La question du désarmement des armes illégales s’est hissée au sommet des priorités de l’État libanais, après une période de ralentissement causée par une accumulation de dossiers nationaux urgents, allant des nominations et réformes aux élections et à la relance des relations arabes et internationales. Il est désormais clair que des préparatifs concrets sont en cours pour appliquer la décision, vieille de plusieurs années, de limiter la détention des armes à l’État, en commençant par les camps palestiniens de Beyrouth. Cette dynamique s’inscrit dans le cadre de la déclaration conjointe des présidents libanais et palestinien, ainsi que dans les résolutions issues de la récente réunion libano-palestinienne présidée par le Premier ministre Nawaf Salam.

S’agissant du désarmement de toutes les armes illégitimes – qu’elles soient palestiniennes ou libanaises (notamment celles du « Hezbollah ») – aucune ambiguïté ni interprétation sélective n’est tolérable entre le président Joseph Aoun et le Premier ministre Nawaf Salam. Deux documents fondateurs unissent leur vision nationale sous le slogan : « Le monopole des armes revient à l’État » : le discours d’investiture présidentielle et la déclaration ministérielle. Cette position rejoint également les dispositions de l’accord de cessation des hostilités signé il y a six mois, ainsi que les pressions arabes et internationales croissantes appelant à la mise en œuvre de ces engagements, au premier rang desquels figure le désarmement de toutes les forces non étatiques sur l’ensemble du territoire libanais.

Il ne fait aucun doute que le « Hezbollah », tout comme d’autres groupes dits de « résistance », tente de manœuvrer politiquement — en flattant le président sous prétexte de sa « souplesse et ouverture », tout en diabolisant le Premier ministre pour sa position ferme contre la « dualité du pouvoir » et sa déclaration mettant fin à « l’exportation de la révolution iranienne ». Leur objectif est clair : semer la discorde au sommet de l’État et affaiblir la décision commune en opposant le président au chef du gouvernement.

En réalité, les deux hommes peuvent se nuancer dans le ton ou la méthode, mais ils sont parfaitement alignés sur le fond : l’exclusivité des armes entre les mains de l’État, et le contrôle total du territoire, des frontières, des infrastructures et des décisions de guerre et de paix. Il n’y a aucune place pour des contradictions fabriquées en matière de souveraineté.

La fermeté du Premier ministre Salam à l’égard des armes illégales – qu’elles soient palestiniennes ou libanaises – marque un tournant majeur par rapport à ses prédécesseurs, qui faisaient souvent preuve d’indulgence envers les factions palestiniennes, notamment au début de la guerre civile, lorsque leurs armes étaient perçues comme « les armes des musulmans ». Salam affirme désormais clairement que la souveraineté libanaise prime sur toute considération sectaire, régionale ou politique.

Ce changement d’approche au niveau de la primature rejoint naturellement la position souveraine de la présidence, aujourd’hui assurée par un ancien commandant de l’armée, dont la mission a toujours été la défense de la souveraineté de l’État. Ce consensus national constitue un rempart politique et institutionnel essentiel contre ceux qui cherchent à diviser et à affaiblir les deux principales autorités exécutives.

Si le calendrier de désarmement commence par les organisations palestiniennes, il ne s’arrête pas aux camps. Il s’étend à toutes les zones armées et aux arsenaux du « Hezbollah ». Ce calendrier ne saurait être interprété comme une hiérarchie entre armes illégales, semi-légales ou prétendument « sacrées », ni entre « résistance palestinienne » et « résistance libanaise ». Les deux ont mené à la ruine du Liban, détruit ses villes, tué ses enfants et freiné son développement. De l’Accord du Caire de 1969 à l’accord de cessez-le-feu de 2024, le Liban a traversé 55 années de fragmentation, de chaos et de mort.

Cela dit, le désarmement du « Hezbollah » ne doit pas attendre la reddition des camps. Il a déjà commencé, partiellement, au sud du Litani, et ponctuellement dans certaines zones au nord. Le contrôle des aéroports, du port et des points de passage frontaliers terrestres s’inscrit dans le même processus. Ce ne sont pas de simples mesures techniques, mais des actions stratégiques pour rétablir l’autorité de l’État.

Il est également évident qu’une coordination, voire une alliance, existe entre les détenteurs d’armes illégales. Le »Hezbollah » est resté silencieux sur le désarmement des factions palestiniennes, les défendant comme des « forces de résistance ». Parallèlement, une campagne de dénigrement s’est déclenchée contre le président palestinien Mahmoud Abbas, favorable au monopole des armes par l’État libanais, ainsi que contre le Premier ministre Salam. Le cheikh Maher Hammoud fut l’un des premiers à s’engager dans cette attaque coordonnée contre les deux dirigeants.

Cette solidarité n’a rien d’étonnant. Les liens idéologiques et opérationnels sont profonds entre le « Hezbollah », le « Hamas », le « Jihad islamique » et d’autres groupes affiliés, tous rattachés à leur « grand frère » iranien. Il est naturel que le « Hezbollah » tienne à préserver sa première ligne de défense dans les camps palestiniens, et qu’il cherche à justifier le maintien de ces armes afin que la lame du désarmement ne finisse pas par le toucher lui-même.

Cependant, l’État libanais ne peut adopter une politique du deux poids deux mesures. Il ne peut se montrer indulgent envers certaines armes et intransigeant envers d’autres. Toutes les armes illégales sont également nocives. Elles sapent la souveraineté libanaise, rongent la légitimité de l’État et usurpent son droit exclusif à recourir à la force.

Dans l’esprit d’un hadith du Prophète, l’État libanais pourrait ainsi proclamer : « Il n’y a aucune supériorité d’une arme arabe sur une arme étrangère, si ce n’est… par sa reddition. »