Au milieu de relations tendues entre les principaux dirigeants libanais et de désaccords croissants sur la gestion des affaires nationales, la bataille politique autour des prochaines élections législatives — prévues pour le mois de mai — s’intensifie. À mesure que la date approche, les factions rivales se préparent à ce que beaucoup décrivent comme un affrontement électoral décisif, façonné par les nouvelles réalités engendrées par la guerre d’Israël contre le « Hezbollah ».

Chaque camp politique cherche à obtenir une majorité parlementaire, ou du moins un nombre suffisant de sièges pour remodeler l’équilibre des forces à son avantage. La compétition est si féroce que certains n’hésitent pas à exploiter les tensions sectaires et confessionnelles pour parvenir à leurs fins. L’objectif central des opposants au « Hezbollah » est d’affaiblir le duo chiite — « Amal » et « Hezbollah » — qui détient actuellement les 27 sièges chiites du Parlement. Même une seule brèche dans ce bloc pourrait ouvrir la voie à un défi symbolique contre la mainmise de Nabih Berri sur la présidence du Parlement, qu’il occupe depuis des décennies.

Les appels au désarmement du « Hezbollah » avant les élections se font de plus en plus pressants, ses opposants affirmant que le problème de l’arsenal du mouvement pourrait fausser les résultats. Certains vont jusqu’à menacer de boycotter le scrutin ou d’en exiger le report tant que la question des armes n’est pas réglée. Pourtant, comme le reconnaissent la plupart des observateurs, un tel désarmement ne peut être obtenu par la force ni en quelques mois. Les violations continues par Israël du cessez-le-feu et son refus de se retirer du territoire libanais compliquent davantage la situation. Quant à l’armée libanaise, elle refuse de se confronter au « Hezbollah », consciente que le faire sans consensus national mettrait en péril la paix civile et l’institution elle-même.

Les forces politiques libanaises demeurent profondément divisées sur la question électorale. Certaines, comme le duo chiite, abordent l’échéance avec confiance. D’autres redoutent des résultats décevants, tandis que certains y participent avant tout pour préserver la rotation démocratique du pouvoir et éviter un vide institutionnel. Un quatrième camp juge inutile de reporter le scrutin, estimant que tout nouveau Parlement restera soumis au même consensus politique qui régit déjà les grandes décisions au Liban.

Même les opposants à la reconduction de Nabih Berri savent qu’il sera probablement réélu faute d’alternative chiite crédible — une réalité bien comprise tant par les acteurs locaux qu’internationaux, même si certaines puissances étrangères préfèrent l’ignorer en raison de leur hostilité envers le « Hezbollah », perçu comme une menace pour la sécurité d’Israël.

Pour l’heure, les élections et le désarmement du « Hezbollah » demeurent deux dossiers épineux et étroitement liés. Le premier dépend des divergences autour de la loi électorale, notamment sur le droit de vote des expatriés libanais et l’impact de leurs voix sur les équilibres politiques. Le second est conditionné par la position officielle du gouvernement et de l’armée, ainsi que par l’ampleur des pressions régionales et internationales. Ensemble, ils incarnent les deux facettes d’une même crise : celle de la souveraineté fragile du Liban.

Le désarmement des acteurs non étatiques se trouve au cœur de la lutte du Liban pour affirmer l’autorité de l’État. Sous une pression internationale croissante — notamment de la part des États-Unis —, le gouvernement est appelé à appliquer les résolutions 1559 et 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui exigent la dissolution de toutes les milices et le désarmement du « Hezbollah ». Washington a d’ailleurs récemment approuvé une aide de 230 millions de dollars aux institutions sécuritaires libanaises (190 millions à l’armée et 40 millions aux Forces de sécurité intérieure), une mesure perçue comme partie intégrante de sa stratégie visant à affaiblir le « Hezbollah ». Pendant ce temps, Israël poursuit ses violations de la souveraineté libanaise, maintenant sa présence au sud de la frontière et menant une guerre d’usure destinée à contraindre le gouvernement libanais à agir.

Les débats autour de la loi électorale illustrent la façon dont les disputes sur la souveraineté s’immiscent dans le processus démocratique. Les Forces libanaises et les députés du mouvement du « Changement » plaident pour l’abolition du quota de six sièges réservés aux expatriés, afin de leur permettre de voter pour les 128 députés depuis leurs circonscriptions d’origine. À l’inverse, « Amal », le « Hezbollah » et leurs alliés tiennent à maintenir la loi actuelle, qui limite le vote de la diaspora à six députés représentant les continents où est établie la communauté libanaise.

En définitive, les deux questions — désarmement et élections — soulignent la crise persistante de la représentation et de la souveraineté au Liban. Alors que le gouvernement avance prudemment vers l’affirmation du monopole de la force par l’État, la bataille autour des règles du jeu électoral montre à quel point l’élite politique demeure divisée — jusque sur les mécanismes censés garantir la démocratie.