Pourquoi nous, Libanais, voyons venir l’impasse, élevons la voix pour la dénoncer, et finissons pourtant par y tomber, nous condamnant à souffrir alors que nous connaissons parfaitement la porte de sortie ?

Pourquoi laissons-nous la gangrène nous ronger, malgré notre décision collective que le Liban est notre patrie définitive et qu’il n’y en a pas d’autre ? Pourquoi alors persistons-nous à nous flageller, à resserrer le nœud tout en y frottant la scie, pleinement conscients que ce chemin nous épuisera et retardera chaque solution dont nous avons tant besoin ?

Nos expériences passées auraient dû nous apprendre à éviter ce qui nous nuit, à nous protéger et à sortir des crises que nous avons provoquées nous-mêmes ou dans lesquelles d’autres nous ont entraînés. Alors, pourquoi ne prenons-nous pas l’initiative de nous entendre sur des solutions ?

Voici quelques raisons :

Premièrement, la division politique, racine de tous les maux. Elle se manifeste par le sectarisme et le clientélisme politique. L’absence de consensus retarde les budgets au-delà de leurs délais constitutionnels, bloque des lois de réforme essentielles, paralyse les institutions et empêche toute prise de décision unifiée aux niveaux gouvernemental et parlementaire. Elle mine aussi l’État de droit, menant souvent à une application sélective ou intéressée de la loi.

Deuxièmement, les intérêts privés et ceux de l’élite politique. La classe dirigeante résiste aux réformes qui menacent ses privilèges ou affaiblissent sa mainmise sur les ressources financières. Cette résistance vise à éviter la transparence et la reddition de comptes, préférant conserver des pratiques opaques plutôt que d’adopter des mesures correctives.

Troisièmement, l’absence d’une véritable volonté politique. Malgré la conscience théorique de la gravité de la crise et de l’urgence des solutions, les institutions de l’État manquent de coordination. Un leadership efficace, capable de mener les réformes au rythme nécessaire, fait défaut.

Quatrièmement, la faiblesse du soutien international et le recul du financement. Les finances précaires du Liban continuent de dépendre de l’emprunt pour couvrir les déficits budgétaires, même si l’amélioration du recouvrement fiscal a quelque peu réduit l’écart. Le problème le plus profond réside dans la taxation de services inexistants ou fournis au minimum.

Cinquièmement, la fragilité de l’appareil législatif et du cadre juridique. L’adoption des lois de réforme essentielles avance à un rythme désespérément lent. Certaines propositions contredisent même les objectifs de réforme, tandis que d’autres restent suspendues, faute de décrets d’application qui n’aboutissent jamais.

Tout cela se déroule sous la pression d’une société épuisée par l’effondrement du niveau de vie, ce qui rend presque impossible l’imposition de mesures d’austérité ou de changements structurels qui aggraveraient encore le fardeau quotidien des citoyens.

Mais le facteur le plus décisif, échappant au contrôle de l’État, demeure le poids des dossiers politiques et sécuritaires extérieurs. Les dirigeants du Liban sont absorbés par les négociations régionales, et les gouvernements successifs ont manqué plus d’une occasion de sortir le pays de l’étau.