Dans une initiative sans précédent sur la scène culturelle libanaise, le Théâtre Monot a annoncé le lancement d’un nouveau projet permettant aux personnes atteintes de déficience visuelle de vivre une expérience théâtrale complète grâce à la technologie de description audio en direct et à des visites tactiles avant les représentations — un programme durable et intégré à son fonctionnement, et non un simple événement ponctuel.

Une expérience pleinement sensorielle

Dans le cadre de cette initiative, les spectateurs malvoyants reçoivent des écouteurs sans fil leur permettant de suivre une narration en direct décrivant les mouvements, les gestes, les décors et les changements de scènes, sans interférer avec les dialogues originaux des comédiens.

Avant le début du spectacle, les participants sont invités à une visite tactile de la scène afin de découvrir les costumes, les accessoires et les éléments de décor, ce qui leur permet de se construire une image mentale complète de la production.

À leur arrivée, le public reçoit également des documents d’orientation succincts élaborés en collaboration avec l’équipe du spectacle, afin de faciliter la communication et de garantir une expérience fluide et inclusive.

Vers une véritable inclusion culturelle

Cette initiative s’inscrit dans un effort plus large visant à rendre l’art et la culture accessibles à tous les publics. La description audio deviendra un service permanent, intégré à certaines représentations tout au long de la saison.

Dans une phase ultérieure, le théâtre prévoit d’introduire une interprétation en langue des signes à partir de points spécifiques de la salle, élargissant ainsi l’inclusion des personnes sourdes et malentendantes.

Selon les observateurs, il s’agit de « la première initiative de ce genre au Liban », dans la mesure où la technologie de description audio est mise en œuvre dans un théâtre en activité permanente, et non lors de projets pilotes ou d’événements ponctuels.

Un pas vers un théâtre plus équitable

Le projet représente également une transformation structurelle dans la manière d’organiser la circulation du public et la logistique des spectacles. Il nécessite une équipe de spécialistes formés capables d’assurer un commentaire en temps réel selon des protocoles internationalement reconnus, garantissant que la description reste neutre et efficace sans perturber l’expérience des autres spectateurs.

Ce développement illustre l’orientation croissante des espaces culturels libanais vers l’accessibilité et la justice culturelle, à une époque où de nombreuses institutions artistiques voient leur public traditionnel se réduire et cherchent à attirer de nouveaux spectateurs, plus diversifiés et participatifs.

Des modèles d’inclusion à l’échelle mondiale

La description audio au théâtre est déjà une pratique bien établie dans plusieurs pays européens et aux États-Unis, où de grandes institutions telles que le National Theatre de Londres et l’Opéra de Sydney l’ont intégrée à leur programmation régulière.

Aujourd’hui, ces pratiques sont perçues comme faisant partie d’un mouvement mondial en faveur de l’équité culturelle, reconnaissant que la participation aux arts n’est plus un privilège, mais un droit humain universel, indépendamment des capacités physiques ou sensorielles.

Regards d’experts

Le docteur Fadi Najm, expert en politiques culturelles, a qualifié l’initiative du Théâtre Monot de « transition entre l’accès comme exception et l’accès comme norme — exactement ce dont les institutions culturelles libanaises ont besoin aujourd’hui ».

Il ajoute : « Cette initiative n’est pas seulement humanitaire, elle est aussi économiquement et culturellement stratégique, car elle ouvre les portes à un tout nouveau public et redonne à l’art sa portée sociale universelle. »

Najm poursuit : « Si les grands théâtres et les centres culturels adoptent ce modèle, le Liban pourrait devenir un pionnier régional du théâtre inclusif d’ici quelques années. »

La culture comme espace d’espoir et d’égalité

L’initiative du Théâtre Monot dépasse la simple modernisation technique : elle incarne un changement de philosophie du travail culturel, orienté vers une plus grande inclusion et égalité.

Dans un pays confronté à de profondes difficultés économiques et sociales, ce projet démontre que la culture peut encore constituer un espace d’intégration, d’espoir et de justice sociale.