Le gouvernement libanais a approuvé la création d’un ministère de la Technologie et de l’Intelligence artificielle, en remplacement de l’ancien « ministère d’État aux Affaires technologiques », qui disposait de pouvoirs limités et dont les compétences chevauchaient celles du ministère des Déplacés. Cette décision marque la première création d’un nouveau ministère depuis 1993, année de l’établissement du ministère des Déplacés.

Les motivations derrière la création

Selon Jad Mneimneh, directeur de cabinet du ministre de la Technologie et de l’IA, cette initiative répond à un besoin urgent de disposer d’un organisme officiel spécialisé, capable de :

- Soutenir à la fois les secteurs public et privé.

- Suivre le rythme des évolutions technologiques mondiales.

- Tirer parti du capital humain exceptionnel du Liban dans le domaine technologique.

Missions et objectifs

Le travail du nouveau ministère repose sur quatre piliers principaux :

- Élaborer des lois et des règlements relatifs à la technologie et à l’intelligence artificielle.

- Créer un écosystème numérique unifié pour rationaliser les services publics via une plateforme unique et conviviale.

- Investir dans les ressources humaines en formant différentes catégories d’âge aux outils numériques et au développement de compétences.

- Soutenir l’environnement entrepreneurial en accompagnant les start-up et en encourageant l’investissement dans l’économie numérique.

Une collaboration a déjà été lancée avec plusieurs ministères :

- Interconnexion du système de paiements du ministère de la Justice avec celui du ministère des Finances.

- Lancement d’une application touristique intelligente en partenariat avec le ministère du Tourisme.

- Développement de projets numériques et de services automatisés dans d’autres ministères.

Dimension économique

Entre 2011 et 2019, le Liban a attiré environ 250 millions de dollars d’investissements dans les start-ups. Ce chiffre s’est depuis effondré, tombant à seulement 30–40 millions à la suite des crises successives. Le ministère vise désormais à porter ces investissements à 500 millions de dollars entre 2025 et 2030 — un objectif qui pourrait créer de nouveaux emplois pour la jeunesse et revitaliser l’économie numérique.

Défis à relever

Le financement demeure le principal obstacle. L’espoir repose sur un prêt de 150 millions de dollars de la Banque mondiale pour financer des projets essentiels, ainsi que sur l’intérêt croissant d’investisseurs régionaux et internationaux. Des défis administratifs et logistiques persistent également, notamment la nécessité de mettre à jour la stratégie nationale de numérisation, révisée pour la dernière fois en 2022.

Des sources juridiques ont déclaré à Al Safa News qu’un projet de loi est actuellement examiné par les commissions parlementaires avant d’être soumis à la séance plénière pour approbation. « Le président est prêt à signer la loi dès qu’elle sera adoptée, après quoi elle sera publiée au Journal officiel. Les crédits budgétaires seront alors alloués et le recrutement de nouveaux employés pourra débuter. Les talents existent — il suffit de les mobiliser rapidement », ont-elles affirmé.

Ces mêmes sources ont ajouté que le président accorde une importance particulière à ce projet, qu’il considère comme une réalisation majeure vers une « république numérique ». Le texte a fait l’objet de trois mois d’études et de consultations avec les ministères concernés, afin d’intégrer leurs remarques et de s’assurer que le projet avance dans la bonne direction.

Mettre fin au cloisonnement administratif

Pour Georges Khoury, président du syndicat libanais de l’informatique et des technologies, le nouveau ministère est « essentiel pour le pays », surtout pour mettre fin au cloisonnement (« silos ») qui handicape les institutions publiques. « On ne peut pas continuer avec des centaines de centres de données, chacun ayant son propre système isolé. L’absence de coordination a conduit à des résultats catastrophiques. Seul un ministère central peut unifier ces systèmes. Aucune autre entité n’a les prérogatives suffisantes pour le faire », a-t-il confié à Al Safa News.

Une étape réformatrice audacieuse

L’économiste et expert en technologies, le Dr Samer Itani, estime pour sa part que la création de ce ministère constitue « une étape réformatrice audacieuse ». Mais il avertit que son succès dépendra de sa capacité à surmonter la bureaucratie et la corruption. « Si le ministère parvient à instaurer une gouvernance numérique complète et à soutenir l’entrepreneuriat, il pourra devenir un véritable moteur pour l’économie libanaise. La technologie aujourd’hui n’est pas un luxe — elle est la clé de la transparence et de l’attractivité des investissements. »

Une porte vers l’avenir

La création d’un ministère de la Technologie et de l’Intelligence artificielle offre au Liban une occasion rare de retrouver sa place sur la carte technologique mondiale. La technologie n’est plus un simple outil d’appui ; elle est désormais au cœur de la réforme administrative, du développement économique et de la transparence.

Reste à savoir si ce ministère deviendra une porte d’entrée pour des millions de dollars d’investissements dans l’économie libanaise, ou s’il échouera face aux mêmes obstacles qui ont paralysé tant d’autres institutions.