Dans les affrontements récents dans la province syrienne de Soueïda — et les combats intermittents entre les Forces démocratiques syriennes (FDS) et des factions syriennes pro-turques retranchées dans le nord du pays — des combattants accusés par des sources occidentales d’appartenir à des groupes terroristes auraient rejoint les nouvelles forces gouvernementales syriennes. Certains observateurs affirment même que la nouvelle armée syrienne comprend des infiltrés issus de l’organisation dite « État islamique » (EI).
Parallèlement, des forces américaines restent déployées dans l’est de la Syrie dans le cadre d’une coalition internationale dirigée par Washington visant à vaincre l’EI en Syrie et en Irak.
Cette coalition a été créée en réponse à l’expansion rapide de l’EI en 2013–2014, lorsque le groupe a conquis de vastes étendues de territoire syrien et irakien et proclamé son « califat islamique ». Composée de plus de 80 pays et organisations, la coalition s’est concentrée sur trois tâches principales : les frappes aériennes, le soutien militaire aux forces locales et la coupure des financements des groupes terroristes.
La stratégie américaine en Syrie avant la chute d’Assad
La stratégie américaine avant la chute du régime Assad reposait sur quatre piliers : combattre l’EI, affaiblir le régime syrien, réduire l’influence iranienne et russe, et fournir un soutien militaire à Israël.
Dans la lutte contre l’EI, la coalition a mené plus de 11 000 frappes aériennes rien qu’en Syrie, tout en appuyant les opérations terrestres des FDS.
Pour affaiblir le régime syrien, la coalition a imposé de lourdes sanctions économiques, comme la loi César, visant les secteurs de l’énergie, de la banque et de l’investissement étranger — ce qui a considérablement réduit la capacité du régime à se maintenir.
En parallèle, Washington a cherché à réduire l’influence de la Russie et de l’Iran en Syrie, considérant ces deux pays comme des menaces pour ses alliés régionaux et pour la sécurité d’Israël en particulier.
Les États-Unis ont donné à Israël le feu vert pour frapper des cibles iraniennes et du
« Hezbollah » en Syrie, affaiblissant ainsi le réseau d’alliances de Damas.
Grands bouleversements après la chute d’Assad
La Syrie a connu une transformation radicale à la fin de 2024, lorsque le régime de Bachar al-Assad s’est effondré après 14 ans de conflit, ouvrant la voie à l’arrivée au pouvoir de Hayat Tahrir al-Cham (HTS) — malgré sa désignation par Washington comme organisation terroriste mondiale.
Cette évolution a posé de nouveaux défis à la coalition internationale et l’a contrainte à réajuster ses priorités.
En un geste surprenant, les États-Unis ont annoncé début 2025 le retrait du HTS de leur liste des organisations terroristes, malgré son inscription depuis 2018. Cette décision a fait suite à des réunions secrètes à Damas entre responsables américains et dirigeants du HTS, au cours desquelles les nouvelles autorités syriennes se sont engagées à ne pas faire de la Syrie une base pour les groupes terroristes, à protéger les minorités et à démanteler les stocks d’armes chimiques.
Ce revirement américain a incité la coalition à suivre le mouvement, re-définissant le statut du HTS. Cette reclassification a modifié les priorités de la lutte antiterroriste, l’accent passant de l’élimination de l’EI à la prévention de son retour, notamment par la sécurisation des camps de déplacés abritant des milliers d’anciens combattants.
La coalition a également ajouté un nouvel objectif : surveiller les milices chiites soutenues par l’Iran, comme le « Hezbollah » et la brigade Fatemide, susceptibles de chercher à restaurer l’influence iranienne. Un autre sujet de préoccupation reste la menace que représentent les combattants étrangers ayant combattu aux côtés du HTS et d’autres factions.
Redéfinition des alliances régionales
Ces développements ont entraîné des rapprochements inattendus, notamment une coopération discrète entre Israël et la nouvelle administration de Damas contre l’influence iranienne — malgré des décennies d’hostilité.
Dans le nord de la Syrie, les relations américano-turques se sont réchauffées après des années de tensions liées au soutien américain aux forces kurdes.
Dans le même temps, l’Union européenne a exprimé ses inquiétudes quant au risque que la Syrie ne devienne un champ de bataille entre groupes armés rivaux.
Nouveaux défis pour la coalition
La coalition dirigée par les États-Unis se heurte désormais à des défis complexes :
1. Les contradictions dans la gestion du HTS :
Bien que Washington ait retiré le HTS de la liste noire, il continue d’imposer des conditions strictes : protection des minorités religieuses et ethniques, retour des réfugiés et déplacés, coopération en matière de lutte antiterroriste et partage du renseignement.
2. La présence militaire américaine :
Environ 2 000 soldats américains restent stationnés dans l’est de la Syrie, officiellement pour empêcher le retour de l’EI. Mais leur présence — notamment dans les zones riches en pétrole et en gaz — suscite des interrogations.
3. La crise de légitimité internationale :
Le nouveau gouvernement de Damas souffre d’un problème de légitimité en raison de la nature islamiste conservatrice du HTS. Les sanctions occidentales continuent de bloquer la reconstruction, tandis que la Russie et l’Iran s’opposent au changement politique en Syrie.
L’avenir de la coalition en Syrie
Les développements récents suggèrent plusieurs scénarios :
Normalisation progressive : Si le HTS respecte les conditions de Washington, l’Occident pourrait avancer vers une normalisation graduelle, avec un allègement progressif des sanctions.
Recrudescence de la violence : Les tensions persistantes entre factions armées et la résurgence de l’activité extrémiste pourraient pousser la coalition à reprendre les frappes aériennes contre les groupes radicaux.
Intervention régionale : La Syrie pourrait redevenir un terrain de confrontation par procuration entre puissances régionales (Iran, Turquie, Arabie saoudite), compliquant davantage la mission de la coalition.
En définitive, l’avenir du rôle de la coalition en Syrie dépendra de sa capacité à équilibrer les intérêts sécuritaires américains et les demandes syriennes locales, dans un environnement régional d’une complexité et d’une instabilité extrêmes.