Depuis la disparition du slogan « La parole appartient au champ de bataille » après l’assassinat de l’ancien secrétaire général du « Hezbollah », Hassan Nasrallah, dans la soirée du 27 septembre 2024, le champ de bataille — dans les airs, sur terre et en mer — est désormais entièrement ouvert à Israël. L’ancienne équation de la « dissuasion et de la peur » s’est transformée en simple récit de propagande, sous le nouveau slogan du parti : reconstruire son appareil militaire et son commandement.
Alors qu’Israël exploite quotidiennement ce slogan pour justifier ses raids aériens dans le Sud et dans la Békaa, le « Hezbollah » — soutenu par l’Iran et représenté politiquement par le président du Parlement Nabih Berri — a déplacé son affrontement d’Israël vers l’intérieur libanais, s’attaquant à l’État et aux forces politiques qui refusent son maintien en armes. Les dernières manifestations de cette confrontation se résument à deux refus : celui des négociations avec Israël et celui du droit des expatriés à élire les 128 députés.
Sur la question des négociations, le refus de Berri a rompu la dynamique politique naturelle proposée par le président Joseph Aoun, visant à intégrer le Liban dans le processus de règlement pacifique régional approuvé par le « Sommet de la paix » de Charm el-Cheikh. Berri a, au contraire, entériné la décision de l’Iran de se retirer du consensus islamique, arabe et international, maintenant ainsi le Liban isolé de cette voie.
Il est vrai que le refus de Berri de négocier avec Israël s’explique en partie par une frustration personnelle : celle d’avoir perdu, avec le « Hezbollah », la maîtrise de ce dossier au profit de la présidence, conformément à l’article 52 de la Constitution, après avoir géré unilatéralement les négociations sur la délimitation maritime à l’été 2022, lesquelles avaient abouti à une concession de la ligne 29 en faveur d’Israël. Mais, plus fondamentalement, l’Iran reste déterminé à utiliser le Liban comme l’une de ses dernières cartes de pression dans toute négociation, transaction ou arrangement régional.
Il est évident que l’hésitation — voire la confusion — du palais de Baabda et du Sérail gouvernemental à définir la position officielle de l’État face au refus du « duo » d’ouvrir des négociations a libéré le ciel libanais : les drones israéliens survolent désormais les trois sièges présidentiels ainsi que le quartier général du « Hezbollah » dans la banlieue sud, adressant un message commun aux quatre centres du pouvoir.
C’est comme si Israël signifiait à tous ces acteurs que l’alternative aux négociations politiques, militaires et directes qu’elle souhaite, est la « négociation par drones et avions de combat ». Un message qui fait écho à « l’avertissement final » lancé par l’émissaire américain Thomas Barak dans une longue déclaration écrite publiée sur la plateforme X, réduisant la courte échéance dont dispose le Liban pour appliquer ses résolutions du 5 et du 7 août sur la limitation des armes à l’État.
Il ne fait aucun doute que le président est désormais appelé à prendre position face au blocage de son initiative — même si la justification non prouvée de Berri prétend qu’Israël aurait rejeté une proposition attribuée à Barak portant sur une trêve de deux mois, un retrait et des négociations sur le désarmement. Aucun responsable ni observateur n’a évoqué une telle proposition hypothétique.
Et tandis que Berri et le « Hezbollah » s’accrochent au « Comité de mécanisme » comme unique cadre de gestion de la crise, ils nient les véritables contenus de l’accord de cessez-le-feu en vigueur depuis le 27 novembre 2024 — notamment la clause prévoyant le retrait de toutes les armes du territoire libanais « à partir du sud du Litani » et leur confinement entre les mains des six forces légitimes : l’armée, la sécurité intérieure, la sécurité générale, la sûreté de l’État, les douanes et la police municipale. Le respect du mandat de ce comité impliquerait de facto le désarmement du « Hezbollah », ouvrant la voie au retrait, à la délimitation des frontières, à la reconstruction et à la récupération de l’ensemble des droits souverains du Liban.
Concernant le blocage de la loi électorale et l’atteinte au droit des Libanais non-résidents de voter pour l’ensemble des députés sans distinction, le plus grave est la confiscation de la volonté de la majorité qualifiée des parlementaires, renversant à la fois la Constitution et le règlement intérieur.
Tout aussi inquiétante est la proposition trompeuse du « Courant patriotique libre » qui, sous prétexte d’égalité entre résidents et expatriés, voudrait permettre aux Libanais de l’intérieur de voter pour les députés de l’étranger, et inversement. Une manœuvre qui permettrait au bloc électoral verrouillé du « duo chiite » de contrôler l’élection des six députés représentant la diaspora, les intégrant aisément à ses deux blocs fermés regroupant actuellement les 27 députés chiites et quatre autres issus d’autres confessions, portant leur total à 37. Cela gonflerait par ailleurs le Parlement au nombre de 134 membres au lieu de le réduire à 108, comme le prévoit l’accord de Taëf.
Ce faisant, ce « Courant » offrirait un service politique net au « duo », qui « lui rendrait la pareille » par des députés de confiance, comme c’est déjà le cas dans son bloc actuel.
Dans le contexte politique libanais en crise, il est impossible de dissocier le refus des négociations de paix du refus des droits des Libanais de la diaspora ; car « deux rejets ne font pas une Nation».
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