Le tapage politique provoqué par la projection par « Hezbollah » de ses deux dirigeants – Sayyed Hassan Nasrallah et Sayyed Hashem Safieddine – sur le Rocher de Raouché à Beyrouth, lors du premier anniversaire de leur assassinat, n’a guère freiné l’initiative du parti en direction de l’Arabie saoudite. Fidèle à son pragmatisme, « Hezbollah » ne montre aucune intention de reculer, tandis que Riyadh, attaché à son réalisme, n’a pas rejeté cette main tendue – en dépit de l’absence de réponse officielle et malgré les objections, réserves ou adhésions prudentes de certains.
De Doha à Téhéran : réajustements régionaux
Les révisions stratégiques engagées par le récent sommet arabo-islamique de Doha – tenu dans le sillage de la frappe israélienne contre le Qatar – se poursuivent. Téhéran s’emploie désormais à façonner un front régional arabo-islamique pour contrer ces menaces, en concentrant ses efforts sur l’Arabie saoudite mais en les élargissant à l’ensemble de la région. La frappe israélienne est survenue peu après que le Premier ministre Benyamin Netanyahou a dévoilé sa carte du « Grand Israël », qui menace l’existence de certains États du Moyen-Orient et redessine les frontières d’autres – sa manière de promouvoir le projet de « changer le visage du Moyen-Orient ».
La deuxième visite au Liban d’Ali Larijani, secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale iranien, depuis sa prise de fonctions, est étroitement liée à l’initiative de « Hezbollah » envers Riyadh. Elle a confirmé que Téhéran n’avait pas seulement été informé du projet, mais en avait été l’un des principaux architectes et en demeure l’un des soutiens les plus actifs.
Un accueil saoudien prudent
Bien que le Royaume n’ait annoncé aucune position officielle, tous les signes pointent vers une acceptation mesurée de l’initiative – sans renoncer à ses principes de base concernant le Liban : les armes doivent être exclusivement sous contrôle de l’État, et ce dernier doit être fort, central et garant de tous. Riyadh a réaffirmé cette position à l’Assemblée générale des Nations unies par la voix de son ministre des Affaires étrangères, le prince Fayçal ben Farhane.
Tout indique que l’ouverture d’un dialogue structuré entre Riyadh et « Hezbollah » pourrait bientôt se concrétiser. La visite de Larijani semblait d’ailleurs s’inscrire dans le prolongement direct de la démarche de « Hezbollah », initiée, selon plusieurs sources, sur son indication.
Lorsque l’émissaire saoudien, le prince Yazid ben Farhane, est venu à Beyrouth peu après le passage de Larijani à Riyadh – et seulement quelques heures après l’annonce publique de l’initiative par cheikh Naïm Qassem –, le Royaume s’est néanmoins abstenu de toute réaction officielle.
Lors de la célébration de la fête nationale saoudienne à l’ambassade à Beyrouth, l’ambassadeur Walid Boukhari a toutefois réitéré les principes immuables de la diplomatie saoudienne envers le Liban : soutien aux institutions de l’État, respect des choix des Libanais, et conviction que la légitimité constitue la pierre angulaire de tout édifice national solide. Il a salué la décision du gouvernement libanais de réaffirmer le principe de l’exclusivité des armes aux mains de l’État, la qualifiant de « pas fondateur vers la restauration de la souveraineté du Liban et la construction d’un État de droit ».
Mais ce qui a surtout retenu l’attention fut l’éloge explicite de Boukhari à l’égard du président du Parlement, Nabih Berri, pour son rôle de rapprochement et de consolidation d’un cap national unificateur – signe de l’importance croissante que Riyadh accorde à Berri comme médiateur central, à la suite de l’initiative de « Hezbollah ».
En attendant Riyadh
Larijani aurait transmis à Berri et au cheikh Qassem de nouveaux signaux venus de Riyadh au sujet de l’initiative. Si le contenu exact n’a pas encore été rendu public, les indications paraissent positives et devraient se préciser bientôt à travers les gestes et positions des deux parties.
Pour l’heure, la relation semble s’orienter vers une réduction des tensions plutôt qu’une réconciliation véritable. Le ballon est désormais dans le camp de Riyadh, qui teste son influence nouvelle au Liban en misant sur le soutien aux institutions de l’État. Tout progrès réel dépendra de concessions tangibles de « Hezbollah », notamment sur son arsenal et ses interventions régionales – des domaines dans lesquels le parti ne s’est pas encore montré disposé à céder. Le scénario le plus réaliste reste la poursuite d’un dialogue indirect, via des canaux libanais ou iraniens.
Les objectifs de la visite de Larijani
La visite de Larijani avait quatre objectifs précis :
Premier : informer les responsables libanais de l’effort iranien pour bâtir un nouveau front régional contre Israël, après la frappe sur le Qatar.
Deuxième : mettre en garde Israël contre toute erreur de calcul au Liban, en soulignant que « Hezbollah » n’a pas besoin d’armes venues de l’extérieur.
Troisième : réaffirmer aux responsables libanais que l’avenir du pays passe uniquement par le dialogue et le consensus, afin de priver ses adversaires de l’occasion d’exploiter ses divisions internes.
Quatrième : signaler, à travers la participation iranienne de haut niveau à la commémoration de Sayyed Hassan Nasrallah, que Téhéran se tient fermement aux côtés du Liban et se dit prêt à lui offrir tout le soutien nécessaire.
En résumé, Larijani a voulu adresser des messages dissuasifs à Israël pour l’empêcher de se lancer dans une nouvelle aventure. Il a clairement affirmé que l’Iran ne resterait pas les bras croisés en cas d’agression contre le Liban – surtout à un moment où les spéculations se multiplient sur une éventuelle action israélienne aux frontières nord et est du pays.
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