C’est l’un des rares moments de l’histoire politique du Liban où des partis, malgré leurs alliances et contradictions, s’accordent à dire que les décisions prises par le gouvernement libanais lors de sa séance du 5 de ce mois reflétaient la position de tous et permettaient à chaque camp de se déclarer vainqueur. Lors de cette réunion, l’exécutif a écouté le plan de l’état-major de l’armée visant à mettre en œuvre la décision de limiter toutes les armes aux seules institutions militaires et sécuritaires légitimes de l’État.

Avant la séance, les factions refusant ouvertement de remettre leurs armes avaient averti que toute décision du gouvernement en ce sens risquait de provoquer des troubles et de menacer la paix civile. Mais le président du Parlement, Nabih Berri, a devancé ces initiatives en affirmant qu’il s’opposait à la mobilisation de la rue, puis a salué les résolutions du gouvernement, les qualifiant de pas positifs ayant préservé la stabilité.

Si le gouvernement insiste sur le fait qu’il n’a pas reculé et qu’il poursuit sa décision de centraliser les armes sous son autorité, comment ceux qui rejettent publiquement le désarmement peuvent-ils se dire satisfaits — surtout lorsque cinq ministres « se sont retirés par protestation » ? La conclusion est que les choses avancent comme le souhaite le gouvernement, tandis que la rhétorique enflammée sert surtout à détourner l’opinion de la réalité de ce qui se joue.

Une nouvelle phase en gestation

Illustrant ce tournant, le discours offensif du chef des Forces libanaises, Samir Geagea, annonçait la naissance d’une nouvelle étape. Geagea a démonté les arguments de ceux qui refusent de se désarmer, soulignant qu’ils s’accrochent à leurs armes sous prétexte d’occupation israélienne, tandis qu’Israël, lui, se sert de leur existence comme justification pour maintenir son occupation.

Que signifie tout cela ?

D’abord, cela signifie que le gouvernement est déterminé à appliquer sa décision, sachant que le monopole des armes par l’État est la clé de toutes les étapes suivantes. Berri et la direction du « Hezbollah » savent que le refus de céder les armes ne fait que maintenir le statu quo et prolonger les souffrances, malgré toutes les tentatives de remonter le moral. Cela signifie aussi que la menace des armes n’a plus de place et n’effraie plus personne. Si la lutte contre Israël conférait jadis une certaine légitimité aux armes, leur orientation vers l’intérieur constitue un piège dont leurs porteurs ne pourront sortir ni assumer le prix.

Cela implique également que le ralliement à l’État est la seule garantie de l’avenir de tous. Les réfractaires au désarmement ne pourront pas tenir indéfiniment leur position. La pression intérieure s’intensifiera, car la persistance des armes paralyse la vie politique ; et la pression extérieure croîtra aussi, car l’immobilisme autour de la question des armes gèle l’économie, bloque la croissance et le développement, et risque de déclencher des crises sociales insoutenables pour le pays comme pour la communauté internationale.

Si, en effet, toutes les parties considèrent aujourd’hui les décisions du gouvernement et son dernier communiqué comme une victoire pour elles et leurs positions, cela signifie qu’un changement profond s’est produit — un changement que ses instigateurs ne veulent pas encore dévoiler.