Pressé de réagir, le président Donald Trump s’est adressé aux Américains. Les récentes élections locales ont montré une nette inclination pour les candidats démocrates : les favoris de Trump n’ont remporté des victoires que dans des bastions républicains ultra-conservateurs, échouant dans les zones républicaines modérées ainsi que dans les États et villes à tendance démocrate.

Dans un discours d’une demi-heure — plus long que le temps accordé par les chaînes — Trump a suivi son scénario habituel : rejeter sur l’administration précédente tous les maux du pays. Il a évoqué « l’invasion des immigrés » qui « apprennent aux enfants à haïr l’Amérique », la flambée du coût de la vie et de l’inflation, les pays qui « profitent » des États-Unis, une économie fragile et une armée négligée.

Dans le même temps, il s’est attribué le douteux mérite d’avoir réglé ces problèmes plus vite que toutes les administrations précédentes réunies. Il affirme que sa politique a stoppé net l’immigration illégale, fait baisser les prix, réduit l’inflation et le coût des médicaments, relevé les salaires et attiré 18 milliards de dollars en investissements.

Plus frappant encore — ses opposants parlent d’affirmations gratuites — Trump a déclaré avoir mis fin à huit guerres à une vitesse record. Il a énuméré les conflits entre Israël et Gaza, le Sud-Liban, la Syrie, l’Iran et le Yémen, ainsi que ceux entre l’Inde et le Pakistan, la Thaïlande et le Cambodge, la Serbie et le Kosovo, l’Azerbaïdjan et l’Arménie, l’Éthiopie et l’Égypte, le Rwanda et le Congo.

Vérification des faits

Sur l’immigration illégale, il est difficile de croire que la politique de Trump l’ait « stoppée en sept mois » — et encore moins que 25 millions d’immigrants illégaux aient « envahi » le pays.

Sur le plan économique, il est inexact de dire que l’inflation est retombée au niveau de l’objectif de la Fed, même si elle a nettement reculé depuis son pic de 2022. Elle reste au-dessus du niveau souhaité.

Les baisses d’impôts vantées par Trump semblent plus ambitieuses sur le papier que dans les faits et devraient rencontrer des résistances au Congrès. Qui plus est, la baisse des recettes oblige l’État à s’endetter davantage.

Les affirmations selon lesquelles les prix des médicaments auraient chuté de 400, 500, voire 600 % relèvent clairement de la désinformation.

En politique étrangère, l’exagération est manifeste. Prétendre avoir « réglé huit guerres en dix mois » et « apporté la paix au Moyen-Orient » ne repose sur aucune preuve. Les principaux conflits, dont les offensives israéliennes à Gaza, au Sud-Liban et en Syrie, se poursuivent.

Par ailleurs, une guerre que Trump disait pouvoir régler « en un jour » — celle entre la Russie et l’Ukraine — fait toujours rage. Trump lui-même a accru les tensions dans les Caraïbes et le Pacifique oriental en déployant des forces autour du Venezuela, en autorisant des opérations clandestines sur son sol et en frappant des navires dans ses eaux territoriales.

Il a aussi assuré avoir « détruit la menace nucléaire iranienne », mais le programme nucléaire iranien reste une préoccupation internationale majeure, sans aucune information vérifiée sur la destruction de ses infrastructures.

Les objectifs de Trump

Face à des sondages défavorables et aux résultats des élections locales, Trump cherche une victoire difficile à obtenir et encore plus à vendre sur le plan intérieur. L’Ukraine reste intraitable : Vladimir Poutine exige le maximum, tandis que Volodymyr Zelensky, soutenu par l’UE, refuse de céder du territoire. Trump devrait accentuer la pression sur Kiev et Bruxelles pour les pousser vers une solution négociée.

S’il affirme avoir « instauré la paix » au Moyen-Orient, la politique concrète se concentrera sur des accords entre Israël et des États arabes comme l’Arabie saoudite, marginalisant les Palestiniens — une approche qui pourrait semer les germes d’une plus grande instabilité.

Au Venezuela, les tensions vont monter d’un cran. Trump pourrait plaider pour un changement de régime au nom de la « lutte contre l’invasion de la drogue », au risque d’accroître l’instabilité régionale.

La vraie cible : les élections de mi-mandat

Le discours de Trump ressemble à une feuille de route électorale destinée à redynamiser sa base démoralisée par les récents revers. Il parie sur des thèmes clivants pour mobiliser l’électorat républicain.

Les sondages actuels, qui prédisent une défaite cuisante des républicains en 2026, sous-estiment peut-être la détermination des électeurs de Trump ou l’impact d’une crise économique ou internationale avant le scrutin. Les moyennes de sondages compilées par Real Clear Politics montrent 52 % d’approbation pour sa politique migratoire et 48 % pour sa gestion économique — ce qui reflète la majorité extrêmement étroite des républicains à la Chambre (219–216) et leur faible avance au Sénat (53–47). Le redécoupage dans des États comme le Texas et la Floride pourrait ajouter 5 à 7 sièges à la Chambre, les rapprochant de la barre des 235 sièges nécessaire pour contourner un veto présidentiel.

Mais les risques sont bien réels. Les démocrates, convoitant les sièges républicains dans des États comme l’Ohio, le Montana et la Pennsylvanie, ne manqueront pas d’attaquer Trump sur l’inflation liée à sa politique des droits de douane — qui, selon les sondages, pèsent sur 55 % des ménages de banlieue. Les sanctions contre le Venezuela et les tensions commerciales avec la Chine pourraient faire monter le prix de l’essence à 4 dollars le gallon, sapant le soutien à Trump dans les États industriels clés si la croissance passe sous les 2,5 %.

Des sujets comme l’avortement ou la « démocratie » pourraient galvaniser l’électorat progressiste, mettant les candidats républicains en difficulté en Californie, à New York ou au Massachusetts.

Si le chômage reste sous le seuil des 3,5 % et que les marchés boursiers résistent, les républicains pourraient tenir bon. Sinon, les démocrates transformeront les élections de mi-mandat en référendum sur la politique « America First » de Trump — avec la possibilité de reprendre les deux chambres du Congrès.