitif du gouvernement ou une démission n’interviendraient que si des manœuvres politiques visaient délibérément à les pousser vers la sortie. Et si certains souhaitent renverser le gouvernement, le « duo » ne sera pas à l’origine de cette initiative.
De leur côté, les partisans du désarmement assurent que la décision du Conseil sera appliquée et qu’il n’existe aucun risque pour l’unité de l’armée, rappelant que le précédent d’une division militaire remonte à l’époque soviétique, lorsque la Syrie contrôlait plus de la moitié du territoire libanais. Ils ajoutent que le Hezbollah n’est plus « en position offensive » et qu’il a perdu son dernier allié institutionnel fort — l’armée — qui lui avait été auparavant acquise grâce au Courant patriotique libre.
En conséquence, ils n’anticipent pas de répétition des événements du « 7 mai », même si certaines mesures de rétorsion pourraient se traduire par une suspension des séances parlementaires pour l’adoption de lois clés — telles que la loi sur le comblement du « déficit financier » — jusqu’en octobre.
Tous les signaux indiquent que le Liban est entré dans une phase extrêmement dangereuse. Les derniers mois de l’année devraient être riches en développements — et peut-être en surprises — susceptibles de remodeler non seulement l’avenir du Liban, mais aussi le visage même du Moyen-Orient.