Alors que les tensions s’intensifient à l’échelle régionale et internationale, les États-Unis et l’Iran semblent évoluer aux bords du gouffre, conscients tous deux qu’un conflit armé ne garantit plus un résultat contrôlable. La cinquième ronde des négociations nucléaires a débuté le 23 mai à Rome, révélant la volonté des deux camps de gagner du temps à travers une solution temporaire — même partielle — afin d’éviter une explosion potentiellement dévastatrice pour l’ensemble de la région.
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, a qualifié ce nouveau round comme « plus professionnel » que les précédents, estimant qu’il était temps de prendre une décision appropriée pour résoudre cette impasse. Il a souligné une évolution notable dans la compréhension américaine de la position iranienne, grâce notamment à une médiation conduite par le ministre des Affaires étrangères d’Oman.
Cependant, la divergence centrale reste entière : l’Iran a-t-il le droit d’enrichir de l’uranium sur son propre sol ?
Le président Donald Trump hésite à ouvrir de nouveaux fronts militaires au Moyen-Orient. Les expériences douloureuses en Afghanistan, les résultats mitigés en Irak, et les missiles houthis qui ont précipité un cessez-le-feu au Yémen ont renforcé la prudence de Washington quant à toute confrontation militaire avec Téhéran.
De son côté, l’Iran sait qu’une attaque militaire ne détruirait pas nécessairement l’ensemble de ses capacités nucléaires, mais pourrait infliger un coup sévère à la structure du régime — au risque de déclencher des troubles internes menaçant sa stabilité politique et économique.
Face à une pression économique écrasante, éviter l’affrontement militaire, notamment avec les États-Unis, constitue une priorité stratégique pour Téhéran.
Le calendrier ajoute une pression supplémentaire : le 18 octobre 2025, la clause dite de « snapback » arrivera à expiration. Celle-ci permet aux États-Unis de ré-imposer unilatéralement des sanctions à l’Iran. En dépit d’une large opposition internationale, cette date marque un tournant critique entre retour des sanctions et perspective d’un règlement.
L’Iran anticipe ce scénario et menace de se retirer du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) — un geste symbolique lourd de conséquences, qui signifierait une sortie du cadre juridique international, et augmenterait considérablement le risque d’une action militaire américaine ou israélienne.
Dans ce contexte, l’option d’un accord temporaire refait surface comme issue pragmatique pour gagner du temps. Les propositions actuellement discutées portent sur une réduction du taux d’enrichissement de l’uranium iranien à moins de 20 %, contre un allègement partiel des sanctions économiques, ou encore le déblocage de certains avoirs iraniens gelés à l’étranger — en Corée du Sud ou en Irak, par exemple.
Un tel accord permettrait à Washington de montrer des avancées diplomatiques et de contenir la menace iranienne sans faire de concessions majeures. L’Iran, quant à lui, pourrait desserrer l’étau économique et prouver sa capacité à imposer ses conditions dans le cadre des négociations.
Mais un danger persiste : Israël refuse catégoriquement de voir l’infrastructure nucléaire iranienne rester en place, même dans le cadre d’un accord temporaire. Pour Tel-Aviv, l’Iran serait capable de reprendre rapidement un enrichissement avancé en cas d’échec de l’accord.
En réponse à toute frappe israélienne, les Gardiens de la Révolution ont promis une riposte « décisive et dévastatrice ». Certaines sources renseignées évoquent même le transfert présumé de matériaux nucléaires iraniens vers des sites secrets — une stratégie visant à empêcher les États-Unis ou Israël d’obtenir un résultat militaire décisif.
Alors que la voie vers un accord global semble bloquée et que les marges de manœuvre diplomatiques se réduisent, Washington et Téhéran semblent se diriger vers un accord temporaire — une manière de « gérer » la crise, sans réellement la résoudre.
Cette option demeure fragile. Les négociations se déroulent sur un champ de mines, avec pour seul objectif de retarder l’explosion — sans garantie sérieuse qu’elle puisse être prévenue.