Le cabinet du Premier ministre Nawaf Salam fait face à son épreuve la plus difficile depuis sa formation, alors qu’il se prépare, mardi, à aborder un sujet clivant et hautement controversé : le désarmement du « Hezbollah ». Bien que ce ne soit pas la première fois que la question soit soulevée, la pression extérieure — à la fois militaire et économique — pousse désormais le gouvernement à boire cette coupe amère. Il convient de noter que, depuis la formation du gouvernement, le président de la République s’est engagé personnellement sur ce dossier afin d’éviter un éclatement interne.
D’un point de vue économique, la question essentielle est la suivante : quelles sont les issues possibles des scénarios politiques attendus à l’issue de la séance de demain ? Ici, nous n’abordons pas la question sous un angle politique, mais nous nous concentrons exclusivement sur ses implications économiques.
Trois grands scénarios se dessinent pour la réunion du Conseil des ministres de mardi :
Scénario 1 : Désarmement par la négociation — Une voie prudente
Dans ce scénario, le gouvernement déciderait d’adopter une approche progressive et par étapes pour étendre l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire libanais, réaffirmant ainsi le principe du monopole de l’État sur l’usage de la force. Cette décision permettrait d’obtenir un soutien international pour renforcer les capacités de l’armée libanaise, accroître sa présence opérationnelle à partir du sud du Litani vers le nord, et garantir un financement international conséquent pour la reconstruction et la modernisation de l’armée — potentiellement 1 milliard de dollars par an sur dix ans.
Une telle démarche ouvrirait la voie à des aides et investissements internationaux et poserait les bases d’une stabilité sécuritaire durable. Les aides internationales et les financements pour la reconstruction pourraient affluer immédiatement dès l’annonce d’un plan crédible de désarmement progressif. Cela signifierait le déblocage de milliards de dollars promis par les donateurs — comme lors de la conférence CEDRE — conditionnés à des réformes politiques et économiques. Tout cela aurait un impact positif sur la situation financière, monétaire et économique du Liban.
Scénario 2 : Engagement symbolique — Maintien du statu quo
Dans ce scénario, le Conseil adopterait une déclaration réaffirmant le droit exclusif de l’État à détenir les armes — une position qui serait bien accueillie par l’opinion internationale. Toutefois, une telle mesure serait probablement accueillie avec prudence par les bailleurs de fonds, laissant le Liban dans un état d’instabilité persistante. Cette demi-mesure pourrait exposer le pays à de nouvelles crises et compromettre sa souveraineté à long terme.
Sur le plan économique, ce scénario correspond à la poursuite du statu quo, avec des perspectives économiques faibles reflétant une stagnation et une crise continues. Il n’y aurait pas d’afflux immédiat d’aides, qui resteraient limitées. L’incapacité du gouvernement à contrôler pleinement les armes fournirait à la communauté internationale un prétexte pour ne pas honorer ses engagements. Les difficultés économiques persisteraient, d’autant plus que le Liban ferait face à un encerclement financier — voire militaire — entraînant des crises sociales susceptibles, par exemple, d’accentuer l’émigration.
Scénario 3 : Escalade — Une catastrophe humanitaire
Dans ce scénario, la situation échapperait à tout contrôle. L’incapacité du gouvernement à imposer un monopole sur les armes, comme l’exige la communauté internationale, pourrait inciter Israël à intensifier ses attaques contre le Liban. Les choses pourraient aller plus loin avec le placement de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) sous le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, l’inscription du Liban sur la liste noire du Groupe d’action financière (GAFI) et la suspension des aides étrangères. Des craintes existent également quant à la possibilité que des tensions confessionnelles — attisées par des acteurs extérieurs — dégénèrent en conflit armé, impliquant potentiellement certains États voisins. Cela mettrait gravement en péril la souveraineté du Liban.
Sur le plan économique, il s’agit du scénario le plus destructeur. La probabilité de sanctions et d’un isolement financier serait extrêmement élevée. Des sanctions pourraient viser des responsables politiques, y compris au sein même du gouvernement et du parlement, isolant le Liban et le plaçant parmi les pays en proie à une catastrophe humanitaire. Le pays pourrait perdre sa capacité à importer ou exporter, les transferts de la diaspora seraient fortement restreints, et le tourisme, l’agriculture et l’industrie s’effondreraient totalement. La livre libanaise plongerait à des niveaux historiques.
Indicateurs économiques selon les trois scénarios
Une simulation des principaux indicateurs économiques dans les trois scénarios — bien que approximative compte tenu des complexités politiques — illustre clairement la trajectoire de l’économie libanaise dans chaque cas. Le modèle, simplifié, prend en compte la stabilité politique, l’aide internationale et la performance économique interne.
Les principaux indicateurs simulés comprennent : la croissance réelle du PIB (%), le taux d’inflation (%) et le taux de change de la livre libanaise par rapport au dollar américain.
Les résultats montrent que le Scénario 1 mènerait à une reprise économique, avec une croissance à deux chiffres, une inflation stable et un taux de change régulier. Le Scénario 2 refléterait la poursuite de la situation actuelle. Le Scénario 3 serait catastrophique : croissance économique réelle négative, hyperinflation et taux de change dépassant les six chiffres (voir graphiques 1, 2 et 3).
En conclusion, la décision du Conseil des ministres de demain sera déterminante pour la souveraineté, la sécurité et l’avenir du Liban. Le gouvernement pourra-t-il imposer l’autorité de l’État sans provoquer de division interne, et répondre aux exigences internationales sans porter atteinte à la dignité nationale ? Il est clair que la portée de la décision dépassera le Liban et résonnera dans les capitales du monde entier.