La communauté libano-américaine aux États-Unis, connue pour ses racines profondes et son engagement politique, cherche depuis longtemps à influencer la politique américaine envers le Liban. Malgré une riche histoire de plaidoyer, incluant plusieurs anciens responsables américains d’origine libanaise, les efforts de lobbying de la communauté ont donné des résultats modestes par rapport à d’autres groupes de lobbying ethniques et nationaux à Washington.
Bien que la communauté dispose d’un éventail diversifié d’organisations et de personnalités influentes, l’impact de leur plaidoyer a été freiné par une combinaison de fragmentation interne, d’intérêts concurrents et de la complexité du paysage politique entourant le Liban.
Figures marquantes de la politique libano-américaine
Les Américains d’origine libanaise ont apporté des contributions notables à la politique américaine, beaucoup accédant à des postes de haut rang. Du premier membre du Congrès d’origine arabe, George A. Kasem, à l’ancien ambassadeur américain Philip Habib et à l’actuel ambassadeur Thomas Barrack, la présence de la communauté dans la politique américaine est significative. Parmi les autres personnalités clés, on retrouve :
- George Mitchell, sénateur américain (1980-1985), leader de la majorité au Sénat
- James Abourezk, sénateur américain (1973-1979)
- Nick Rahall, membre du Congrès américain (1977-2015)
- John H. Sununu, chef de cabinet de la Maison Blanche (1989-1991)
- Ray LaHood, membre du Congrès (1995-2009), secrétaire aux Transports des États-Unis (2009-2013)
- Spencer Abraham, secrétaire à l’Énergie des États-Unis (2001-2005)
- Darrell Issa, membre du Congrès (2021-présent)
- Darin LaHood, membre du Congrès (2015-présent)
- Donna Shalala, membre du Congrès (2019-2021)
- Charles Boustany, membre du Congrès (2005-2017)
Ces figures ont utilisé leurs positions pour défendre les intérêts libanais, notamment la souveraineté, l’aide américaine et la sécurité du pays. Ils ont pris position sur des questions comme l’exclusion du « Hezbollah » du gouvernement libanais et le renforcement de l’armée libanaise comme seule force armée légitime du pays.
Principales organisations de plaidoyer libano-américaines
Plusieurs organisations ont joué un rôle clé dans le lobbying en faveur des intérêts du Liban, à Washington et à l’étranger. Le Lebanese-American Coordinating Committee (LACC), une coalition de divers groupes libano-américains, est l’une des principales entités plaidant pour la souveraineté et la stabilité du Liban. Le American Task Force for Lebanon (ATFL) se concentre sur l’analyse des politiques et la promotion d’un soutien bipartite au Liban.
D’autres groupes comme le Lebanese Information Center (LIC), le American Lebanese Policy Institute PAC (ALPI-PAC) et le Lebanese American Renaissance Partnership (LARP) contribuent également aux efforts de plaidoyer. Ces organismes défendent le soutien américain à la reprise économique du Liban, la démocratie et l’aide humanitaire.
La Fondation Hariri, fondée par le défunt Premier ministre Rafic Hariri en 1979, se concentrait sur des programmes éducatifs et humanitaires et exerçait certaines influences politiques à Washington, DC. Les développements politiques au Liban, notamment ceux liés à l'ancien Premier ministre Saad Hariri à partir de 2017, ont conduit la fondation à s'abstenir de tenter d'influencer les politiques américaines au Liban.
Cependant, malgré la diversité et le nombre de groupes, leur impact a été limité par une approche fragmentée du lobbying, souvent exacerbée par les divisions politiques du Liban lui-même.
Défis du plaidoyer libano-américain
Plusieurs facteurs ont contribué au succès limité des efforts de lobbying libano-américains :
1. Divisions internes
La communauté libano-américaine est profondément divisée par des lignes confessionnelles, ce qui reflète les divisions politiques et religieuses du Liban même. Cette fragmentation rend difficile la présentation d’un front uni sur les questions clés. Les priorités variées de la communauté, basées sur la religion ou l’affiliation politique, aboutissent souvent à des objectifs contradictoires qui sapent les efforts de plaidoyer.
2. Image problématique du Liban
L’association du Liban avec le « Hezbollah », considéré par les États-Unis comme une organisation terroriste, constitue un obstacle majeur à un lobbying efficace. Les décideurs américains ne veulent pas soutenir les initiatives du Liban de crainte de renforcer involontairement le « Hezbollah » ou d’autres factions armées.
3. Priorités de la politique américaine
L’instabilité politique persistante du Liban, les crises économiques et la corruption relèguent souvent le pays au second plan pour les responsables américains, éclipsé par des questions moyen-orientales jugées plus urgentes, comme les ambitions nucléaires de l’Iran ou le conflit israélo-palestinien.
4. Ressources limitées
Comparés à d’autres groupes de lobbying comme l’AIPAC, les groupes libano-américains disposent de moins de ressources financières et d’une infrastructure professionnelle de lobbying réduite. Beaucoup reposent sur du volontariat, ce qui les désavantage face à d’autres organisations.
5. Mobilisation communautaire limitée
La communauté libano-américaine est relativement peu nombreuse, dispersée aux États-Unis, et manque de la capacité de mobiliser des électeurs dans des États clés. Cela limite leur influence en période électorale.
6. Plaidoyer réactif plutôt que proactif
La majorité des actions de lobbying sont réactives, centrées sur les crises immédiates, comme les sanctions ou l’instabilité politique, plutôt que sur une stratégie à long terme qui traite des questions récurrentes dans les relations États-Unis–Liban.
Perspectives : renforcer le plaidoyer pour le Liban
Pour améliorer leur efficacité, les groupes libano-américains doivent adopter une approche plus stratégique. Voici quelques recommandations :
1. Construire un agenda unifié
Pour surmonter les divisions confessionnelles, la communauté libano-américaine doit élaborer une plateforme commune mettant en avant des valeurs partagées comme la souveraineté, la stabilité politique et la relance économique du Liban. Une coordination centralisée pourrait donner de meilleurs résultats.
2. Professionnaliser le lobbying
Il est essentiel de mettre en place une infrastructure plus professionnelle, avec des lobbyistes, des experts en relations publiques et des analystes politiques employés à plein temps pour assurer un engagement continu avec les autorités américaines.
3. Développer la mobilisation communautaire
Renforcer l’influence politique passe par le développement du soutien de base à l’aide de campagnes nationales d’inscription des électeurs et d’initiatives d’engagement politique. Des événements communautaires et des journées de plaidoyer à Washington pourraient démontrer le poids politique de la communauté.
4. Nouer des partenariats stratégiques
Collaborer avec d’autres groupes américano-moyen-orientaux, des ONG de défense des droits de l’homme et des think tanks peut élargir le soutien aux causes libanaises. S’allier à des élus non-libanais engagés sur la politique moyen-orientale ou l’aide humanitaire renforcerait aussi ces efforts.
5. Privilégier des messages positifs
Il serait judicieux de déplacer la rhétorique du management de crise vers la mise en avant des opportunités de coopération USA-Liban, par exemple dans l’éducation, les affaires ou les échanges culturels.
6. Développer un plan stratégique à long terme
Pour aller au-delà des réactions à court terme, il faut établir un plan stratégique à long terme avec des objectifs clairs et des recherches actionnables pour mieux orienter la politique américaine envers le Liban.
En surmontant les divisions internes, élargissant leurs ressources et adoptant une approche proactive, les Libano-Américains pourraient améliorer leur capacité à influencer la politique américaine, pour promouvoir la souveraineté, la stabilité et la prospérité du Liban. Avec unité et planification stratégique, le lobby libano-américain pourrait devenir une force majeure à Washington, capable de façonner durablement les relations États-Unis–Liban.