Il ne fait aucun doute que les élections législatives de 2026 constituent un tournant dans la vie politique libanaise, qu’elles se tiennent à la date prévue ou que le mandat actuel du Parlement soit prolongé en raison de circonstances exceptionnelles.

Ce qui souligne le caractère « décisif » de cette échéance constitutionnelle, c’est la vive polémique politique autour de la loi électorale en vigueur : un camp réclame des amendements afin de permettre aux expatriés de voter depuis l’étranger pour les 128 députés, tandis qu’un autre insiste pour maintenir la loi telle qu’elle est.

La loi électorale actuelle, adoptée en 2017, a divisé le Liban en 16 circonscriptions et introduit la représentation proportionnelle pour la première fois depuis l’accord de Taëf. Elle a été saluée comme la formule la plus équitable pour garantir une représentation équilibrée au Parlement, notamment pour les chrétiens, qui se plaignaient depuis longtemps que nombre de leurs députés soient élus par d’autres groupes confessionnels.

À l’époque, les Forces libanaises et le Courant patriotique libre, malgré leur rivalité politique, avaient chaleureusement accueilli cette loi, qui leur avait permis de remporter un nombre important de sièges chrétiens lors des élections de 2018 et de 2022.

Cependant, depuis les événements déclenchés par l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » le 7 octobre 2023, suivis de la « guerre d’appui » menée par le Hezbollah contre Israël en solidarité avec le Hamas à Gaza, et qui s’est achevée par un cessez-le-feu le 27 novembre 2024, le climat politique et les calculs internes au Liban ont profondément changé.

Les forces politiques opposées à l’alliance Amal–Hezbollah la considèrent désormais comme un camp défait dans une guerre qu’elle a elle-même provoquée, et estiment qu’elle doit reconnaître sa défaite et se conformer aux décisions du gouvernement concernant le désarmement et le monopole des armes par l’État, comme le stipulent le serment présidentiel et la déclaration ministérielle. L’objectif, affirment-elles, est d’épargner au Liban une nouvelle guerre israélienne, que redoutent déjà les positions américaines, occidentales et israéliennes.

Dans ce contexte, le débat s’est intensifié autour de la question d’amender la loi électorale ou d’en adopter une nouvelle. Plusieurs propositions de loi, certaines urgentes, d’autres reportées, restent à l’étude au sein des commissions parlementaires. Le président du Parlement, Nabih Berri, affirme que, puisqu’une loi valable existe déjà, les prochaines élections doivent se dérouler sur cette base.

Berri a tenté de trancher la question dès le départ, en insistant sur le fait que les élections auront lieu à la date prévue, « sans report ni modification », qualifiant la loi actuelle de « sacrée, comme le Coran et la Bible ». Il a précisé que le gouvernement ne peut soumettre un nouveau projet de loi électorale tant qu’une loi en vigueur existe ; au mieux, il peut proposer certains amendements, que le Parlement peut adopter ou rejeter.

Pourtant, les partisans de la réforme ne désarment pas, en particulier ceux qui militent pour modifier l’article 112 de la loi actuelle afin de permettre aux Libanais expatriés de voter depuis leur pays de résidence pour les 128 députés, sans devoir se déplacer au Liban.

Cependant, Berri, l’alliance Amal–Hezbollah et leurs alliés estiment que l’organisation du vote à l’étranger dépasse les capacités financières et logistiques de l’État et compromet l’égalité des chances entre les forces politiques concurrentes.

Ils soulignent que les partis favorables au vote des expatriés jouissent d’une liberté de mouvement et de campagne dans la plupart des pays de la diaspora, contrairement au Hezbollah et à ses alliés, qui font face à des restrictions du fait de la désignation du Hezbollah comme « organisation terroriste » par ces États.

Cette classification empêche leurs candidats et leurs partisans d’entrer dans ces pays pour y faire campagne, tandis que leurs électeurs s’exposeraient à des restrictions, voire à l’expulsion, s’ils tentaient une mobilisation politique sur place.

Pour cette raison, le duo s’oppose au vote des expatriés à l’étranger, mais accueille favorablement leur participation à l’intérieur du Liban, quel que soit l’impact de leurs votes sur l’équilibre électoral.

Il avertit également que permettre aux expatriés de voter à l’étranger ouvrirait la porte à une ingérence étrangère dans le processus électoral libanais, qui pourrait à terme influencer la politique intérieure, comme le font déjà les puissances extérieures face aux transformations que connaît le Moyen-Orient.

Le camp opposé est pleinement conscient de la sensibilité de sa position, mais reste ferme, même si cela implique de reporter les élections et de prolonger le mandat du Parlement d’un ou deux ans.

Il parie sur le fait que, durant cette période, de nouvelles évolutions affaibliront davantage le Hezbollah et ses alliés, notamment sous la pression croissante des États-Unis, de l’Occident et d’Israël sur le gouvernement libanais pour désarmer le Hezbollah, au risque sinon d’une nouvelle guerre israélienne.

Dans ce scénario, l’opposition espère aborder les futures élections avec l’assurance d’une victoire, remportant la majorité parlementaire et le contrôle du nouveau gouvernement, tandis que ses adversaires seraient politiquement affaiblis par les conséquences d’une telle guerre.

Mais que cette guerre ait lieu ou non, Berri, l’alliance Amal–Hezbollah et leur bloc plus large partent du principe que les élections se tiendront à la date prévue, quel qu’en soit le prix, et conformément à la loi en vigueur.

Ils sont convaincus que les élections ne modifieront pas l’équilibre des forces existant.

À tout le moins, l’alliance Amal–Hezbollah est persuadée qu’elle remportera une nouvelle fois, sans concurrence, les 27 sièges parlementaires chiites.

Le duo estime que chaque attaque ne fait que renforcer sa base : plus il est pris pour cible, plus ses partisans se rassemblent autour de lui.