Entre les séances du Conseil des ministres des 5 août et 5 septembre, bien des choses ont changé, notamment sur la question sensible du « monopole de l’État sur les armes ». Le résultat a toutefois été présenté comme une formule « gagnant–gagnant », à la fois sur le plan intérieur et international.

Alors que les réactions de Washington, des capitales européennes et arabes à la dernière réunion du gouvernement libanais se font encore attendre, l’essentiel réside dans le compromis politique scellé avant la séance. L’accord trouvé sur le dossier des armes a permis à toutes les parties d’adoucir leurs positions rigides.

Même si les ministres du « duo chiite » ont quitté la séance lorsque le commandant en chef de l’armée, le général Rodolph Haykal, a présenté le plan militaire visant à placer les armes sous contrôle de l’État, chacun a fini par se déclarer victorieux. Le plan de l’armée, jugé réaliste et adapté aux moyens limités d’une institution déjà mobilisée au Sud et ailleurs, a évité toute échéance contraignante. Sa mise en œuvre commencera au sud du Litani, avant de s’étendre progressivement par étapes, avec des rapports mensuels soumis au Conseil des ministres.

Une formule « gagnant–gagnant » décryptée

Le président Joseph Aoun sort renforcé, avec la garantie que la question des armes sera traitée dans le cadre d’une « stratégie nationale de sécurité »—une approche qu’il défend depuis longtemps dans ses consultations avec le Hezbollah et Amal. Le Conseil des ministres a ainsi replacé le dossier sur sa voie constitutionnelle et politique, comme le prévoient le serment présidentiel et la déclaration ministérielle. Cela permet à Aoun de convoquer à tout moment un dialogue national, conforté par l’appel récent du président du Parlement, Nabih Berri, à des discussions « calmes et consensuelles ». Il devrait également mettre en avant ces avancées devant l’Assemblée générale des Nations unies, le 25 septembre, en réclamant le retrait israélien du Sud et en soulignant les efforts de Beyrouth pour consolider le monopole de l’État sur la guerre et la paix.

Le Premier ministre Nawaf Salam a obtenu la validation de la décision de son gouvernement de réserver les armes à l’État. La mise en œuvre progressive par l’armée confirme que la politique est bel et bien engagée, malgré les critiques affirmant que l’exécutif aurait édulcoré sa position en se contentant de « saluer » le plan. Les forces politiques qui avaient soutenu Salam début août se considèrent elles aussi gagnantes, réaffirmant leur appui à son insistance sur le désarmement et appelant à accélérer son application.

Le Hezbollah et Amal revendiquent également une victoire. Le Conseil des ministres a reformulé les priorités dans leur sens, en conditionnant le désarmement au respect par Israël du cessez-le-feu, à l’application de la résolution 1701, aux retraits territoriaux, à la libération des prisonniers et à la reconstruction. La question des armes a été reportée au dialogue national promis et à l’exécution confiée à l’armée—évitant ainsi une confrontation qui aurait pu mener à la discorde civile.

Le « raccommodage » de Berri

Ce compromis a été minutieusement « brodé » par le président du Parlement, Nabih Berri, à travers des contacts intensifs avec le président Aoun, le Premier ministre Salam et le chef de l’armée dans les jours précédant la séance. Tous ont convenu d’éviter toute initiative risquant de menacer la paix civile ou de diviser le gouvernement sous la pression de la rue. La déclaration du Conseil, associée à son « accueil » favorable du plan graduel de l’armée, a scellé l’accord, tout en préparant le terrain à une stratégie nationale de sécurité plus large.

Et maintenant ?

L’attention se tourne désormais vers la réaction d’Israël, qui persiste à violer le cessez-le-feu et à occuper certains territoires. Un autre point d’intérêt sera la visite de l’envoyée présidentielle américaine, Morgan Ortagus, cette fois accompagnée du commandant du CENTCOM, l’amiral Brad Cooper—signe d’une dimension résolument militaire.

À l’échelle régionale, les regards se portent aussi sur les capitales arabes et surtout du Golfe. Ces États, aux côtés de Washington, avaient fermement soutenu les résolutions du Conseil des ministres en août sur la question des armes et la proposition américaine endossée. Leur implication sera déterminante pour permettre au Liban de maintenir le fragile équilibre trouvé à Beyrouth.