Chaque époque a ses propres outils, et le paysage qui s’est dessiné après le 7 octobre — marqué par la volonté ferme de démanteler les bras régionaux de l’Iran, dont le « Hezbollah », et par un nouvel ordre moyen-oriental façonné par les Accords d’Abraham et les liens directs israélo-arabes — place la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) à un carrefour : rajeunissement ou départ à la retraite.
Pour la première fois depuis sa création en 1978, le renouvellement de son mandat n’est plus une formalité automatique. La session du Conseil de sécurité, prévue lundi dernier pour décider du sort de la FINUL, a été reportée en raison des divergences : fallait-il adapter son mandat à la nouvelle phase — c’est-à-dire traiter la question de l’arsenal et des infrastructures du « Hezbollah » du sud du Litani jusqu’au-delà — ou entamer, sous pression américaine, un retrait progressif qui mettrait fin à sa mission dans un délai d’un an ?
Historiquement, la FINUL a été une force de maintien de la paix, et non de « construction de la paix ». Son mandat ne relève pas du Chapitre VII, même si la résolution 1701 lui a conféré un rôle qualifié par certains de « chapitre six et demi ». Ses limites sont apparues au grand jour lorsque les infrastructures militaires du « Hezbollah » ont été révélées durant la guerre de « l’unité des fronts ».
Israël, de son côté, nourrit un profond ressentiment envers la FINUL. Les tunnels creusés par le mouvement chiite se trouvaient littéralement sous son nez — parfois à quelques mètres seulement — tandis que le groupe accumulait un arsenal massif au sud du Litani, en violation de la résolution 1701. Aux yeux de Tel-Aviv, la FINUL n’est qu’un « témoin silencieux ». Israël ne lui a jamais pardonné non plus d’avoir refusé de se retirer de certaines positions durant la guerre de 66 jours.
Le « Hezbollah », pour sa part, la considère comme un simple « mirage dans le désert », un compteur qui ne fait qu’enregistrer les violations israéliennes. Plus encore, il accuse régulièrement sa direction de collusion avec Tel-Aviv et affirme que certains casques bleus agiraient comme informateurs au profit de l’armée israélienne. Le parti a même orchestré des actions de « colère populaire » pour harceler, intimider et entraver les patrouilles de la FINUL, s’érigeant de facto en tuteur de leurs déplacements.
La position officielle du Liban est plus pragmatique : il cherche à maintenir la FINUL comme témoin des violations israéliennes et comme tampon évitant un contact direct. Les responsables redoutent les dangers d’un retrait prématuré avant le désengagement israélien du Sud, le retour des prisonniers libanais, le déploiement complet de l’armée nationale jusqu’à la frontière reconnue internationalement et la mise en œuvre intégrale de la résolution 1701. Le président Joseph Aoun l’a affirmé clairement. Quant au président du Parlement Nabih Berri, il défend la FINUL non seulement pour son rôle stabilisateur, mais aussi pour sa contribution économique, médicale et sociale dans les localités du Sud, conscient du vide et des risques accrus de friction qu’entraînerait son départ.
Le véritable bras de fer se joue cependant au Conseil de sécurité, entre les États-Unis d’un côté, et la France ainsi que d’autres membres de l’autre. Washington plaide pour un renouvellement conditionnel d’un an assorti d’un calendrier précis. Cela impliquerait que la FINUL joue un rôle plus actif dans l’application du cessez-le-feu et de la résolution 1701, accélérant ainsi le désarmement du « Hezbollah » et levant l’autorité symbolique qui bride sa liberté d’action. À défaut, les États-Unis privilégient un retrait progressif d’ici août prochain, obligeant l’État libanais à sécuriser ses frontières et à entreprendre la tâche politiquement explosive de saisir les armes du mouvement chiite et de révéler ses positions — au risque d’affrontements à la fois avec le parti et directement avec Israël. Tel-Aviv pourrait alors instrumentaliser ces tensions comme une stratégie de « carotte et bâton » pour pousser le Liban à suivre la voie tracée par la Syrie vers les Accords d’Abraham.
Quel que soit le choix final, une certitude s’impose : la FINUL ne pourra rester inchangée après le 7 octobre. C’est, à lui seul, un indicateur de l’ampleur des bouleversements régionaux et de l’évolution de la lecture internationale du rôle du Liban. Reste à savoir quelles seront les nouvelles missions qui lui seront confiées : son mandat sera-t-il prolongé au-delà d’un an, marquant un recul des États-Unis et d’Israël dans leur volonté de mettre fin à sa mission ? Comment les autorités libanaises accueilleront-elles ces nouvelles responsabilités ? Et le « Hezbollah » se limitera-t-il à des démonstrations de rue et à ses processions de motos, tout en se résignant, en pratique, au fait accompli ?