Le Liban connaît ces derniers jours une vaste secousse dans le secteur de l’eau potable embouteillée, à la suite d’événements qui ont remis sur le devant de la scène la question de la sécurité et de la qualité de l’eau, dans un pays où la surveillance sanitaire reste défaillante.
Ces derniers jours, des dizaines de petites stations de remplissage d’eau à travers le pays ont fermé leurs portes, beaucoup ayant volontairement cessé leurs activités pour éviter des poursuites judiciaires, dans le sillage de ce qui est désormais appelé l’affaire de l’eau de Tannourine.
L’incident n’est pas passé inaperçu. Il a poussé de nombreux propriétaires d’installations clandestines et non autorisées à suspendre leurs activités par crainte de poursuites ou de fermeture forcée. Selon une source sécuritaire, « un très grand nombre de petites entreprises qui remplissent des bonbonnes d’eau pour les ménages sans marque déposée ni enregistrement officiel — souvent à partir de dépôts ne dépassant pas 200 mètres carrés — ont fermé d’elles-mêmes, par peur des inspections, et non à cause d’une campagne directe ».
La même source ajoute que même les établissements autorisés ne respectent pas tous les normes sanitaires. « La plupart travaillent de manière aléatoire, sans maintenance régulière des équipements ni stérilisation systématique des bonbonnes. Ils pratiquent des prix très compétitifs, au point de reléguer la qualité au dernier plan », précise-t-elle.
Des leçons venues de l’étranger
L’affaire de Tannourine n’est pas la première du genre dans le monde. En France, en 1990, la célèbre marque d’eau minérale Perrier a été frappée d’un scandale majeur après la découverte de traces de benzène dans certaines bouteilles distribuées sur les marchés américain et européen.
Sous la pression médiatique, l’entreprise avait alors pris une décision sans précédent dans l’histoire de l’industrie alimentaire : rappeler et détruire plus de 160 millions de bouteilles à travers le monde. Même si la contamination ne représentait pas un risque sanitaire grave, ce geste radical avait renforcé la crédibilité de la marque et servi de modèle sur la manière de gérer une crise de sécurité alimentaire.
L’an dernier encore, Perrier a été confrontée à un nouveau scandale après la découverte de traces fécales dans ses eaux, l’obligeant à détruire à nouveau des quantités massives de bouteilles.
D’autres pays ont connu des crises similaires, comme aux États-Unis où la présence de bactéries E. coli dans certaines marques d’eau embouteillée avait poussé les entreprises à renforcer leurs contrôles internes et à créer des laboratoires dédiés pour assurer un suivi quotidien de la qualité.
L’expert en sécurité alimentaire, le Dr Georges Haddad, explique : « Ce qui s’est produit au Liban ressemble beaucoup aux crises qu’ont connues d’autres pays. La différence, c’est que les nations développées disposent d’agences de régulation indépendantes et réactives, alors qu’au Liban, l’action ne vient qu’après la catastrophe. »
Et d’ajouter : « L’incident de Tannourine a servi de signal d’alarme. Il a montré que plus de 60 % des stations de remplissage d’eau fonctionnent en dehors du cadre légal, profitant de l’absence de contrôle et de la pénurie d’eau publique. Les citoyens se retrouvent ainsi contraints d’acheter une eau dont ils ignorent la provenance et la sécurité. »
Pour Haddad, la solution ne se limite pas aux fermetures et aux poursuites, mais suppose le lancement d’un plan national de régulation du secteur : « Il faut commencer par recenser toutes les stations, définir leurs emplacements et les obliger à obtenir des licences sanitaires et environnementales renouvelées chaque année, avec des analyses mensuelles obligatoires réalisées par des laboratoires officiels agréés. »
De la crise à la réforme
Le scandale de Tannourine pourrait marquer le début d’une véritable réforme du secteur de l’eau au Liban, un secteur vital lié directement à la santé publique. La vague de fermetures a révélé une réalité préoccupante qui nécessite une organisation rigoureuse plutôt que des réactions ponctuelles.
Si la découverte de quelques bonbonnes contaminées dans une région du Nord a suffi à semer la panique, la solution durable passe par la mise en place d’un système de contrôle permanent garantissant que chaque goutte d’eau consommée par les Libanais soit saine — tant sur le plan sanitaire que légal.
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