Qu’Israël soit ou non responsable de l’explosion survenue dans la ville iranienne de Bandar Abbas — non loin du site des négociations nucléaires en Oman —, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son cercle d’extrémistes restent profondément mal à l’aise face à l’évolution de ces négociations. Leur vieux projet de frapper Téhéran pour faire tomber son régime n’a été abandonné que sous la contrainte.

L’explosion est survenue alors que s’ouvrait le troisième cycle de pourparlers, désormais entré dans une phase complexe où les positions américaines et iraniennes semblent se rapprocher. Mais tout le monde ne se réjouit pas de ces avancées, et surtout pas Israël, d’autant que le président américain Donald Trump a réaffirmé son choix de privilégier la voie diplomatique, gelant toute action militaire malgré les critiques des faucons de son administration, qui dénoncent l'absence de stratégie détaillée ou d'objectifs clairs au-delà du simple empêchement de l'acquisition de l'arme nucléaire par l’Iran.

Pour Netanyahu, Trump laisse passer une opportunité historique. Aujourd'hui, l’Iran est plus affaibli qu'il ne l’a été par le passé, après une série de revers subis par ce que Téhéran appelle fièrement l’« Axe de la Résistance » au Liban, en Syrie, en Palestine, au Yémen et en Irak.

Ce qui inquiète le plus Netanyahu et ses proches, c’est que malgré cet affaiblissement, l’Iran est devenu un État du seuil nucléaire, capable de menacer Israël, les alliés arabes des États-Unis, et même l’Europe, grâce à un arsenal de centaines de missiles balistiques potentiellement capables d’emporter des ogives nucléaires — un point que les négociations en cours pourraient ne pas traiter suffisamment. L’Iran continue d’exploiter des milliers de centrifugeuses avancées, d’étendre la production souterraine de missiles, et de jouer la montre, à l’image de la Corée du Nord, pour acquérir rapidement des capacités nucléaires et de missiles longue portée, tandis que Washington semble répéter les erreurs du président Obama et de son secrétaire d’État John Kerry.

Les cercles sécuritaires proches de Netanyahu avertissent que si Israël n’agit pas rapidement, il laissera passer une « fenêtre historique » pour détruire les infrastructures nucléaires iraniennes. L’aggravation des crises économiques et sociales en Iran, amplifiée par la politique de pression maximale de Trump, constitue une opportunité unique. Les évaluations militaires estiment que si l’Iran déplace certaines installations sous terre ou accumule suffisamment d’uranium enrichi à 90 % pour produire six ogives, toute frappe future deviendrait beaucoup moins efficace et bien plus coûteuse. Une frappe réussie nécessiterait alors un soutien aérien américain ainsi qu'une couverture antimissile pour contrer les représailles iraniennes et infliger un coup fatal à la République islamique.

La montée des tensions avec Washington a poussé des responsables américains à faire fuiter dans la presse les intentions israéliennes, même s’il est bien compris que Netanyahu est freiné par la pression américaine et qu’il ne peut agir seul.

Entre frappe préventive et frappe punitive

Pourtant, son plan reste discret, mais actif. Deux scénarios sont envisagés :

- En cas d’effondrement des négociations, une frappe conjointe américano-israélienne forcerait l’Iran à revenir à la table des discussions dans des conditions beaucoup plus dures.

- En cas d’accord intérimaire, le programme nucléaire iranien serait gelé sans être démantelé, retardant seulement de deux ans ses avancées.

Dans les deux cas, Israël exige que l’Iran cesse l’enrichissement de l’uranium, stoppe la production de plutonium, révèle entièrement ses efforts en matière d’armement et accepte des inspections internationales bien plus strictes qu’auparavant.

Cependant, aucun de ces scénarios ne satisfait pleinement Israël. L’État hébreu et ses alliés disposent d’autres moyens : opérations cybernétiques, comme celles ayant perturbé le programme nucléaire iranien en 2006, ou assassinats ciblés, comme celui du scientifique Mohsen Fakhrizadeh en 2020. Mais ces actions sont perçues comme des mesures d’appoint.

Israël cherche une campagne de grande envergure — militaire, cybernétique et diplomatique — capable de bouleverser les calculs stratégiques iraniens.

Les responsables israéliens savent que sans démantèlement complet des capacités nucléaires iraniennes, la menace existentielle persistera — une menace profondément ancrée dans la doctrine iranienne depuis la Révolution islamique de 1979. Les centres de recherche israéliens estiment que l’opportunité est rare : Israël a réussi à briser le « cercle de feu » que l’Iran avait construit autour de lui pour l’empêcher d’agir directement.

Ainsi, indépendamment des négociations, Israël considère qu’une fenêtre pour une action préventive est ouverte. Les rapports israéliens soulignent que Trump, malgré ses déclarations contre un accord intérimaire qui ne ferait que geler les ambitions iraniennes, répète les erreurs d’Obama en ne réclamant pas le démantèlement total du programme nucléaire iranien, ce qui ne ferait qu’encourager Téhéran à arracher de nouvelles concessions par son habituel jeu de temporisation.

Du point de vue israélien, seule une intervention militaire — même unilatérale — peut stopper la marche de l’Iran vers la bombe.

Netanyahu s'efforce aussi de convaincre que les pays arabes sont eux aussi directement menacés et qu’une course aux armements régionale pourrait ébranler toute la stabilité du Moyen-Orient et faire s'effondrer le fragile régime mondial de non-prolifération nucléaire.

Deux options sur la table

En préparation d'une action unilatérale, Netanyahu examine deux options :

- Une frappe préventive si l’Iran refuse de coopérer.

- Une frappe punitive si l’Iran fonce vers une percée nucléaire.

La frappe préventive viserait à paralyser les infrastructures nucléaires — installations, stocks et personnel clé — pour ralentir durablement le programme.

La frappe punitive chercherait à affaiblir l’ensemble du régime en frappant également des cibles non nucléaires et à envoyer un signal mondial sur le coût élevé de la prolifération nucléaire.

Bien sûr, une opération israélienne entraînerait des représailles iraniennes. Mais Israël compte sur un soutien indirect de ses alliés — renseignements, logistique ou coordination militaire limitée — pour maximiser l'efficacité du raid et protéger son territoire. En parallèle, Israël met à jour ses plans d’urgence.

Netanyahu, malgré son optimisme, mise également sur des troubles internes en Iran pour provoquer un changement de régime — une stratégie qui a déjà montré ses limites dans le passé.

En parallèle, Netanyahu estime qu’Israël doit intensifier sa campagne de pression diplomatique contre l’Iran. Il compte rappeler à Washington et aux autres alliés les conditions d’un accord nucléaire acceptable et s’appuyer sur la « Déclaration de Jérusalem » de 2022 — partenariat stratégique entre les États-Unis et Israël — qui garantit le droit d’Israël à se défendre seul si nécessaire, avec l’appui américain pour maintenir sa sécurité et sa capacité de dissuasion.

Ainsi, Netanyahu garde toutes ses options ouvertes, prêt à frapper l’Iran au premier moment favorable — même sans annonce officielle.