À un moment charnière de sa transformation numérique, Beyrouth a accueilli la conférence « Gouvernement intelligent : les experts de la diaspora au service du Liban », sous le patronage du président de la République, le général Joseph Aoun. Lors de cet événement, Aoun a officiellement annoncé l’intention du Liban d’adhérer à l’Organisation de coopération numérique (OCN) — une décision perçue comme un tournant prometteur vers la construction d’un État numérique moderne, visant à améliorer la relation entre le citoyen et l’État et à utiliser la technologie pour relancer l’économie et l’administration.
La migration numérique du Liban : une décision attendue depuis longtemps
Dans son discours d’ouverture, le président Aoun a déclaré : « Tout ce dont le pays a besoin, c’est de prendre la décision, et elle a été prise. » Pour la première fois, cela reflète une volonté politique sérieuse de conduire le Liban vers la transformation numérique — un chemin longtemps retardé par rapport à ses voisins régionaux. Cette annonce intervient dans un contexte de crises multiples, comprenant un effondrement financier, des infrastructures délabrées, et une perte de confiance croissante entre les citoyens et l’État. C’est dans ce cadre que la directrice générale de la DCO, Dr Hessa Al-Hudaibi, a affirmé :
« La transformation numérique n’est plus un luxe, mais une nécessité pour reconstruire la confiance entre le citoyen et l’État. »
Elle a ajouté que l’organisation est ouverte à l’adhésion de tout pays souhaitant adopter un modèle numérique global, et que la candidature du Liban sera prochainement soumise au conseil d’administration de la DCO.
La diaspora libanaise : un partenaire clé de la transformation numérique
L’un des aspects marquants de la conférence a été la forte présence des experts de la diaspora libanaise — plus de 500 participants venus du Liban et de l’étranger. Rabi’ Al-Amin, président du Conseil des dirigeants libanais, a déclaré à Safa News :
« La diaspora est prête à soutenir le gouvernement dès qu’il en aura besoin », saluant l’annonce de l’adhésion à la DCO et soulignant l’importance d’un accompagnement législatif au Parlement.
Il a ajouté : « La transformation numérique ne repose pas uniquement sur la volonté politique ; elle nécessite également une réforme législative globale. »
Une feuille de route : financement, soutien international et planification claire
Le ministre du Développement administratif, Dr Fadi Maki, a indiqué à Safa News que la transition numérique est possible grâce à une législation moderne, un financement adéquat et une coopération solide entre les secteurs public et privé. Il a précisé que, si un consensus parlementaire est trouvé, le Liban pourrait bénéficier d’un soutien financier allant jusqu’à 150 millions de dollars de la part de la Banque mondiale et d’autres bailleurs de fonds d’ici la fin de l’année — un levier potentiel pour accélérer les progrès.
L’experte en gouvernance Josephine Zgheib a pour sa part souligné que les infrastructures numériques du Liban commencent déjà à se développer. Elle a évoqué un accord récemment signé avec Starlink pour améliorer les services internet dans le pays — une étape cruciale dans la modernisation des réseaux et l’élargissement de l’offre numérique.
Le Premier ministre : le Liban engagé sur la voie de l’économie numérique
La conférence s’est clôturée par une allocution du Premier ministre Nawaf Salam, qui a réaffirmé l’engagement du gouvernement à « inscrire le Liban sur la carte mondiale de l’économie numérique », précisant que les premières mesures de mise en œuvre avaient déjà été lancées. Il a expliqué que cette orientation s’inscrit dans une stratégie gouvernementale plus large visant à moderniser les institutions publiques, renforcer la transparence et simplifier les services.
Transformation numérique : entre ambition et réalité
Selon le rapport 2024 de la Banque mondiale, les pays ayant mis en place des systèmes de gouvernance numérique efficaces enregistrent :
- Une amélioration de 30 à 50 % de l’efficacité des services publics
- Une réduction de la corruption pouvant aller jusqu’à 20 %, grâce à la traçabilité des transactions électroniques
- Une augmentation de 40 % de la confiance des citoyens dans les institutions gouvernementales
Le Liban — classé parmi les derniers dans les indices mondiaux de gouvernance numérique — a aujourd’hui une réelle opportunité de rattraper son retard, à condition que les plans soient mis en œuvre efficacement.
Des modèles arabes réussis de transformation numérique
Les Émirats arabes unis figurent parmi les modèles régionaux les plus avancés, se plaçant aux premières places du « Smart Government Index » des Nations Unies. Le pays propose plus de 3 000 services numériques via une plateforme unifiée, ce qui a permis d’économiser des millions d’heures et de ressources tant pour les citoyens que pour le secteur privé.
L’Arabie saoudite a également fait de grands progrès, en lançant des plateformes telles que « Absher » et « Tawakkalna » dans le cadre de sa stratégie de transformation nationale. Elle vise à porter la contribution de l’économie numérique à 19,2 % du PIB d’ici 2030.
Le Qatar, de son côté, a lancé sa stratégie de « gouvernement intelligent » dès 2013 et a réussi à numériser la majorité de ses services publics. Résultat : un taux de satisfaction élevé chez les citoyens et une réduction notable de la bureaucratie.
Les défis du Liban sur la voie de la transformation numérique
Malgré ces perspectives prometteuses, le Liban fait encore face à de nombreux obstacles :
- Des infrastructures technologiques insuffisantes
- L’absence d’un cadre législatif numérique cohérent
- Un manque de compétences techniques dans le secteur public
La multiplicité des centres de décision et le manque de coordination
Mais avec un soutien international, l’expertise de la diaspora, et des accords comme celui conclu avec Starlink, de véritables lueurs d’espoir apparaissent.
L’adhésion du Liban à l’Organisation de coopération numérique dépasse le simple symbole : c’est une opportunité historique de placer le pays sur les rails du progrès administratif et technologique. Mais pour réussir, il faut plus que de bonnes intentions : cela nécessite une décision politique ferme, une réforme législative urgente, et un partenariat réel avec la communauté numérique mondiale.
La question reste donc posée : cette conférence marquera-t-elle le début du retour du Liban sur la carte du progrès arabe ? Ou les blocages structurels seront-ils plus forts que les ambitions numériques ?