Le ministère des Finances mène une véritable course contre la montre pour parvenir à un règlement qui permettrait soit de publier enfin la loi sur « l’écart financier », soit de la reléguer dans une « bouteille scellée » et de la jeter à la « mer » du Parlement.
Dans les deux cas, les négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) seraient relancées, complétant ainsi le triangle des réformes financières déjà consolidé par la modification de la loi sur le secret bancaire et la loi sur la restructuration des banques.
Ce qui continue de retarder cet accord, c’est la divergence de positions entre le ministère des Finances et la Banque du Liban (BDL) concernant les 16,5 milliards de dollars de dette ajoutés par l’ancien gouverneur Riad Salamé peu avant la fin de son mandat.
Bien qu’un audit mené par le cabinet international KPMG ait confirmé que cette dette est réelle et due par la BDL, le ministère des Finances soutient qu’il ne s’agit que de découverts prélevés sur un compte Eurobond ouvert pour le ministère en 2004 à la Banque du Liban.
Selon lui, il ne peut donc être question de dette ou d’avances, mais de retraits en devises, garantis par des montants en livres libanaises au taux officiel de 1 500 LL détenus à la Banque centrale.
Les négociations entre le ministère des Finances et la Banque centrale
Lors de la dernière réunion du comité conjoint chargé de résoudre ce différend — qui s’est tenue il y a une semaine — les représentants du ministère des Finances ont refusé de signer le procès-verbal.
« Le gouverneur de la BDL s’est donc rendu en personne samedi matin chez le ministre des Finances avec le rapport, afin de tenter d’aboutir à un accord reposant sur le principe que la dette ne meurt pas et que l’État ne s’effondre pas », selon une source informée.
D’après les informations circulant, les deux parties seraient parvenues à une quasi-formule finale permettant le remboursement des fonds — ou d’une grande partie — sans les classer comme dette publique. Car une telle classification comporterait deux risques majeurs :
Enfreindre l’exigence du FMI qui impose de réduire le ratio dette publique/PIB entre 60 % et 80 %.
Provoquer la colère des créanciers internationaux détenteurs d’Eurobonds, qui pourraient considérer la dissimulation d’une dette aussi importante comme une fraude, la qualifiant de « dette odieuse ».
S’ils en avaient connu l’existence, ils auraient souscrit à des montants bien inférieurs — voire pas du tout — en fonction de la capacité réelle de l’État à servir sa dette.
Cela pourrait les pousser à engager des poursuites contre l’État libanais devant les tribunaux internationaux, mettant en danger des actifs essentiels tels que les réserves d’or ou certaines institutions publiques, susceptibles d’être saisies ou gelées jusqu’au règlement du litige.
La piste privilégiée consiste à augmenter la part de l’État dans la recapitalisation de la Banque centrale.
Alors que les précédents plans de redressement proposaient un apport de 2,5 milliards de dollars, le ministère des Finances serait désormais prêt à porter ce montant à 8 milliards de dollars, soit environ la moitié du montant contesté.
De nombreux obstacles subsistent
Même si les deux parties pourraient accepter cette solution, trois obstacles majeurs entravent l’adoption de la loi sur l’écart financier avant la fin de l’année :
Le refus catégorique du Premier ministre de reconnaître cette somme comme dette publique.
Le rejet par les banques commerciales du principe de « hiérarchie des pertes » exigé par le FMI — principe selon lequel, la crise étant systémique, les banques doivent absorber les pertes sur leurs capitaux propres avant toute solution de financement alternative.
L’opposition des banques à la nouvelle demande du FMI d'examiner l’interconnexion financière entre la BDL et les banques commerciales.
Jusqu’alors, les discussions portaient uniquement sur les irrégularités liées aux dépôts et sur la nécessité d’effacer 30 à 34 milliards de dollars de dépôts.
Selon le journaliste économique Mounir Younes, la nouvelle exigence transmise à la délégation libanaise après les réunions d'automne du FMI et de la Banque mondiale à Washington implique de facto l’audit de toutes les opérations dites « d’ingénierie financière », y compris l’affaire Optimum, ainsi que la traçabilité des 8 milliards de dollars de profits réalisés par les banques en janvier 2020.
« L’audit n’ignorera rien de ce qui concerne les subventions, la plateforme Sayrafa ou les remboursements de prêts effectués après l’effondrement économique », explique Younes.
Il estime que l’audit pourrait dépasser une simple vérification comptable pour atteindre le niveau d’audit médico-légal, ce que toutes les parties rejettent catégoriquement.
Même si — en théorie — tous ces nœuds venaient à être dénoués dans la courte période restante avant la fin de l’année, cela ne signifierait pas pour autant que le processus ait atteint son dénouement positif.
L’essentiel reste que le Parlement ne tergiverse pas dans l’étude et l’adoption de la loi sur l’écart financier, ni ne reporte son examen après les élections législatives — sur le plan procédural.
Mais, sur le fond, le véritable enjeu demeure la question suivante : l’État sera-t-il capable de mettre réellement en œuvre la loi ?
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