Les récentes frappes israéliennes sur la banlieue sud de Beyrouth, Dahié, ont une nouvelle fois bouleversé la scène politique libanaise, relançant le débat houleux autour des armes du « Hezbollah » et de son rôle au sein de l’État. Cette agression a mis le gouvernement libanais sous forte pression — du président Joseph Aoun au Premier ministre Nawaf Salam — tandis que le ministère des Affaires étrangères est resté aux abonnés absents.

Après la destruction observée à Dahié et dans plusieurs régions du Sud, il n’est plus possible d’aborder la question des armes du « Hezbollah » uniquement du point de vue du « parti ». Israël, qui n’a jamais eu besoin de prétexte pour frapper, a lancé une attaque qui a replongé l'écosystème du communauté qui soutient le « Hezbollah » dans les heures sombres de la guerre de l’an passé. Des familles entières ont passé la nuit dans leur voiture, chassées de chez elles, attendant que l’offensive cesse.

Les condamnations verbales ne suffisent plus. Le « Hezbollah » se trouve face à un dilemme : riposter et risquer une guerre totale, ou se taire et apparaître affaibli. Le parti ne veut pas une nouvelle guerre, mais il refuse aussi que le Liban soit pris pour cible de cette manière.

Selon Israël, l’opération a été menée avec l’aval préalable des États-Unis — un élément qui resserre l’étau autour du président Joseph Aoun et du Premier ministre Nawaf Salam. Il y a quelques jours à peine, Aoun tentait encore de convaincre le « Hezbollah » de renoncer à ses armes lourdes, devenues difficiles à utiliser. Ces discussions semblent désormais gelées.

Le Liban entre à nouveau dans une phase critique. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, isolé sur la scène internationale à cause de sa guerre à Gaza et sous pression de la part du président américain Donald Trump, a choisi le Liban comme exutoire, prétextant la présence d’armes pour justifier son attaque.

Les frappes sur Dahié vont accentuer la pression sur le « Hezbollah ». Le parti avait auparavant fixé des conditions à la remise de ses armes : arrêt des agressions, libération des prisonniers et retrait israélien des points occupés. Aujourd’hui, après cette nouvelle attaque, le refus du « Hezbollah » de désarmer paraît d’autant plus justifié. Mais quel impact cela aura-t-il sur ses relations avec Aoun et Salam ? Et comment les deux dirigeants vont-ils désormais gérer ce dossier explosif ?

Le président Aoun n’a ménagé aucun effort pour se rapprocher du « Hezbollah », lui offrant des garanties destinées à l’amener à désarmer, notamment au nord du fleuve Litani. Sa dernière initiative — la nomination de l’ancien ministre affilié au « Hezbollah », Ali Hamieh, comme conseiller à la reconstruction — a été perçue comme un geste stratégique, même si elle n’a pas forcément été coordonnée avec le parti. Lors d’une récente rencontre à Baabda avec une délégation du « Hezbollah », Aoun avait d’ailleurs affirmé : « La reconstruction, c’est mon dossier. »

Bien que le « Hezbollah » ne se soit ni opposé ni prononcé favorablement sur cette nomination, la décision a été fortement critiquée, notamment par ceux qui s’inquiètent de voir une personnalité proche du « Hezbollah » aussi proche du chef de l’État, et de l’effet que cela pourrait avoir sur la coopération internationale pour la reconstruction.

À l’inverse, certains y ont vu une démarche habile de la part de Baabda, qui poursuit son ouverture envers le duo chiite, en dépit des critiques adressées au président Aoun pour avoir insisté sur l’importance du dialogue avec le « Hezbollah » autour de la question des armes.

Le président sait qu’un affrontement avec le « Hezbollah » et Nabih Berri paralyserait son mandat. Il a donc préféré préserver sa relation avec le président du Parlement, plutôt qu’avec le Premier ministre Salam, dont le discours a été, jusqu’à récemment, nettement plus frontal, contrairement à l’approche conciliante de Aoun.

Le « Hezbollah », pour sa part, apprécie les gestes du président et a décidé de garder les canaux ouverts avec tous les acteurs. Même les relations avec le Premier ministre Salam se sont améliorées après la visite d’une délégation du bloc de la Fidélité à la Résistance, dirigée par le député Mohammad Raad. Le député Ibrahim Moussaoui a résumé la rencontre en disant : « Elle a commencé dans la cordialité et s’est achevée dans une grande cordialité. »

Mais cette atmosphère d’ouverture appartient-elle déjà au passé après l’agression violente contre la banlieue sud ? L’attaque constitue-t-elle un message clair adressé à Aoun et à Salam, leur signifiant que le maintien des armes mènera le pays vers une nouvelle guerre ?

Et si cette attaque n’était qu’un prélude à une guerre de plus grande ampleur qu’Israël préparerait contre le Liban pour sortir Netanyahu de son impasse à Gaza ?

Comment le « Hezbollah » va-t-il réagir à cette nuit de violence ? Que fera-t-il, sachant que l’option diplomatique a échoué ? Comment expliquera-t-il son silence à une base populaire directement visée ? Et quelle est la vérité du positionnement américain ? Les États-Unis ont-ils réellement donné leur feu vert à l’attaque, ce qui pourrait laisser présager une guerre encore plus large ?

Les questions sont nombreuses. Les signes sont inquiétants. Les réactions de l’État ne semblent être que des gestes symboliques. Et le Liban se trouve aujourd’hui à un carrefour périlleux, qui pourrait le mener vers des temps encore plus sombres.