Tout ce qui filtre des missions des envoyés internationaux et arabes à Beyrouth, ainsi que des contacts et rencontres entre les capitales concernées par le dossier libanais, ne va pas pour l’instant au delà de la tentative de refroidir temporairement — ou de reporter provisoirement — la frénésie militaire israélienne, tant que la menace représentée par l’arsenal du Hezbollah demeure, en partie au sud du Litani et, surtout, plus au nord.
Il est vrai que la décision du Liban de nommer un négociateur politique au sein du comité du « Mécanisme » a partiellement désamorcé le déclencheur d’une escalade directe et ouvert une fenêtre d’espoir pour contenir la guerre imminente. Mais échanger une négociation politique contre l’annulation de cette guerre n’a pas réussi, en raison de l’attachement ouvert du « Parti » à ses armes et de sa recherche constante d’un soutien iranien multiforme — militaire, financier et politique — sous le slogan renouvelé (et trompeur) de Téhéran : « le parti est maître de lui-même », venant s’ajouter au slogan de son défunt secrétaire général, Hassan Nasrallah : « maître en Iran ».
Face au refus de céder les armes, Israël s’accroche à la justification de ses attaques et assassinats tant que les négociations du « Mécanisme », techniques et politiques, ne modifient en rien la question de l’arsenal qu’elle considère comme une menace pour sa sécurité, en particulier dans les régions du nord. C’est pourquoi elle dissocie les raids des négociations, selon les propos de l’ambassadeur américain à Beyrouth, Michael Issa, sur le perron d’Aïn el-Tiné.
Cette impasse persistante dans la résolution de la crise libanaise dissimule une carte iranienne visant à saboter le plan de l’État libanais pour parvenir à un règlement ou à une solution par des négociations directes — seul moyen restant après l’échec des options militaires confiées par le « Guide suprême » à son bras libanais via un « mandat religieux ».
Si Téhéran tente aujourd’hui d’éviter de « boire la coupe » de la guerre après en avoir expérimenté les effets destructeurs au cours de la dernière séquence des « 12 jours », elle sait désormais que les négociations avec les États-Unis (et avec Israël) constituent la seule voie possible pour atteindre son objectif central : assurer la survie de son régime en levant l’étau financier, économique et politique.
D’où ses instructions adressées aux « cadres » de son bras au Liban pour saboter — ou au minimum perturber — la décision du président de la République, Joseph Aoun, soutenu par le président du Parlement Nabih Berry et par le Premier ministre Nawaf Salam, d’engager des négociations avec Israël. L’Iran cherche en réalité à offrir l’opportunité de négocier au Hezbollah ou au « duo chiite », et non à l’État libanais, exactement comme lors des négociations de démarcation maritime à l’été 2022.
Cet été-là, le « duo » avait négocié le fond, laissant à la présidence la forme, la communication et l’annonce. Mais la situation est aujourd’hui différente : le « duo » est relégué à l’arrière-plan, tandis que l’État prend la tête du projet de négociation — ce qui irrite profondément la « direction suprême » iranienne.
Ce changement s’explique par l’affaiblissement militaire et politique qui a frappé le « Parti » du fait de la « guerre d’appui », ainsi que par l’élan nouveau qu’a acquis l’État libanais depuis près d’un an, malgré la fragilité de certaines de ses structures et la stagnation de nombre de ses décisions.
La différence essentielle est que l’Iran cherche désormais, par la négociation, à sauver son « parti » — non la communauté chiite ni le Liban. Alors que l’État libanais cherche à sauver le pays dans toutes ses composantes, y compris la composante chiite, aujourd’hui la plus exposée. Il n’est plus un secret que le malaise et les interrogations au sein de cette base sociale sont profonds quant aux objectifs iraniens et à l’issue de cette confrontation.
Dans une lecture globale, l’Iran penche nettement pour l’option de la négociation plutôt que pour la guerre, sachant qu’elle ne peut la gagner. Elle tente d’éprouver l’efficacité de cette stratégie à travers une expérience préliminaire menée par l’intermédiaire du Hezbollah — à condition que celui-ci en soit la façade, et non la présidence libanaise. En cas de réussite, l’expérience pourrait ensuite être transposée au niveau trilatéral supérieur : iranien-américain-israélien.
Mais trois obstacles secondaires menacent de miner la volonté iranienne de négocier avec Washington et Tel-Aviv — des obstacles qui vont de Sanaa à Bagdad en passant par Beyrouth — sans compter les deux obstacles centraux : le programme nucléaire et les missiles balistiques de longue portée.
Il n’est pas difficile de constater que les trois obstacles secondaires sont plus faciles à traiter que les deux obstacles principaux. Il devient dès lors plausible que l’effort se concentre sur la résolution des dossiers du Yémen, de l’Irak et du Liban comme « gage de bonne volonté » (ou « gage de rapport de force ») en vue des grandes négociations.
Dans ce cas, il ne serait pas surprenant que Téhéran se montre conciliant sur la question de l’arsenal du Hezbollah, sous prétexte de concessions nécessaires pour conclure toute guerre et sous couvert d’assurer la présence de ses bras armés à la table des négociations.
Tout indique que l’Iran cherche à éviter la guerre, et rien n’indique qu’elle puisse supporter un nouveau conflit — lequel serait certainement plus douloureux et plus destructeur que le précédent, et pourrait cette fois faire tomber un régime déjà fragilisé de l’intérieur. C’est pourquoi Téhéran veut tester la seule option qui lui reste : la négociation, en commençant par ses alliés locaux, tout en tentant d’augmenter le prix de la « transaction » qui consisterait à céder ces alliés — mais au tarif le plus élevé possible.
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