Edoardo Secchi, Président fondateur du Club Italie-France, entrepreneur estime que Meloni a redressé l’économie italienne.
Quels sont les résultats économiques les plus marquants de Giorgia Meloni qui fêtera ses 3 ans au pouvoir, en Italie, cet automne ?
L’année 2024 a été sans doute l’une des plus intéressantes pour l’économie italienne et pour le gouvernement de Giorgia Meloni. Si l’on observe de près certains résultats, on peut confirmer que le pays affiche des signes de reprise supérieurs à ceux de ses partenaires historiques comme la France et l’Allemagne. Prenons la réduction du déficit. En valeur absolue, le déficit net des administrations publiques a été quasiment réduit de moitié par rapport à l’année précédente. Le pays est le seul du G7 à avoir réussi, après le Covid, à réaliser un excédent primaire. Un autre élément mérite d’être analysé avec attention : la stabilité politique garantie par le gouvernement Meloni au cours des trois dernières années a représenté un facteur clé dans le renforcement de la confiance des marchés financiers envers l’Italie. L’agence S&P a récemment relevé la note de l’Italie, reflétant ce climat financier en nette amélioration. Ce n’est pas un miracle économique mais c’est un très bon début prometteur. Très belle revanche pour Giorgia Meloni qui a suscité de vives critiques et des réactions controversées dans toute l’Europe, avant qu’elle puisse démontrer l’impact de sa politique et de quoi elle a été capable.
Le chômage et le déficit public ont fortement reculé… Le niveau de croissance reste faible ?
Vous avez raison. Malgré que le gouvernement ait réduit le déficit et le chômage, le niveau de croissance en raison d’une demande intérieure peu dynamique, a été pénalisé à la fois par un faible pouvoir d’achat mais aussi par le déclin démographique. Pour relancer la demande, il est nécessaire de mettre en place des politiques ciblées sur les revenus, la natalité et l’attractivité pour les jeunes ainsi que pour les travailleurs étrangers qualifiés. La croissance est plutôt tirée par le commerce extérieur qui représente plus de 40 % du PIB, indispensable à l’économie italienne.
Il y a un mélange chez elle, de souverainisme, de conservatisme et d’un certain pragmatisme institutionnel…Comment qualifier l’exercice de son pouvoir ?
Giorgia Meloni a rapidement compris qu’une ligne de confrontation frontale avec l’euro et Bruxelles aurait conduit à un isolement préjudiciable pour l’Italie, tant sur le plan économique que financier. C’est pourquoi elle a opté pour une posture plus modérée et pragmatique. Sa véritable force réside dans sa capacité à avoir offert au pays une stabilité politique inédite tout en s’imposant comme une alternative crédible, à la fois face à la gauche et aux forces populistes dépourvues de vision stratégique, telles que la Ligue et le Mouvement 5 Étoiles.
Meloni suit une stratégie originale contre les flux migratoires: il s’agit d’investir dans les pays d’origine des migrants, Tunisie, Lybie, pour y améliorer les conditions de vie et garantir le « droit à ne pas émigrer ». Cette méthode est-elle efficace ?
Il est trop tôt pour le dire si cette méthode est efficace. Là encore, l’Italie pourra faire bien peu si elle agit seule. Toutefois, le problème de l’immigration en Italie comme en Europe nous confronte à un défi colossal. Dans un monde de plus en plus concurrentiel, la compétition s’est déplacée vers les domaines de la technologie et de l’innovation. L’Europe s’est contentée d’importer une main-d’œuvre peu qualifiée pour l’employer dans le secteur tertiaire, elle ne peut plus se le permettre aujourd’hui. Nos meilleurs talents quittent l’Europe pour créer de la valeur ajoutée aux États-Unis, en Chine, en Asie du Sud-Est ou au Moyen-Orient. Combien cela coûte-t-il à un État, en termes d’investissements et de temps, pour élever ces personnes à notre niveau de compétences et les rendre opérationnelles dans l’économie ? Et surtout, pourquoi nos gouvernements ne se préoccupent-ils pas davantage des millions de citoyens européens tombés dans la pauvreté à la suite de la perte de leur emploi ? Ce sont eux qui devraient être au cœur des politiques sociales et économiques, bien avant toute stratégie migratoire à courte vue.
La Présidente du Conseil italien est devenue l’interlocutrice privilégiée de Donald Trump… leader en Europe ! Comment expliquer ce changement de statut politique ?
Les relations entre l’Italie et les États-Unis ont toujours été excellentes, renforcées par le rôle crucial joué par les nombreuses organisations italo-américaines, ainsi que par l’influence culturelle et politique de la communauté italo-américaine. Parmi les figures les plus emblématiques, on peut citer Nancy Pelosi, première femme d’origine italienne à occuper le poste de présidente de la Chambre des représentants, Mike Pompeo, ancien secrétaire d’État, Andrew Cuomo et Ron DeSantis, respectivement anciens et actuels gouverneurs de New York et de Floride. N’oublions pas non plus les pionniers comme Ella Grasso, première femme élue gouverneure d’un État américain, et John Orlando Pastore, premier sénateur italo-américain. Aujourd’hui, cet héritage se perpétue à travers la Italian American Congressional Delegation, qui regroupe environ 30 membres du Congrès et plus de 150 associés, témoignant de l’importance continue de la contribution italo-américaine à la politique nationale des États-Unis. La double fidélité aux États-Unis ne coïncide cependant plus, dans de nombreux domaines, avec les intérêts stratégiques de l’Union européenne. Il est temps de le reconnaître et d’agir en conséquence.
Dans la bataille sur les droits de douane de 15% imposés par Trump à l’Union Européenne, Girorgia Meloni aurait-elle pu jouer un rôle plus efficace que la fédéraliste Von der Leyen ?
Après avoir assisté à la crucifixion politique d’Ursula von der Leyen et à sa « négociation à perte » face à Donald Trump, beaucoup se sont demandés si elle défendait réellement les intérêts de l’Europe, ou si elle agissait en représentante commerciale des États-Unis. Le vrai problème réside dans l’absence d’un leadership politique fort et unifié au sein de l’Union européenne, doté d’un mandat clair et partagé à l’échelle nationale. Emmanuel Macron avait raison, tout comme Mario Draghi, lorsqu’il affirmait que l’Europe devait assumer ses responsabilités et cesser d’être dépendante des États-Unis. l’Europe ne dispose d’aucune entreprise capable de concurrencer ou de remplacer les géants américains. Il n’existe aujourd’hui aucune alternative crédible aux solutions proposées par Microsoft, Amazon, Google, Tesla, Meta, Nvidia ou Apple. Dans le domaine financier, la domination des acteurs américains dans tous les segments rend pratiquement impossible toute tentative d’autonomie stratégique.