Quarante-sept ans après l’annulation théorique de l’Accord du Caire — né en 1969 et officiellement abrogé par le Parlement libanais le 21 mai 1987 — il semble que ses funérailles aient enfin eu lieu le 21 mai 2025. Lors d’un sommet libano-palestinien au palais présidentiel de Baabda, les présidents Joseph Aoun et Mahmoud Abbas ont publié une déclaration conjointe affirmant trois principes essentiels : l’exclusivité des armes entre les mains de l’État libanais, la fin de toute forme de non-droit, et le respect total de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale du Liban.
Ce moment marque le début d’une nouvelle phase. Un comité conjoint libano-palestinien a été formé pour surveiller la situation dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban. Dès le cinquième jour, le président Aoun a annoncé le lancement, à la mi-juin, d’opérations dans trois camps de Beyrouth afin de traiter la question des armes palestiniennes. Pour la première fois, un calendrier précis et un périmètre géographique défini ont été établis, symbolisant une étape concrète vers le retrait progressif de toutes les armes palestiniennes — à l’intérieur comme à l’extérieur des camps.
Clore le chapitre des armes palestiniennes, soixante ans après le début de la présence militaire palestinienne au Liban, représente un tournant décisif sur la voie de la souveraineté étatique. Ce qui avait commencé comme une mission de libération — avec des slogans comme « Fatahland » et « La route vers Jérusalem passe par Jounieh » — a fini par se muer en un phénomène généralisé de « fusils à louer ». Les camps se sont progressivement transformés, d’abris temporaires dans l’attente du retour, en foyers du terrorisme international, de l’extrémisme religieux, du trafic de drogue et du commerce illégal d’armes.
En réalité, cet arsenal avait perdu depuis longtemps sa raison d’être. Le « Hezbollah » s’est approprié à lui seul la rhétorique de la résistance contre Israël, contrôlant le front sud d’une main de fer. Cela a rendu caduques les justifications des factions palestiniennes de lutter contre Israël depuis le territoire libanais. Bon nombre d’entre elles sont devenues des instruments de l’agenda régional du « Hezbollah, » avec des cellules armées prêtes à être activées « sur demande » dans le marché mondial du terrorisme. Les Accords d’Oslo de 1993, signés par Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, ont par ailleurs réduit l’attrait de la lutte armée au profit de la diplomatie.
Les bases logistiques de cet arsenal se sont elles aussi effondrées. La chute du régime Assad a coupé la route syrienne, artère vitale d’approvisionnement vers les camps. Le « Hezbollah, » qui avait autrefois fixé des lignes rouges — comme l’avait fait feu Sayyed Hassan Nasrallah lors de la crise de Nahr el-Bared —, n’est plus en mesure de jouer ce rôle. L’entrée du Liban dans une nouvelle ère de sécurité aéroportuaire et de contrôle des frontières a en outre étouffé l’afflux d’armes et de combattants. Aujourd’hui, ce qui subsiste de l’arsenal palestinien — désormais obsolète — alimente essentiellement des luttes internes entre factions et a causé plus de morts palestiniennes que de pertes israéliennes. Son avenir le plus probable ? Finir en tas de ferraille rouillée.
Le président Joseph Aoun se retrouve désormais face à un test majeur. Tous les regards sont tournés vers sa gestion du dossier des armes palestiniennes : le sérieux de sa démarche, le calendrier qu’il mettra en place. Les acteurs internationaux et régionaux — au premier rang desquels les États-Unis, l’Arabie saoudite et les alliés du Liban — scrutent cette étape afin de mesurer la capacité du pays à traiter la question des armes illégales. Sur le plan intérieur, l’opinion publique libanaise considère ce processus comme un indicateur de l’engagement du président à tenir son serment et à surmonter les obstacles prévisibles à l’imposition du monopole de la violence légitime par l’État.
Pour beaucoup, le retrait des armes palestiniennes est perçu comme une « répétition générale » avant le désarmement — plus complexe — du « Hezbollah. » Certains estiment que cette étape est un passage obligé : comment traiter des armes détenues par des citoyens libanais, en l’occurrence les combattants aguerris du Hezbollah, sans commencer par celles aux mains d’« invités » étrangers ? Mais croire que cette répétition fera gagner du temps au président serait une illusion.
De la même manière que les armes palestiniennes ont perdu leur légitimité et leur soutien logistique, l’arsenal du « Hezbollah » se retrouve aujourd’hui dans une impasse similaire — malgré toutes les déclarations grandiloquentes, y compris celles de son secrétaire général, le cheikh Naïm Qassem. Tout comme les armes palestiniennes ne peuvent ni empêcher la naturalisation ni libérer la Palestine, celles du « Hezbollah » ne peuvent ni imposer une équation de dissuasion, ni éliminer Israël.
Et tout comme le dialogue entre le président Aoun et les Palestiniens a abouti à une feuille de route avec des échéances et des lieux précis pour le désarmement, il ne pourra sortir de son dialogue à venir avec le « Hezbollah » autre chose qu’un plan similaire, quelles que soient les précautions de langage qu’il adopte.
Derrière les euphémismes, le Premier ministre Nawaf Salam a été on ne peut plus clair : « L’ère de l’exportation de la révolution iranienne est révolue, et nous ne tolérerons plus aucune arme en dehors de l’autorité de l’État. » Cette déclaration trace la boussole de la présidence pour la prochaine étape, et la fermeté de Salam n’est que l’écho du discours d’investiture de Joseph Aoun.