Le Premier ministre Nawaf Salam avait raison lorsqu’il a affirmé que les réponses aux questions soulevées dans le document remis par l’envoyé présidentiel américain Tom Barrack aux responsables libanais devaient d’abord être fournies à nous-mêmes, avant de l’être à qui que ce soit d’autre.
En tout état de cause, le document de Barrack est identique à celui d’Ortagus, qui n’est rien d’autre que celui de l’administration américaine elle-même. Ils contiennent les mêmes exigences, même si leur formulation peut varier selon l’envoyé — c’est peut-être ce qui explique le plus grand « confort » du président du Parlement libanais avec Barrack plutôt qu’avec Ortagus.
En conséquence, les responsables libanais connaissent parfaitement le contenu de ce document ainsi que ce qui est attendu d’eux en réponse. Et puisque le Premier ministre insiste sur le fait que le contenu du document reflète des revendications qui sont avant tout libanaises — avant d’être américaines, arabes ou internationales — pourquoi attendre ?
La justification de cette attente pourrait résider dans les informations rapportées par plusieurs responsables, selon lesquelles le président de la République, le Premier ministre et le président du Parlement continuent de se concerter pour présenter une réponse libanaise « unifiée ». Mais peut-on vraiment imaginer présenter plusieurs réponses contradictoires ? Quelle est cette État qui connaît depuis longtemps la réponse qu’il doit apporter, mais hésite encore à la mettre en œuvre ?
Il est tragiquement comique d’entendre le président du Parlement se demander comment l’État peut exiger du « Hezbollah » qu’il remette ses armes alors qu’il n’a même pas réussi à désarmer les camps palestiniens.
Le problème de ce gouvernement n’est pas son ignorance de la solution : il connaît la voie à suivre mais hésite à l’emprunter, restant attaché à des standards obsolètes qui ne sont plus adaptés à la réalité actuelle, en constante évolution. Le gouvernement n’a pas le luxe d’attendre : le temps presse, les exigences sont importantes et le chemin est clair.
L’urgence du temps ne concerne pas seulement la condition essentielle de placer toutes les armes sous l’autorité exclusive de l’État libanais. Elle s’applique aussi, et tout aussi urgemment, à la nécessité de convaincre les Libanais que leur gouvernement est sérieux dans la mise en place des bases de la réforme, de la responsabilisation et de la justice, et qu’il ne se contente pas de cibler ceux qui ont perdu leur protection politique. Il n’est plus acceptable que les détenteurs du pouvoir se dédouanent de leurs responsabilités en prétendant avoir fait leur part en menant des enquêtes et en transmettant les dossiers à la justice, comme si leur devoir s’arrêtait là. Leur responsabilité continue : ils doivent suivre l’avancement de ces dossiers devant la justice, inciter les tribunaux à accélérer les procédures, et prendre des mesures proactives au sein de leurs ministères et administrations afin de prévenir la formation de nouveaux dossiers qui finiraient par être transmis à la justice.
Revenons à l’essentiel : le Liban n’a pas le luxe d’attendre. Ses problèmes sont connus, tout comme leurs solutions. Ce qui manque, c’est la bonne décision ; et même lorsqu’une décision est prise, elle s’accompagne souvent des démons qui se cachent dans les détails de sa mise en œuvre.
Et si le temps peut parfois aider à résoudre certaines affaires, il faut que chacun sache qu’il peut aussi être un assassin d’opportunités.