Les dirigeants libanais continuent de chercher une issue à un fardeau hérité du gouvernement précédent : le démantèlement de l’infrastructure militaire du « Hezbollah » sur l’ensemble du territoire, en commençant au sud du Litani, conformément à l’accord de cessez-le-feu, à la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU et aux décisions internationales y afférentes. La mise en œuvre intégrale de cette condition ouvrirait la voie au retour des déplacés dans leurs villages et au lancement des efforts de reconstruction.

Il convient de rappeler que le cessez-le-feu lui-même avait été une revendication du « Hezbollah » après l’offensive israélienne de deux mois, avec pour négociateur le président de la Chambre Nabih Berry, mandaté en son nom — une formule approuvée par le parti.

Le débat récent sur le Sud, la Békaa, la banlieue sud et la reconstruction — ou plutôt l’absence de véritable discussion — a semé la confusion et attisé les polémiques politiques. Pour certains, cela ressemblait à un prélude à la réouverture du dossier électoral, instrument de mobilisation des partisans et de renforcement du moral. Mais le raid israélien sur des engins lourds à Msayleh, près de la résidence de Berry — matériel destiné à la reconstruction — a rappelé brutalement qu’Israël n’autorisera pas la reprise des travaux tant que l’arsenal militaire du « Hezbollah » ne sera pas démantelé.

Berry a dénoncé ce raid comme une agression contre tout le Liban. Mais n’en fut-il pas de même de toutes les frappes israéliennes précédentes — dans le Sud, la Békaa et la banlieue sud ? Pourquoi isoler celle-ci en particulier ?

Le président s’est lui aussi exprimé sur la frappe de Msayleh. Son propos a en partie fait mouche lorsqu’il a affirmé que le Liban méritait le même traitement que Gaza après sa guerre. Mais il s’est affaibli en suggérant qu’Israël était pressé de se retirer des points occupés. Au contraire, Tel-Aviv n’affiche aucune urgence à battre en retraite et profite, dans une certaine mesure, des divisions libanaises sur l’arsenal du « Hezbollah ». Le retard dans son démantèlement sert les intérêts israéliens en lui permettant de conserver des positions occupées.

Dans ce contexte de mobilisation, des interrogations surgissent : la classe politique a-t-elle commencé à préparer ses bases électorales et à recalibrer ses alliances ? Le Courant patriotique libre (CPL) est déjà entré en campagne. Son chef a invoqué la mémoire des « martyrs du 13 octobre » — jour où les forces syriennes ont pris d’assaut le palais présidentiel et le ministère de la Défense. À cette occasion, il a plaidé pour le droit de vote des expatriés — alors même que le CPL avait, par le passé, poussé à la création d’une circonscription spéciale pour six « députés non-résidents », une décision dont l’utilité reste âprement débattue.

Le rassemblement du CPL a fait suite à une commémoration similaire organisée un mois plus tôt par les Forces libanaises, et a précédé de peu la dernière démonstration de force du « Hezbollah » avec sa mobilisation de jeunesse baptisée « Générations Nasrallah » — une mise en scène destinée à signaler sa disponibilité pour des élections, quelle que soit la loi électorale adoptée.

Dans cette atmosphère tendue, un développement aurait pu passer inaperçu si l’ancienne procureure du Mont-Liban, la juge Ghada Aoun, n’avait pas soulevé des questions : la libération de l’ancien gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, moyennant une réduction de sa caution de 20 à 14 millions de dollars. Le chiffre est vertigineux. Plus choquant encore : la somme a été réglée en liquide, au moment même où les citoyens peinent à retirer plus de 800 $ par mois de leurs comptes.

Où l’équipe de défense de Salamé a-t-elle trouvé de tels fonds ? Qui, au Liban, est capable de réunir 14 millions de dollars en espèces sur demande ? L’argent a-t-il été acheminé depuis l’étranger ? Si oui, comment a-t-il été transféré dans le pays ? Ou bien a-t-il été retiré d’une ou de plusieurs banques locales ? s’agit-il de contributions ? Et qui, au Liban, a la capacité de mobiliser un tel montant ?

Chacune de ces interrogations est en réalité une alerte adressée aux autorités : une invitation à enquêter — « d’où vient cet argent et comment l’avez-vous obtenu ? ». Répondre à ne serait-ce qu’une seule de ces questions pourrait fournir la clé pour élucider les autres.

Ce que l’on espère, c’est que cette saison ne conduira pas le pays vers un mal encore plus grand.