Un murmure commence à circuler dans certains cercles politiques libanais, laissant entendre un possible revirement dans la position des États-Unis vis-à-vis du Liban. Cette spéculation s’est intensifiée avec le récent remplacement du général Jasper Jeffers, chef du comité quinti partite chargé de surveiller le cessez-le-feu et la mise en œuvre de la Résolution 1701 de l’ONU, par le général Michael G. Linny. D’autres changements semblent imminents, notamment le départ annoncé de l’émissaire présidentielle américaine au Liban, Morgan Ortagus.
Ces deux changements dans les rangs américains ont déclenché une vague d’interprétations politiques, marquées par de nombreuses interrogations sur leur timing et leur portée, surtout dans le contexte des négociations en cours entre Washington et Téhéran, de l’aggravation de l’instabilité en Syrie, et des rumeurs faisant état de préparatifs israéliens en vue d’une nouvelle guerre contre le Hezbollah.
Les partisans du Hezbollah se montrent sceptiques quant à la portée réelle de ces changements. Ils doutent qu’ils puissent freiner les violations quotidiennes du cessez-le-feu par Israël ou modifier les dynamiques politiques internes au Liban, notamment les positions des forces opposées au Hezbollah et celles réclamant son désarmement. Selon eux, ces remaniements reflètent une phase transitoire traversée par le Liban et la région, phase qui devrait prendre fin avec les résultats des négociations nucléaires entre les États-Unis et l’Iran, qu’elles aboutissent à un accord ou non.
Quoi qu’il en soit, il est peu probable que la question de l’armement du Hezbollah – ou celle des autres mouvements de résistance anti-israéliens – soit incluse dans les discussions. Téhéran a toujours refusé que ce sujet figure à l’ordre du jour des négociations, insistant pour qu’elles restent centrées exclusivement sur le dossier nucléaire et les sanctions qui en découlent. Cette position est confirmée par la récente rhétorique du Hezbollah, de plus en plus combative, réaffirmant son attachement à la résistance face aux violations israéliennes persistantes du cessez-le-feu et au non-retrait des territoires libanais encore occupés, comme le prévoit l’accord du 27 novembre dernier.
À l’inverse, les opposants du Hezbollah — ainsi que certains proches du dossier américain — affirment que la politique de Washington au Liban s’articule désormais autour de deux axes. Le premier est considéré comme clos : le Hezbollah est vu comme affaibli, à bout de souffle, et peu enclin à reprendre les armes. Le second suggère que le désarmement du Hezbollah n’est plus une priorité américaine. En cause : la destruction de la majeure partie de son arsenal lourd par Israël, et le peu de missiles lourds restants, dissimulés, dont l’impact militaire serait négligeable. L’attention se tourne désormais vers l’arsenal du Hamas au Liban.
Par ailleurs, la présence d’armes légères et moyennes du Hezbollah n’est pas perçue comme une menace directe, ni pour les États-Unis ni pour Israël, surtout en cas d’accord entre Washington et Téhéran. Cette situation évoque l’évolution des relations entre les États-Unis et le Vietnam : cinquante ans après être tombé aux mains de forces soutenues par l’URSS, le Vietnam est devenu un partenaire stratégique des États-Unis sur les plans politique, militaire et économique. Il est aujourd’hui l’un des principaux exportateurs vers les États-Unis et un acheteur important d’armement américain, après avoir quasiment abandonné les armes russes. Washington a même soutenu le développement du port stratégique de Haiphong, renforçant ainsi le rôle du Vietnam comme allié régional de l’Amérique.
Revenons au Liban : certains estiment que la véritable garantie de protection pour la communauté chiite ne viendra pas de l’Iran, mais plutôt d’un éventuel accord entre Téhéran et Washington. Paradoxalement, le Hezbollah et les chiites dans leur ensemble pourraient en être les principaux bénéficiaires. Ce changement de paradigme a ravivé les spéculations sur les répercussions régionales d’un tel accord.
C’est dans ce contexte que le Conseil supérieur de défense libanais, réuni récemment sous la présidence du général Joseph Aoun, a émis une recommandation au gouvernement visant à encadrer les armes détenues par le Hamas sur le territoire libanais.
Ce qui frappe particulièrement ces derniers jours, c’est la prise de distance croissante d’Israël vis-à-vis des États-Unis, tant sur les dossiers libanais que syriens. Une divergence désormais manifeste sépare Washington et Tel-Aviv. Tandis qu’Israël, par la voix de son ministre des Finances d’extrême droite Bezalel Smotrich, prône la partition de la Syrie, les États-Unis y sont farouchement opposés, tout comme ils rejettent tout projet de partition du Liban, souvent influencé par la situation syrienne et inversement.
De plus en plus, on pense que l’ancien président Donald Trump représente désormais un véritable facteur d’inquiétude pour Israël. Beaucoup estiment qu’il pousse Tel-Aviv à s’aligner sur sa vision stratégique, après tout ce qu’il lui a accordé. Trump aime à rappeler qu’il a offert à Israël un soutien sans précédent, notamment en lui appliquant, dans le cadre de sa nouvelle politique douanière, un tarif de seulement 10 %, un taux très bas comparé à ceux imposés à d’autres pays. Il souligne également les quatre milliards de dollars d’aide annuelle que les États-Unis versent à Israël. C’est pourquoi il n’hésitera pas à sévir si Israël s’engage sur une voie contraire à sa stratégie régionale ou cherche à entraîner Washington dans une guerre contre l’Iran.
Trump redoute tout particulièrement les projets persistants du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, qui continue de planifier des frappes contre les installations nucléaires et stratégiques iraniennes, qu’il considère comme une menace existentielle pour Israël.
Reste à savoir : Netanyahou ira-t-il jusqu’au bout, au risque d’un affrontement frontal avec Trump ? Ou bien utilise-t-il cette menace comme un levier pour obtenir des gains ailleurs ?
Les prochains développements livreront la réponse.