Pour la deuxième fois depuis son entrée dans le dossier libanais, l’émissaire américain d’origine libanaise Tom Barrack a suggéré que le Liban et la Syrie devraient constituer un seul État.
Il a répété cette déclaration à deux reprises. Oui, deux fois.
S’agissait-il d’un lapsus ? A-t-il exprimé ce qu’il sait ? Où a-t-il simplement formulé ce qu’il souhaite, indépendamment de son administration — peut-être en raison de sa mission officielle concernant le dossier syrien, en plus de son poste principal d’ambassadeur de son pays en Turquie ?
Barrack, d’origine libanaise, a recouvré la nationalité libanaise sous le mandat de l’ancien président Michel Sleiman. Il l’a recouvrée comme si elle n’était que de l’encre sur du papier, sans réellement connaître l’histoire du Liban. Si les lois appliquées par les États dits civilisés à ceux qui demandent leur nationalité avaient été respectées, il aurait dû passer un examen officiel sur l’histoire du pays dont il sollicitait la citoyenneté.
Sur cette base — et puisque notre « frère dans la citoyenneté libanaise » semble réinventer l’histoire selon ses propres goûts — je vais lui donner quatre leçons d’histoire libanaise et l’examiner à leur sujet, afin qu’il mérite, s’il réussit l’épreuve, l’honneur de porter la nationalité libanaise.
Leçon Un
Mon frère en citoyenneté, Tom, voici la première leçon.
Le Liban s’est distingué dans l’Antiquité par ses cités-royaumes : Tyr, Sidon, Byblos, Tripoli, Baalbeck… des villes qui se sont imposées au monde ancien et dont la civilisation a offert à l’humanité cinq dons qu’aucune autre civilisation n’a égalés : El, le dieu de l’amour ; l’alphabet ; la noussodémocratie (le gouvernement fondé sur la confiance de deux conseils) ; l’intuition de l’atome ; et la géométrie euclidienne.
Certains pourraient se demander pourquoi ces cités n’ont pas formé un empire ou un royaume unifié, à l’instar des empires et royaumes qui dominaient autrefois l’Orient.
La réponse est simple : des obstacles géographiques empêchaient leur union en un seul royaume, bien que leur peuple fût un, tout comme leur langue et leur religion. Parmi ces obstacles figuraient Ras el-Chaqaa (l’actuel tunnel de Chekka), la colline du Nahr el-Kalb (le tunnel du Nahr el-Kalb aujourd’hui) et le fleuve Awali.
Pour plus de précision, selon les découpages grecs puis romains, ces cités-royaumes (à l’exception de Baalbeck) étaient désignées sous le nom de Phénicie côtière, s’étendant au nord jusqu’à Ougarit et au sud jusqu’à Acre, tandis que l’intérieur syrien non désertique était appelé Phénicie libanaise.
Leçon deux
Et maintenant, mon frère Tom dans la citoyenneté, la deuxième leçon. Du Liban, trois éléments me suffisent : la vie, la raison et la divinité.
La vie
Les montagnes d’ambre chantées dans une poésie des Rahbani n’étaient pas une simple image poétique. La poésie précède souvent la science et la vérité. La science de l’ambre — avec l’aimable autorisation du professeur Danny Azar — affirme que le plus ancien ambre contenant une plante à fleurs a été découvert au Liban, datant de 135 millions d’années. Or, la plante à fleurs est le symbole même de la vie.
Ainsi, le Liban serait le donateur de la vie sur Terre.
La raison
L’alphabet phénicien a été élaboré après les « alphabets » cunéiformes, pictographiques et hiéroglyphiques, afin d’organiser la pensée et, par conséquent, d’accélérer le temps. Depuis lors — il y a plus de trois mille ans — la raison humaine et le temps sur Terre sont redevables à Cadmos du Liban.
La divinité
Dieu envoya son Fils unique sous forme humaine. Qana du Liban le rendit à Dieu dans sa divinité, lorsque la Vierge Marie devança le moment prévu de la proclamation de sa divinité, faisant advenir le miracle du vin — premier signe du Christ sur Terre.
Le Grand Liban, qui a célébré son centenaire il y a cinq ans, demeure ce que Gabriel Hanotaux qualifiait de « plus haute cime de l’histoire ». J’ajouterais : la plus haute cime du don humain.
Leçon trois
Ô Libano-Américain Tom, voici la troisième leçon.
Le plus ancien texte écrit connu à ce jour est l’épopée sumérienne de Gilgamesh, composée au milieu du troisième millénaire avant notre ère et retrouvée sur douze tablettes d’argile cuite, avec une version babylonienne datant du deuxième millénaire avant notre ère.
Le nom du Liban apparaît à deux reprises dans l’épopée de Gilgamesh. Cela signifie que le nom de notre patrie a au moins 4 500 ans d’existence, sans compter ses dizaines de mentions ultérieures, notamment dans la Bible — l’Ancien Testament — où il est cité 309 fois explicitement (dont 72 fois le mot « Liban ») et implicitement (la montagne, le cèdre, Sidon, Tyr, Byblos).
Ainsi, le nom du Liban est le plus ancien parmi les noms des États, et partout où il apparaît, il n’est associé qu’à quatre notions : l’immortalité, la sainteté, la grandeur et la beauté.
Leçon quatrième
Cher frère dans la citoyenneté libanaise Tom, voici la quatrième et dernière leçon — une leçon que j’avais déjà donnée à l’ancien ambassadeur de France au Liban, Bruno Foucher, lorsqu’il avait adressé ses vœux du Nouvel An aux Libanais, il y a quelques années, sans oublier de nous rappeler que son pays avait « créé le Liban il y a cent ans ».
Je lui avais répondu à l’époque — et je te le répète aujourd’hui — que, lors d’une rencontre en 1992 à l’ambassade de France avec un groupe d’activistes, à une période où la Syrie étendait son emprise sur le Liban sous couverture américaine, un ambassadeur français, dont le nom m’échappe, m’avait tenu les mêmes propos : « Nous avons créé le Liban il y a cent ans. »
Je lui ai demandé : avez-vous un exemplaire de la Bible ?
Il a répondu : oui.
Je lui ai dit : lisons ensemble.
Dans le Livre de Josué (13 : 6) :
« … et tout le pays des Gibliens, et tout le Liban, du côté du soleil levant, depuis Baal-Gad au pied du mont Hermon jusqu’à l’entrée de Hamath… »
Et dans le Livre des Juges (3 : 3) :
« … tous les Cananéens, les Sidoniens et les Hiouites qui habitaient sur le mont Liban, depuis le mont Baal-Hermon jusqu’à l’entrée de Hamath… »
Il m’a alors demandé : et qu’entendez-vous par là ?
Je lui ai répondu : les frontières du Liban sont clairement définies dans la Bible, du Akkar à Marjayoun.
J’ai ajouté : c’est Dieu qui a tracé les frontières du Liban, nul autre que Lui.
Cher Tom, mon frère dans la citoyenneté, cesse de nourrir des souhaits visant à nous rattacher à d’autres, et garde-les pour toi.
Il nous suffit d’être autosuffisants, même si certains de nos dirigeants et de notre peuple se réjouissent de la dépendance envers l’Oncle Sam.
Paix.
Note : la note de l’examen est fixée à 1701…
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