Avec l’entrée en vigueur du cessez-le-feu à Gaza, une question pressante plane désormais sur le Liban : quel avenir pour le pays, alors que circulent de nombreux scénarios, dont la plupart redoutent la possibilité qu’Israël tourne son attention vers le nord et lance une guerre d’envergure contre le « Hezbollah » ?

Pour l’instant, rien n’indique qu’Israël cherche à capitaliser sur le cessez-le-feu de Gaza pour conclure un accord similaire avec le Liban. Bien au contraire. Immédiatement après l’annonce de l’accord, l’armée israélienne a mené de violents raids aériens près de la résidence du président du Parlement Nabih Berri, dans la localité méridionale de Msayleh. Ces frappes ont visé des dépôts abritant des centaines de bulldozers, excavatrices et autres engins de construction — du matériel qui aurait pu un jour servir à reconstruire le sud du Liban, au nord et au sud du fleuve Litani, si et lorsque le processus de reconstruction commence.

Ces raids ont été interprétés comme un double message adressé à Berri, qui avait récemment souligné la priorité de la reconstruction et averti que le budget de l’État pour 2026 « ne passera pas au Parlement s’il ne contient pas une clause claire sur la reconstruction ». Il avait également mis en garde contre un « revirement d’Israël sur l’accord de Gaza, comme ce fut le cas pour l’accord du 27 novembre 2024 avec le Liban », insistant sur le fait qu’après Gaza, « la priorité doit être donnée au Liban, pour appliquer ce qui a été convenu, et pour que la communauté internationale — en particulier les pays parrains du cessez-le-feu — assume sa responsabilité en obligeant Israël à respecter ses engagements : se retirer des territoires encore occupés, cesser son agression et libérer les prisonniers ».

Alors que les armes se taisent à Gaza, les regards se tournent vers le Liban. Certains voient dans le cessez-le-feu une opportunité d’apaisement ; d’autres mettent en garde contre une intensification de la pression israélienne sur le « Hezbollah », sans toutefois aller jusqu’à une guerre totale à court terme. Le tableau reste complexe et semé de défis, avec plusieurs scénarios sur la table :

- Poursuite des violations israéliennes du cessez-le-feu : attaques quotidiennes contre les infrastructures, les cadres et les commandants de terrain du « Hezbollah », et refus de se retirer des collines méridionales occupées. Les médias israéliens laissent entendre que ce choix fait l’objet d’un consensus au sein de l’établissement militaire.

- Pression internationale croissante : notamment de Washington, pour que le Liban applique la résolution 1701 de l’ONU et procède au désarmement du « Hezbollah », tout en évitant une guerre totale.

- Exploitation du climat régional de négociations : utiliser les efforts de médiation en cours sur les prisonniers et les points frontaliers contestés pour imposer le désarmement du « Hezbollah » — un objectif déjà central dans les démarches diplomatiques internationales et régionales.

Plusieurs éléments pèseront sur l’issue de ces scénarios :

- Les intentions opaques d’Israël : Tel-Aviv rejette fermement la formule libanaise « armes contre retrait » et se concentre sur l’affaiblissement progressif du « Hezbollah ». Les frappes récentes à Msayleh, qui ont détruit plus de 300 engins civils, ont été décrites par le président libanais comme une tentative de « compenser Gaza au Liban ».

- La position du « Hezbollah » : le mouvement insiste sur la nécessité d’arrêter les agressions israéliennes, de libérer les prisonniers et de mettre fin à l’occupation des points restants avant toute discussion sur ses armes. Il renvoie à la déclaration ministérielle du gouvernement et au discours d’investiture du président en janvier dernier, qui prévoient un traitement de la question dans le cadre d’une « stratégie de défense nationale ».

- La fermeté de Washington : les États-Unis refusent tout compromis sur l’arsenal du « Hezbollah » et semblent déterminés à renforcer la pression pour une application stricte de la résolution 1701 — un facteur susceptible d’être déterminant.

Toutes les indications suggèrent que le Liban entre dans une phase d’épuisement prolongé. La situation oscillera probablement entre poussées de tension et périodes temporaires d’accalmie, faute de solution globale. Israël mise sur le temps pour affaiblir progressivement le « Hezbollah », tandis que celui-ci parie sur le temps pour reconstruire et consolider sa force.

Une guerre totale, cependant, paraît peu probable dans l’immédiat. De la même manière que Washington est intervenu pour mettre fin à la guerre de Gaza, il tient à empêcher la scène libanaise de basculer hors de contrôle.

Le blocage interne du Liban, lui, persistera. Le gouvernement n’a pas la capacité d’imposer le désarmement du « Hezbollah » sans menacer la stabilité interne, et il n’a pas encore obtenu le soutien international nécessaire pour lancer la reconstruction ou relancer l’économie — en grande partie parce qu’il n’a pas engagé de démarche claire pour placer toutes les armes sous l’autorité de l’État.

Dans ce contexte, l’avenir du Liban après Gaza reste suspendu entre pressions internationales et impasse interne. Si l’option d’une guerre totale semble écartée à court terme, le cycle de tensions limitées et d’épuisement continu menace de prolonger la crise libanaise à tous les niveaux.