Le général Joseph Aoun clôture bientôt le premier anniversaire de son élection à la présidence de la République. Son accession au pouvoir avait suscité un espoir immense grâce à une rafale de promesses. Il serait injuste de porter un jugement définitif juste un an après, mais sa performance laisse à désirer face à l’ampleur de son discours d’investiture.
Rendons lui tout de même justice : ce président n’a pas de pouvoirs illimités, les urgences du pays ne se règlent pas d’un claquement de doigts, et l’accord de Taëf restreint toute marge de manœuvre politique.
Pourtant, les Libanais – qui ont enfin un président et un gouvernement pas encore paralysé – ont le droit d’interroger le chef de l’État, le cabinet et le Parlement, toujours aux ordres de son président. Qu’ont-ils concrétisé ? Bien peu de choses. L’avenir demeure flou, les solutions hors de portée, alors que tous et tout les exhortent à prendre les devants.
N’est-ce pas indigne que ceux qui ont précipité le Liban dans l’enfer de la « guerre par procuration » feignent l’innocence quant à leurs actes et leurs armes, se cantonnant dans des explosions sonores inutiles ?
N’est-ce pas de la faiblesse que d’appliquer les décisions cruciales de l’État en ménageant la chèvre et le chou plutôt qu’avec fermeté ?
Tout se joue sur le courage des choix, la rigueur de leur mise en œuvre et le flair du timing. Trop souvent, les bonnes décisions tournent court, arrivées trop tard.
Trois angoisses taraudent aujourd’hui les Libanais :
Avons-nous tourné la page de la guerre, ou restons-nous à la merci d’une frappe israélienne – que brandissent les dirigeants de Tel-Aviv et dont nous alertent nos alliés mondiaux ? Nous avons opté pour les négociations et nommé un négociateur chevronné et intègre. Mais disposons-nous d’une vraie stratégie ? Avons-nous cerné nos lignes rouges et nos points de non-retour ?
Avons-nous des remèdes à nos bourbiers financier, économique, monétaire, social et politique ? Ces solutions traquent-elles les responsables – connus noms et prénoms – qui ont déclenché le chaos et s’y sont engraissés ? Prévoient-elles une indemnisation pour les Libanais et étrangers spoliés de leurs dépôts par les banques, alors que l’État – gaspilleur de ces fonds – les a laissés sans défense ? Toute la classe politique et le secteur bancaire sont complices : auteurs, complices, aveugles volontaires et muets.
Sommes-nous déterminés à bâtir un État solide et à renforcer ses institutions, ou les citoyens doivent-ils encore quémander leurs droits auprès de politiciens « prestataires de services » ?
La vérité saute aux yeux : aucun responsable n’a de réponse limpide. Chacun récite ce que lui souffle son entourage complaisant. Une autre réalité : il manque l’audace pour mobiliser les ressources sous la main, assurer un fonctionnement minimal de l’administration, puis trancher dans le vif.
La taille de notre secteur public suffirait à servir deux pays, et pourtant chaque service pleure le manque de bras. Où sont les salariés fantômes qui touchent le salaire sans pointer ? Ou les fonds détournés vers des partis via des postes fictifs sur des organigrammes obsolètes ?
Israël demeure l’ennemi – pour l’instant, et un accord reste possible. Mais notre pire ennemi, c’est nous-mêmes. Nous tournerons en rond dans ce cercle infernal tant que nous ne nous métamorphoserons pas en citoyens responsables.
Le temps presse, le Moyen-Orient est en pleine course aux positionnements. Que les tenants du pouvoir sortent de leurs marchandages et tracent l’avenir du Liban.
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