La convention collective régissant les relations entre les banques libanaises et leurs employés a expiré en 2020 et n’a toujours pas été renouvelée. Le danger ne réside pas seulement dans la perte de cinq années durant lesquelles les employés, comme d’autres travailleurs, ont subi une exploitation féroce, mais dans ce que les responsables syndicaux qualifient d’intention délibérée de ne pas renouveler l’accord.
Malgré les efforts de médiation menés par le ministère du Travail entre le Syndicat des employés de banque et l’Association des banques du Liban (ABL), cette dernière — par la voix de son avocat — a annoncé qu’aucun renouvellement ne serait possible avant l’adoption de la « loi sur l’écart financier ». Cette position a suivi l’échec de tentatives de l’ABL de contester la légitimité du syndicat comme représentant des employés.
Retards et obstruction
Ces manœuvres d’obstruction ont exaspéré le président du Syndicat des employés de banque, Georges Al-Hajj, qui a accusé le conseil d’administration de l’ABL d’adopter une stratégie de « procrastination et de retard ». Il a souligné que l’association avait confié le dossier à son avocat, rejeté la demande de médiation du syndicat pour des raisons de procédure et invoqué des arguments jamais soulevés depuis la signature de la première convention collective en 1974.
Al-Hajj a ajouté que les déclarations de l’avocat de l’ABL, Akram Azouri — affirmant publiquement que le renouvellement de la convention ne serait pas possible avant la promulgation de la loi sur l’écart financier — ont suscité la colère des employés. Ces derniers, déjà éprouvés depuis 2019 par la colère des déposants, les insultes, les agressions physiques et même le gel de leurs propres salaires et indemnités dans les banques où ils travaillent, y ont vu la preuve de l’absence de volonté des établissements d’améliorer les rémunérations, les prestations ou la couverture sociale.
L’impasse de la médiation
Lors de la première séance de médiation, l’avocat de l’ABL a invoqué une clause ancienne de la loi sur la « médiation et l’arbitrage » exigeant que la partie requérante représente au moins 60 % de ses membres. En réponse, lors de la quatrième séance le 30 septembre, le syndicat a remis au ministère du Travail une liste d’environ 3 500 signatures de membres lui donnant mandat de négocier le renouvellement de la convention collective.
Une fois ce mandat prouvé, le syndicat a demandé au ministère d’obliger l’ABL à entamer la discussion des amendements proposés. Mais au lieu de répondre, l’avocat de l’ABL a sollicité un délai supplémentaire, poussant le ministère à fixer la prochaine réunion au 21 octobre.
Les revendications des employés
« Les revendications des employés de banque sont loin d’être excessives », a insisté Ibrahim Bassil, président du syndicat. Selon lui, elles vont même dans l’intérêt des banques : « Les employés sont le deuxième pilier du secteur, aux côtés du capital lui-même — autrefois jugé sacré par les banquiers avant l’effondrement. »
Mais la reconnaissance d’antan a cédé la place au mépris. Même après avoir renoncé à de nombreuses revendications légitimes, les employés insistent sur un socle minimal de conditions pour assurer une vie décente et une indemnisation équitable :
Un salaire de départ minimum pour les nouveaux employés d’au moins 500 dollars, afin de garantir des indemnités de fin de service acceptables.
- Une bourse scolaire annuelle de 2 500 dollars et une bourse universitaire de 4 500 dollars.
- Une couverture médicale d’au moins 6 millions de livres libanaises par mois.
- La relance du fonds de solidarité des employés de banque.
Ces revendications ne représentent que 10 à 20 % de ce dont bénéficiaient les employés avant l’effondrement, que ce soit en termes de salaires ou de prestations sociales et médicales. La relance du fonds de solidarité reste particulièrement contestée : certaines banques disposent de leurs propres compagnies d’assurance et n’y trouvent aucun intérêt ; d’autres entretiennent des liens étroits avec des assureurs externes ; d’autres enfin redoutent les charges supplémentaires que le fonds pourrait entraîner.
Un avenir incertain
Les effectifs bancaires ont déjà chuté brutalement, passant de 24 000 employés fin 2019 à moins de 14 000 aujourd’hui. Ce chiffre devrait encore baisser avec la restructuration à venir, a prévenu Bassil, et sans convention collective renouvelée, les conditions pourraient être « catastrophiques ».
Il a expliqué que les licenciements seront régis par la nouvelle « loi sur la régulation bancaire » qui, contrairement à l’ancienne loi sur les fusions, ne prévoit aucune protection pour les employés. Les indemnités seront calculées selon l’article 50 du Code du travail, allant de deux à douze mois sur la base des salaires déclarés. Or, ces salaires étant déclarés en livres libanaises, et avec un salaire minimum fixé à 28 millions de livres, les indemnités seront « dérisoires ».
« Jusqu’à présent, le syndicat s’est abstenu de toute escalade, par respect pour la médiation et le rôle du ministère du Travail », a affirmé Al-Hajj. « Mais si le ministre échoue à amener l’ABL à la table des négociations, le secteur connaîtra une escalade pouvant aller jusqu’à la grève ouverte. »
Un secteur à la croisée des chemins
Pendant des décennies, les banques libanaises se sont enorgueillies de leurs deux formes de capital : financier et humain. Le premier ayant été dissipé dans l’effondrement, le second est-il désormais sacrifié à son tour ?
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