Depuis la première conférence au sommet de la Ligue arabe à Anshas, en Égypte, en 1946—avec la participation des sept pays fondateurs (Égypte, Jordanie, Arabie saoudite, Yémen, Irak, Liban et Syrie)—trente-quatre sommets ont été organisés. Cette rencontre inaugurale n’avait pas publié de communiqué final mais plutôt des résolutions, dont les principales furent : placer la Palestine au cœur des causes arabes ; considérer le sionisme comme une menace non seulement pour la Palestine mais pour l’ensemble du monde arabe et islamique ; exiger l’arrêt complet de l’immigration juive et interdire la cession de terres arabes aux sionistes ; œuvrer à l’indépendance de la Palestine ; considérer toute politique agressive menée par Washington ou Londres contre la Palestine comme une hostilité envers tous les États membres de la Ligue ; et fournir un soutien financier et matériel aux Palestiniens.
Tous les sommets qui ont suivi—au nombre de trente-trois—ont conservé la Palestine comme axe central, reléguant les autres questions au second plan. Mais les déclarations finales, au style pompeux, n’ont jamais débouché sur des actions concrètes. D’où la célèbre formule : « Ils se sont mis d’accord pour ne pas s’entendre. »
La critique la plus virulente vint du poète et diplomate syrien Omar Abou Richa, surnommé le « poète de la tribu ». Après le sommet de Rabat en 1969—réuni après l’incendie de la mosquée Al-Aqsa et la participation de quatorze États arabes—il prononça à Beyrouth, lors d’une cérémonie de l’UNESCO, son poème cinglant « Les Filles du poète », où il résumait l’impuissance arabe :
« Quand on les interpelle, ils mentent ; quand on les sollicite, ils s’emportent.
Quand on les combat, ils fuient ; quand on les fréquente, ils trahissent.
Craignant que la honte disparaisse, ils tinrent un sommet à Rabat pour l’entretenir.
Sur leurs divans, loué soit leur Créateur,
Ils vécurent sans conscience, moururent sans sépulture. »
Cette image—de faste sans substance—a marqué durablement la mémoire des sommets arabes et islamiques.
Le récent sommet de Doha semblait sortir quelque peu de l’ordinaire, après la frappe israélienne inédite sur la capitale qatarie—perçue comme une atteinte à la souveraineté et au rôle de médiateur que l’émirat s’efforce de jouer. Mais le constat final reste identique : de grands discours, aucune mesure concrète. L’agression israélienne se poursuit à Gaza, au Liban et au Yémen, avec la complaisance américaine, malgré la présence d’une gigantesque base militaire américaine au Qatar.
L’émir du Qatar, Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, a toutefois lancé un avertissement clair : Israël, dit-il, œuvre à déstabiliser le Liban et à le précipiter dans une guerre civile. Il a accusé Benjamin Netanyahu de « rêver » de transformer la région arabe en zone d’influence israélienne.
Le calendrier des escalades israéliennes semble confirmer cette thèse. Les bombardements massifs de jeudi dernier contre le sud du Liban—précédés de cartes et d’ordres d’évacuation—ont tourné en dérision les efforts libanais de monopoliser les armes sous contrôle de l’État, notamment le plan de désarmement de l’armée salué au niveau régional et international. Pourquoi ce déluge de feu à la veille de la présentation du premier rapport de l’armée libanaise ? Pourquoi frapper à l’approche de la commémoration des assassinats des anciens secrétaires généraux du Hezbollah, Hassan Nasrallah et Hachem Safieddine ? Était-ce pour assombrir le deuil de leurs partisans ?
Et pourquoi agir à la veille de la visite de Morgan Ortagus au Liban, venue assister à Naqoura à la réunion du comité de cessez-le-feu présidé par un général américain—déjà perçu comme impuissant ? Était-ce la façon d’Israël de rappeler qu’il dicte seule les règles du jeu au Moyen-Orient ?
Tout cela relève d’une stratégie délibérée de déstabilisation visant à pousser le Liban vers la guerre civile, tout en protégeant Israël et en garantissant l’accès des États-Unis aux ressources pétrolières.
Mais l’histoire pose une question : de tels desseins peuvent-ils s’imposer si les peuples eux-mêmes les rejettent ? Les Libanais sauront-ils s’unir, dépasser leurs divisions et résister à tout projet douteux, au lieu de se complaire dans l’arrogance, la dépendance et les querelles ?
La parabole est claire : un serpent attaqua un groupe de garçons. La plupart s’enfuirent, mais deux restèrent, le tuèrent et partirent. Les autres revinrent ensuite, traînant le cadavre dans les rues du village, se pavanant comme des « héros ».
Le monde arabe d’aujourd’hui est rempli de ces « héros ».
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