La notion de 'stratégie' évoque l'art subtil de gérer les conflits et de s'y préparer, orchestrant des mesures et assurant les moyens nécessaires pour mobiliser les forces.

Depuis l'échec cuisant de 1967, Israël a préservé sa position de force indéniable au cœur du Moyen-Orient. Depuis lors, il a affiné une stratégie défensive adaptable, se mouvant au gré des évolutions régionales, internationales, politiques et tactiques. S'est ensuivi la mise en place d'une série de fortifications impénétrables le long de la rive est du canal de Suez, connue sous le nom de 'Ligne Bar Lev'.

L'objectif premier de cette stratégie était de neutraliser l'armée égyptienne et de mettre à mal les forces irakienne et syrienne, avec ou sans l'appui de certaines puissances occidentales, en particulier la superpuissance politique et militaire des États-Unis. Cela afin de se concentrer ensuite sur la conclusion d'accords et de traités de paix 'séparés' avec les nations arabes.

En dépit de la victoire marquante de l'armée égyptienne en 1973, avec la traversée du canal de Suez et la destruction de la robuste Ligne Bar Lev, l'armée israélienne, vaincue, a laissé entrevoir une lueur d'espoir au gouvernement rival pour entreprendre la mise en œuvre de sa stratégie visant à neutraliser l'armée égyptienne, avant de se tourner vers l'armée irakienne puis syrienne.

En effet, après environ deux semaines de tractations secrètes entre l'Égypte et Israël, sous l'égide américaine, l'accord historique de Camp David a vu le jour le 17 septembre 1978, aboutissant à la signature d'un traité de paix en mars 1979.

Le 1er février 1979, Israël a revu sa stratégie pour contrer l'influence de l'Iran et stopper l'exportation de la révolution islamique vers les pays voisins. L'ennemi historique d'Israël s'est alors élargi pour inclure les nations islamiques du Moyen-Orient, la liste n'incluant plus seulement les pays arabes mais englobant également l'Iran, majoritairement chiite et non arabe.

En 1982, l'invasion du Liban par Israël, baptisée 'Opération Paix pour la Galilée', n'a pas produit les résultats escomptés. Au contraire, cette incursion a engendré la naissance de la résistance libanaise, regroupant une diversité de factions nationalistes et séculaires, évoluant ultérieurement pour devenir le 'Hezbollah'. Depuis lors, Israël a ajusté ses stratégies en fonction des évolutions sur le terrain, particulièrement lorsque la force du Hezbollah est devenue l'épine dorsale de l'axe de la résistance, embrassant non seulement le Liban mais également la Syrie, l'Irak, le Yémen et jusqu'à l'Iran.

Le 14 décembre 1987 marque le début d'un chapitre crucial : cinq jours après le commencement de la première Intifada en Palestine occupée, le mouvement Hamas émerge avec fracas, proclamant dans un communiqué fondateur son affiliation aux Frères musulmans. Rapidement, cette nouvelle entité suscite une adhésion populaire impressionnante. En mai 1990, Hamas érige sa branche armée, baptisée 'Brigades Izz al-Din al-Qassam', prenant le relais des 'Moudjahidines Palestiniens'.

Puis survient le 7 octobre de l'an dernier, une date qui demeure gravée dans les mémoires. Mohammed al-Deif, dirigeant des Brigades al-Qassam, annonce une opération d'envergure : une attaque terrestre, maritime et aérienne contre les implantations dans la bande de Gaza, nommée 'le déluge du Dôme'. Ce coup d'éclat ébranle non seulement l'appareil israélien, son armée et ses services de renseignement, mais aussi la scène internationale. La débâcle d'Israël est jugée inimaginable, nécessitant un réel bouleversement stratégique plutôt qu'une simple révision des plans dans un État supposément fort, et pas seulement pour :

  • Éliminer le Hamas.
  • Renvoyer les prisonniers.
  • Expulser les habitants de Gaza.
  • Transférer la gouvernance de Gaza à l'Autorité palestinienne ultérieurement.

En réponse, estimant que les dissensions politiques internes affaiblissent le gouvernement israélien et qu'aucune menace ne pèse sur son territoire de la part du Hamas, ce dernier adopte une stratégie distincte :

  • Ramener la question palestinienne au cœur des discussions.
  • S'engager à libérer tous les prisonniers dans les geôles israéliennes.
  • Prendre le devant en avançant sur les autres factions palestiniennes déjà divisées.
  • Mettre fin à l'accord que l'Arabie saoudite s'apprêtait à signer avec Israël.
  • Empêcher les violations israéliennes sur l'Esplanade des Mosquées.

Le Hamas comprend alors que pour mettre en œuvre sa stratégie, la surprise est essentielle. Commence alors la tâche la plus ardue : dissimuler les préparatifs de l'opération 'le déluge du Dôme' aux services de renseignement israéliens.

Et de fait, les Brigades al-Qassam réalisent une surprise totale, capturant près de 250 Israéliens. Le Hamas espérait ainsi forcer Israël à reconsidérer toute contre-attaque terrestre. Pourtant, Israël opte pour une stratégie de guerre totale. Le Hamas a sous-estimé la réaction israélienne. Israël recourt à la politique de terre brûlée, utilisant l'artillerie lourde, les forces aériennes et navales, mettant en œuvre le protocole Hannibal, autorisant l'armée israélienne à éliminer ses soldats capturés. Israël cible aussi les hôpitaux, les écoles et les habitations, causant des milliers de victimes civiles. Des troupes terrestres, appuyées par les tanks Merkava, symbole de l'industrie israélienne selon ses dires, sont déployées, subissant de lourdes pertes et une défaite morale conséquente.

Jusqu'à présent, aucun des deux camps n'a atteint ses objectifs. Le Hamas réalise que sa victoire ne peut être que morale, tandis qu'Israël perd de sa superbe, tant sur le plan militaire, de renseignement, que moral, aussi bien à l'échelle interne qu'internationale.

La guerre est loin d'être finie et pourrait perdurer. Les changements majeurs des stratégies et tactiques des deux camps sont à prévoir, surtout que la véritable guerre n'a pas encore commencé.