Juin occupe une place centrale dans le calendrier des conflits opposant Israël aux pays de la région, et le Liban y tient, lui aussi, une part importante.

Le 6 juin 1967, éclatait la guerre dite de la « Naksa » entre Israël, l’Égypte et la Syrie, entraînant l’occupation du Sinaï, de la Cisjordanie et du plateau du Golan.

Le 7 juin 1981, Israël visait le réacteur nucléaire « Tammouz » (ou Osirak) près de Bagdad — une première alerte annonçant le début de la fin du régime baassiste en Irak, alors enlisé dans sa guerre contre l’Iran de Khomeiny et sa Révolution islamique.

Le 6 juin 1982, Israël envahissait le Liban dans le cadre de l’opération baptisée « Paix en Galilée », qui provoqua l’exil des dirigeants de l’OLP à Tunis et, à terme, l’émergence du « Hezbollah ».

Et voilà que le 13 juin 2025 — six jours après le 44e anniversaire de l’attaque contre Osirak — Israël tourne sa boussole vers l’Iran, frappant des infrastructures sensibles, des installations (certaines dites nucléaires), des quartiers généraux, ainsi que de hauts responsables de l’armée et des Gardiens de la révolution. Des responsables israéliens ont confirmé que l’opération avait reçu le soutien des États-Unis, un appui que l’ancien président Donald Trump a laissé entendre lorsqu’il a affirmé avoir donné à l’Iran plusieurs chances de conclure un accord lors des négociations nucléaires à Mascate.

La ressemblance entre l’opération « Opéra » en Irak en 1981 et les frappes menées hier contre l’Iran est frappante : dans les deux cas, il s’agit d’un État perçu comme une menace nucléaire pour Israël. Dans les deux cas, les volontés israélienne et américaine ont convergé. En 1981, les avions américains AWACS avaient facilité l’accès au ciel de plusieurs pays arabes pour permettre aux chasseurs israéliens de surprendre les défenses irakiennes. Et depuis le 7 octobre 2023, date du déclenchement de la « guerre du Déluge d’Al-Aqsa », suivie de la « guerre de l’appui », les États-Unis ont fourni à Israël tout ce dont elle avait besoin : armements, technologies de pointe, expertise militaire et renseignements pour frapper l’« Axe de la Résistance ».

À cela s’ajoutent les motivations internes : Trump, embourbé à Los Angeles, et Netanyahu, fragilisé sur la scène politique israélienne, ont vu dans cette opération militaire une opportunité de détourner l’attention de leurs crises respectives. Peut-être espèrent-ils aussi adoucir la position iranienne à la table des négociations de Mascate — comme le souhaite Trump. Sinon, cette escalade pourrait bien marquer le début de la fin du régime des mollahs en Iran, vieux de 46 ans. Ce qui, à mon avis, n’est pas encore à l’ordre du jour.

Dans ce contexte régional explosif et incertain, quelles sont les répercussions sur le Liban ?

Le Liban continue de subir des attaques israéliennes dans le Sud, la Békaa et la banlieue sud de Beyrouth — en violation de l’accord de cessez-le-feu signé le 27 novembre. Il panse encore les plaies de la « guerre de l’appui », tout en réaffirmant, officiellement, que les décisions de paix et de guerre relèvent de son autorité exclusive, que les armes doivent être exclusivement entre les mains des forces armées libanaises, et en poursuivant ses efforts pour régler la question de l’arsenal du « Hezbollah ».

Dans l’éventualité d’un affrontement généralisé entre Israël et l’Iran, le Liban officiel n’a que trois options, toutes aussi difficiles :

Convoquer une conférence nationale d’urgence

Le président Joseph Aoun — qui a interrompu sa visite au Vatican — et le Premier ministre pourraient convoquer une réunion urgente de toutes les forces politiques pour adopter une position unifiée, même imparfaite. L’objectif : affronter collectivement les conséquences à venir. C’est là une position cohérente.

S’en tenir à la neutralité active

Le gouvernement pourrait proclamer sa neutralité face aux conflits régionaux. Le Liban a souvent servi de terrain de règlement de comptes entre puissances étrangères. Il est impératif de ne permettre à personne — par calcul, par imprudence ou par fanatisme — de l’y entraîner. C’est là la position la plus sûre.

Ignorer l’escalade militaire

Certains pourraient banaliser la gravité de la situation, ou pire, agir seuls et entraîner le pays dans une aventure militaire désastreuse.

Heureusement, le « Hezbollah » ne semble pas faire partie de ces derniers. Dans un communiqué, le parti a condamné l’agression israélienne contre l’Iran et appelé à la solidarité régionale face à « l’entité sioniste criminelle » et aux projets de domination américano-israéliens. Fait notable : le texte ne contient aucune allusion — même implicite — à une riposte militaire de la part du « Hezbollah ».

Espérons que les « chauves qui se prennent pour des lions parce qu’ils ont un cheveu de leur cousine » ne prennent pas le dessus dans le débat. Ceux qui gesticulent, menacent, hurlent, rêvent de pouvoir, et bâtissent pour eux-mêmes des châteaux… de sable. Pas dans les palais du pouvoir, bien sûr, mais dans ces palais illusoires, balayés au premier souffle du réel.