Imaginons un instant que le Conseil des ministres n’ait pas encore achevé ses délibérations sur la question de la monopolisation et de la régulation des armes sous l’autorité de l’État, préférant attendre la présence de tous les ministres. La vie s’arrêterait-elle ? La situation s’effondrerait-elle ? Ou un camp politique pourrait-il revendiquer la victoire ?
La raison de cette interrogation tient à la frénésie politique et médiatique qui, depuis le début du mois, a franchi toutes les limites — présentant la séance d’aujourd’hui du Conseil des ministres comme si elle allait décider du sort de la nation et de son peuple.
Les responsables politiques, les médias et les plateformes sociales portent ensemble la responsabilité de cette injection quotidienne de rhétorique, qui a créé un climat politique et national artificiel. Ce climat est alimenté par des agendas divergents qui fabriquent événements et prétextes afin de consolider leurs positions.
Quiconque suit l’actualité, les analyses, les opinions, les propositions et les appels à l’action dans les médias et sur les réseaux sociaux pourrait aisément croire que le pays est déjà en guerre. Un camp accuse l’autre de servir les objectifs d’Israël. Un autre prétend qu’une faction particulière prend l’État en otage et entrave son développement. Un troisième reproche à d’autres leur laxisme et le non-respect de leurs promesses.
La rhétorique a atteint un point où certains acteurs ont perdu tout sens de la mesure, recourant à la diffamation et aux insultes. Certains sont même allés jusqu’à accuser des responsables précis — élus comme nommés — de trahison et d’allégeance à l’étranger. Pendant ce temps, le ministère de l’Information reste spectateur, sous prétexte de préserver les libertés, alors que certaines publications, émissions ou diffusions relèvent clairement du champ d’application de la loi.
En substance, les autorités — sous pression à la fois interne et externe — ont décidé de montrer qu’elles sont capables de prendre des décisions. En face, ceux qui seront affectés par ces décisions ont choisi la résistance et le défi.
Il ne fait aucun doute qu’au final, le Conseil des ministres ne peut qu’être fidèle au programme de travail sur lequel il a obtenu la confiance du Parlement. L’élan donné par le président mènera inévitablement à la mise en œuvre des engagements pris dans son discours d’investiture.
Quelles que soient les décisions que prendra le Conseil des ministres lors de sa séance d’aujourd’hui, leur mise en œuvre nécessitera du temps. La vie ne s’arrêtera pas pour autant — et l’emballement médiatique doit cesser, ne serait-ce que par considération pour le public.
Mais tandis que tous les regards sont rivés sur la question des armes, les citoyens libanais ploient sous le poids de difficultés quotidiennes urgentes qui ne peuvent attendre la mise en œuvre de la monopolisation des armes par l’État.
Nous établirons pas une liste de tous les problèmes ni toutes les causes de souffrance. Mais qu’est-ce qui empêche, par exemple, les autorités de faire appliquer le Code de la route — notamment en ce qui concerne l’usage du téléphone au volant, qui est une cause fréquente d’accidents mortels ? Ou de s’attaquer au chaos du stationnement en double ou triple file qui engorge les routes, aux conducteurs circulant à contresens, ou encore à l’anarchie des motos qui considèrent les rues comme leur propriété ? Sans parler du non-respect des feux de signalisation.
Qu’est-ce qui empêche de travailler sérieusement à résoudre les pénuries chroniques d’eau et d’électricité ? Le ministre de l’Énergie est reconnu pour son expertise et son intégrité, et pourtant, nous ignorons toujours son plan pour faire face à la crise qu’il nous avait annoncée — à savoir, la sécheresse imminente.
Est-il possible de connaître les plans du ministère des Travaux publics ou des Télécommunications pour le reste du mandat gouvernemental ? Qu’en est-il des ministères de l’Agriculture, de l’Industrie, du Tourisme ou de la Santé ?
Et peut-on savoir combien de temps encore l’État continuera cette exploitation manifeste — percevant taxes et redevances au taux du dollar en vigueur, mais contraignant les citoyens dans le besoin à retirer leur argent au taux officiel, six fois inférieur au taux réel ?
Oui, la question des armes et de leur monopole par l’État est une question fondamentale. Mais nous espérons que tout ce vacarme et cette rhétorique ne sont pas simplement un écran destiné à gagner du temps en attendant que la poussière retombe dans la région.