À l’approche de la rencontre attendue entre le président américain Donald Trump et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, il apparaît que leurs divergences sur le dossier syrien sont entrées dans une phase décisive.

La Syrie n’est toutefois pas le seul point à l’ordre du jour de la réunion prévue en Floride. Gaza s’imposera comme un dossier central, tout comme le Liban et, bien sûr, l’Iran, tandis que Netanyahou devrait geler toute escalade militaire majeure dans les prochains jours.

Dans ce contexte, les grands dossiers régionaux devraient être reportés à l’an prochain, une évolution naturelle qui pourrait voir en 2026 apporter des changements tant sur le plan militaire que politique. Netanyahou attend ces évolutions avec attention à l’approche d’élections toujours prévues, à ce stade, pour octobre de l’année prochaine, même si un avancement du scrutin reste possible.

Le Premier ministre israélien cherche à sonder les intentions de Trump et à définir les contours de la politique américaine dans la région avant d’engager toute initiative susceptible de le provoquer, que ce soit en Syrie, à Gaza ou au Liban. Dans cette optique, il s’efforce de dissocier les dossiers régionaux, tout en poursuivant sa politique syrienne expansionniste et destructrice, destinée à faire face aux « menaces » et à imposer un arrangement sécuritaire au sud de Damas.

La divergence actuelle sur la Syrie pourrait, de fait, se transformer en conflit ouvert. Il n’en demeure pas moins que la Syrie reste une priorité secondaire par rapport à Gaza et à la guerre en Ukraine dans la hiérarchie des efforts de paix du président américain.

Pour rappel, Israël a mené plus de 1 000 frappes aériennes en Syrie, visant les capacités de l’armée syrienne ainsi que des sites civils et militaires. Il a également occupé une superficie estimée à 346 kilomètres carrés, où neuf bases militaires ont été établies, dont huit dans la seule région de Quneitra. Israël a imposé une quasi-interdiction de l’espace aérien sur l’ensemble du sud syrien jusqu’à Soueïda, non par souci pour les Druzes, mais dans une logique d’expansion stratégique, de sécurité nationale et au nom d’une vision à coloration religieuse sous l’intitulé de « zone sûre ».

Cette approche ne correspond pas à la vision de Trump. Le président américain souhaite clore les conflits actifs de la région et instaurer un ordre stable fondé sur des accords, conforme à sa conception globale de la paix au Moyen-Orient en tant qu’intérêt stratégique à long terme, indissociable des « accords d’Abraham ».

Entre la volonté de Trump de présenter la Syrie comme un pays sortant de la guerre civile, capable de reconstruction et d’unité malgré ses profondes crises structurelles, et l’objectif de Netanyahou d’affaiblir le régime de Damas, d’alimenter le chaos, voire la fragmentation, et d’occuper des territoires, le différend restera étroitement encadré par Washington.

Des lignes rouges américaines

Dans cette perspective, Netanyahou devrait poursuivre sa politique syrienne à l’égard de Damas avec une certaine compréhension américaine, mais dans les limites de lignes rouges qu’Israël ne sera pas autorisé à franchir.

Celles-ci incluent l’interdiction de renverser le pouvoir en place à Damas, l’interdiction de cibler les dirigeants de la nouvelle autorité au pouvoir, ainsi que l’évitement des frappes contre des infrastructures vitales, comme ce fut le cas lors des bombardements du quartier général de l’état-major ou des abords du palais présidentiel. Des limites existent également concernant l’action israélienne dans le sud de la Syrie.

La période à venir demeure cependant empreinte d’incertitudes, en particulier à Gaza. Cela signifie que si Netanyahou estime avoir les mains liées sur ce front et s’il échoue à réduire davantage l’écart avec ses rivaux sur la scène intérieure à l’approche des élections, il pourrait être tenté par une escalade en Syrie.

Bien que Netanyahou soit parfaitement conscient des ambitions de Trump en Syrie, il poursuit une politique qui nuit au gouvernement du président Ahmad al-Charaa, lequel s’efforce d’asseoir sa légitimité interne. Cela laisse entendre que le Premier ministre israélien, profondément méfiant à l’égard du pouvoir à Damas, se montre indifférent aux espoirs américains pour la Syrie. Il ne se réjouit ni des frappes américaines contre l’organisation « État islamique », ni n’opère de réelle distinction entre celle-ci et les dirigeants de Damas. Il agit au contraire à rebours de la politique américaine globale, envoyant le signal qu’il n’ira pas de l’avant avec un accord sécuritaire proposé qui impliquerait un retrait des territoires occupés et l’abandon de ses exigences sécuritaires. La phase suivante s’annonce ainsi extrêmement complexe et porteuse de risques politiques qu’Israël n’est pas prêt à assumer.

Dans le même temps, Trump s’est engagé dans des efforts de paix en Ukraine et au Moyen-Orient, défiant ses réflexes isolationnistes habituels et la doctrine « America First » de son mouvement « Make America Great Again ». Il cherche à démontrer qu’il est capable de réussir sur la scène internationale là où ses prédécesseurs ont échoué.

Jusqu’à présent, les résultats restent modestes, malgré ses affirmations selon lesquelles il aurait été un médiateur efficace dans huit guerres. Mais sa quête actuelle de victoires rapides et sa propension à brûler les étapes, comme en Syrie, le placent désormais sur une trajectoire de confrontation avec la direction israélienne actuelle.

Récemment, de nombreux Israéliens se sont interrogés sur le recul de la campagne menée par Trump en faveur d’une grâce pour Netanyahou, un élément qui contribue à expliquer l’élargissement du fossé entre les deux hommes. Concilier leurs ambitions respectives en 2026, année électorale marquée par des élections générales en Israël et des élections de mi-mandat aux États-Unis, s’annonce particulièrement difficile.

Une inquiétude croissante se fait jour face à un possible affrontement entre le désir sans limites de Trump d’incarner un faiseur de rois à l’échelle mondiale, un dirigeant courtisé et flatté par les autres chefs d’État, et la volonté de Netanyahou de se poser en homme fort régional, pleinement conscient des réalités du terrain, notamment à Gaza et en Syrie, quitte à mener des batailles contraires aux intérêts des alliés de Trump.

Malgré tout, Israël continuera d’occuper une place centrale dans la stratégie sécuritaire américaine dans la région. L’alliance américano-israélienne demeure l’un des piliers de la stratégie des États-Unis au Moyen-Orient et un partenariat clé dans le « renforcement de la dissuasion ». Dans le même temps, cependant, des inquiétudes croissantes et des vulnérabilités structurelles israéliennes menacent la pérennité de cette alliance à long terme.