Bien que l’intervention du président américain Donald Trump ait été décisive pour mettre fin à la guerre à Gaza et sauver la vie des otages israéliens, elle a également constitué une bouée de sauvetage morale pour le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Mais ce salut ne viendra pas sans contrepartie pour « Bibi ».
Netanyahou est sorti de ses récentes batailles avec certains gains stratégiques — même ses rivaux le reconnaissent — après deux années marquées par des confrontations sur sept fronts, dont un affrontement diplomatique avec le Qatar. Israël a également mené des combats parallèles dans les médias, le cyberespace, les réseaux sociaux, les universités, les tribunaux et au sein des Nations unies.
Cependant, Netanyahou n’a pas réussi à effacer la plaie d’octobre, une honte qui continue de lui coller à la peau, peu importe la durée de ses guerres, menées dans l’espoir de survivre jusqu’aux prochaines élections internes. Il a refusé de démissionner, même après que d’autres hauts responsables en poste lors de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » ont quitté leurs fonctions. Netanyahou persiste à défier l’enquête judiciaire gouvernementale malgré la pression croissante de l’opinion publique réclamant des comptes.
Le Premier ministre s’est retrouvé de plus en plus isolé politiquement, perdant des alliés clés — y compris au sein de son propre bureau — tandis que les communautés juives du monde entier subissent elles aussi une marginalisation accrue à cause de ses actions et de son indifférence face à l’indignation mondiale provoquée par les massacres de Gaza. Cet isolement se manifeste dans les milieux universitaires, artistiques et sportifs, affectant même la légitimité d’Israël aux États-Unis — dans des domaines jadis considérés comme intouchables, tels que la coopération militaire.
Netanyahou est pleinement conscient de l’ampleur du défi qu’il doit relever pour reconquérir le pouvoir en tant que plus ancien dirigeant de l’histoire d’Israël. Il fait face à des défis politiques pour réunifier une nation divisée, à des défis économiques pour reconstruire l’État et à des défis militaires pour préparer d’éventuels futurs conflits — sans parler des défis personnels liés aux affaires judiciaires qui le poursuivent.
Pour toutes ces raisons, Netanyahou a aujourd’hui désespérément besoin de Trump, lequel a publiquement appelé, lors de son discours du 13 octobre à la Knesset, à l’abandon de toutes les procédures judiciaires en cours contre le Premier ministre.
À ce moment charnière de sa carrière politique, Netanyahou compte sur un soutien fort de Trump, alors qu’il se prépare à affronter une offensive féroce de la part de ses rivaux à propos de Gaza — une guerre que le Hamas peut revendiquer comme une victoire politique, sinon militaire.
Dès qu’il a compris la détermination de Trump, Netanyahou a entamé une série de concessions spectaculaires sous la pression : l’acceptation de mettre fin à la guerre, des clauses ambiguës dans l’accord de trêve, et une retenue envers le Hamas, allant jusqu’à suspendre les frappes aériennes malgré les accusations de violations du cessez-le-feu.
Pourtant, il a tenté de contourner l’accord sur Gaza avant d’être réprimandé par de hauts responsables américains, dont certains se sont précipités en Israël pour surveiller de près la trêve — leur présence transformant certains sites israéliens en zones de facto sous contrôle américain.
Ces développements ont alimenté des interrogations croissantes — et des campagnes politiques, notamment au sein de la droite israélienne — sur la question de savoir si Israël est désormais placé sous « tutelle américaine » ou même devenu, selon ses détracteurs, un « État client » de Washington.
La controverse s’est intensifiée à mesure que Netanyahou encensait Trump, acceptait ses conditions politiques et humanitaires liées à l’aide américaine, et fermait les yeux sur la tolérance de Washington envers le Hamas sur des questions comme le rapatriement des corps ou l’application du cessez-le-feu. Trump a même accepté le maintien du contrôle du Hamas sur Gaza dans le cadre de sa vision du maintien de l’ordre.
Depuis, les responsables américains surveillent jusqu’aux moindres détails pour éviter l’effondrement de la trêve estampillée Trump — un accord central dans son projet plus large de paix au Moyen-Orient.
Prendre ses distances avec l’annexion de la Cisjordanie
Pendant ce temps, et sans le soutien de Netanyahou ni de son parti, le Likoud, la Knesset israélienne a approuvé la première étape d’un projet de loi visant à imposer la souveraineté israélienne sur la Cisjordanie occupée — une avancée vers une annexion formelle.
Il ne s’agissait que du premier vote préliminaire, sur quatre nécessaires avant l’adoption définitive de la loi. Le texte appliquerait le droit civil israélien à la Cisjordanie, intégrant ainsi l’ensemble de ses zones à Israël et dépouillant l’Autorité palestinienne de ses derniers pouvoirs. Une telle mesure anéantirait toute perspective de solution à deux États ou de création d’un État palestinien indépendant, d’autant plus que l’annexion permettrait l’expansion continue des colonies israéliennes.
Bien que la mise en œuvre de cette mesure soit improbable à court terme, elle aggraverait la situation des Palestiniens, qui ne bénéficieraient pas des droits de citoyenneté et seraient soumis au droit israélien plutôt qu’au droit palestinien ou international.
Le rejet américain de ce vote préliminaire de la Knesset est intervenu au plus fort des pressions exercées sur Israël — un exemple clair de ce que la droite israélienne, notamment le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, dénonce comme une « tutelle américaine ».
Trump, cependant, a été explicite : Israël « perdra tout soutien des États-Unis s’il poursuit l’annexion ». Son vice-président, J.D. Vance, est allé plus loin, qualifiant le vote de « manœuvre politique très stupide », ajoutant qu’il s’en sentait « quelque peu insulté ».
Il est désormais évident pour les Israéliens que la pression américaine a atteint le niveau de la contrainte pure et simple, des responsables américains assistant aux réunions politiques et militaires pour s’assurer que toutes les décisions correspondent aux souhaits de Trump.
Le dilemme de Netanyahou s’aggrave à mesure qu’Israël entre dans la deuxième phase de l’accord de Gaza — celle de l’exécution — où il apparaîtra que la version de l’accord présentée par le gouvernement au public diffère de la réalité sur le terrain. Chaque clause risque d’ouvrir un nouveau conflit nécessitant de nouveaux compromis.
Tout cela découle des politiques unilatérales et défensives de Netanyahou, motivées par son obsession d’échapper à la justice. Ses guerres incessantes l’ont affaibli face à Washington, à la communauté internationale et à son propre peuple.
Ses opposants présentent désormais la situation comme celle d’un Israël contraint par les États-Unis à adopter des mesures contraires à ses intérêts nationaux — allant au-delà des pressions habituelles qu’une grande puissance exerce sur un allié plus petit dans le cadre normal des relations internationales.
Mais pour les détracteurs de Netanyahou en Israël, transformer le pays en une soi-disant « république bananière » n’inquiète pas forcément autant le grand public qu’ils le pensent. Beaucoup d’Israéliens opposés à Netanyahou estiment que sa soumission ne le sauvera pas politiquement, et qu’elle s’inscrira plutôt dans une stratégie américaine à long terme — celle de la vision régionale de Trump pour la paix, qui garantit à Israël une place privilégiée au sein du nouvel équilibre du Moyen-Orient.
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