La victoire du Parti libéral lors des élections fédérales canadiennes du 28 avril 2025 représente un moment charnière dans l’histoire contemporaine du pays, portée par une réaction contre le protectionnisme croissant des États-Unis et la rhétorique d’annexion de Donald Trump. L’élection, largement interprétée comme un référendum sur la relation entre le Canada et les États-Unis, ouvre la voie à une profonde réorientation de la stratégie économique canadienne, de la politique intérieure et des alliances internationales.
L’élection de Carney, un tournant
L’imposition par Trump de lourds tarifs douaniers – 25 % sur la plupart des importations canadiennes et 10 % sur les ressources énergétiques – a immédiatement entraîné des mesures de représailles d’Ottawa et provoqué des secousses dans l’économie canadienne. Ces mesures, couplées aux suggestions répétées de Trump selon lesquelles le Canada devrait devenir le « 51e État », ont mobilisé les électeurs canadiens et transformé l’élection en un combat pour la souveraineté nationale. La campagne du Premier ministre Mark Carney, axée sur la défense du Canada, a trouvé un écho auprès d’une population de plus en plus méfiante à l’égard des intentions américaines et désireuse d’une réponse ferme et stable face aux menaces extérieures.
Stratégie économique: diversification et résilience
Les libéraux de Carney doivent désormais relever le défi d’atténuer les conséquences économiques de la guerre commerciale en cours. Leur stratégie devrait s’articuler autour de plusieurs axes clés y compris la diversification des échanges, la stratégie énergétique, les tarifs de rétorsion et soutien interne, la coordination économique interne et la relance budgétaire et des investissements.
Le Commerce sans chaînes
Conscients des risques liés à une trop grande dépendance envers le marché américain, les libéraux vont accélérer les efforts de diversification des relations commerciales du Canada. Cela inclut le renforcement des liens avec l’Union européenne et les partenaires de la région Asie-Pacifique, en donnant la priorité à l’adhésion à l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) et à la sécurisation d’accords sur les minéraux critiques avec le Japon et la Corée du Sud.
Cela inclut aussi les investissements dans les infrastructures pour soutenir de nouveaux corridors commerciaux, permettant aux produits canadiens d’atteindre plus efficacement les marchés mondiaux.
l’Énergie sujet stratégique
L’énergie demeure au cœur de la relation canado-américaine, le pétrole brut et l’électricité étant largement exemptés des tarifs les plus élevés en raison de leur importance stratégique pour les raffineries américaines et la sécurité énergétique. Les libéraux devraient développer les exportations d’énergie vers l’Europe et l’Asie, en tirant parti de la réputation du Canada comme fournisseur fiable et en réduisant la vulnérabilité face aux fluctuations du marché américain.
Ils devraient aussi clarifier et sécuriser la classification des minéraux critiques afin de prévenir les perturbations des chaînes d’approvisionnement, en particulier pour le secteur pétrolier et minier de l’Alberta.
Tarifs, effet boomerang
La réponse du Canada aux tarifs américains a été rapide et ciblée, avec des droits de douane de 25 % sur 30 milliards de dollars de produits américains, et la possibilité d’étendre ces mesures à 155 milliards si la guerre commerciale s’intensifie. Les libéraux devraient maintenir et potentiellement élargir les contre-mesures tarifaires, en ciblant les exportations américaines issues d’États politiquement sensibles pour maximiser la pression sur l’administration Trump.
Ils pourraient également utiliser les revenus tirés des tarifs pour financer des programmes de soutien aux industries et travailleurs touchés, incluant des subventions, la reconversion professionnelle et une aide directe.
Coordination intérieure
Compte tenu de la structure fédérale du Canada, avec d’importants pouvoirs économiques dévolus aux provinces, le gouvernement de Carney devra renforcer la coordination entre les juridictions. Les efforts incluront la réduction des barrières commerciales interprovinciales pour créer un marché intérieur plus unifié, renforçant la résilience et la croissance économique.
Relance budgétaire
Le programme libéral prévoit près de 130 milliards de dollars de nouvelles dépenses sur quatre ans, pour un ajout total projeté de 225 milliards à la dette nationale. Les investissements clés incluent des mesures de soutien au logement et des baisses d’impôts, des augmentations des dépenses de défense pour atteindre les objectifs de l’OTAN et des investissements dans la santé et la productivité pour assurer la compétitivité économique à long terme.
Souveraineté et nationalisme
Le résultat du scrutin est un rejet clair de la rhétorique d’annexion de Trump. La position ferme de Carney – « le Canada ne cédera jamais à l’annexion » – est devenue un cri de ralliement pour un regain de nationalisme canadien. Cette unité masque toutefois des tensions régionales persistantes, notamment en Alberta, où le ressentiment envers les politiques climatiques fédérales et les difficultés économiques demeure fort.
Gouvernance minoritaire et dynamique parlementaire
Les libéraux n’ayant pas obtenu la majorité, Carney devra naviguer dans une Chambre des communes fragmentée, en recherchant l’appui du NPD affaibli ou du Bloc Québécois. Les gains du Bloc au Québec, motivés par la défense des intérêts nationaux face aux menaces américaines, lui confèrent un pouvoir d’influence sur les politiques fédérales.
Défis domestiques
Malgré la focalisation sur les menaces extérieures, des enjeux internes pressants subsistent, y compris la pression sur le coût de la vie et l’inaccessibilité du logement, le mécontentement régional dans l’Ouest canadien et les débats sur l’immigration et la démographie.
Le gouvernement Carney est prêt à piloter un réalignement des partenariats internationaux du Canada en renforcement les liens de défense et commerciaux avec les alliés européens pour réduire la dépendance envers un partenaire américain imprévisible, en construisant des coalitions avec d’autres « puissances moyennes » comme l’Australie et le Mexique et en contestant les tarifs américains via les mécanismes de l’ACEUM, malgré le scepticisme quant à l’efficacité des cadres multilatéraux sous Trump.