Le président Joseph Aoun se trouve dans une position que beaucoup envient, mais que personne ne lui jalouse.

Il est le « Président de la République et le symbole de l’unité nationale ». Son rôle, tel que défini par la Constitution, est d’« assurer le respect de la Constitution et de préserver l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale du Liban ».

Pourtant, les dernières révisions constitutionnelles l’ont privé de la plupart des pouvoirs nécessaires à l’accomplissement des missions qu’il a juré de remplir, le réduisant à un rôle largement symbolique — il « préside le Conseil supérieur de la défense et est le commandant en chef des forces armées », lesquelles restent toutefois placées sous l’autorité du Conseil des ministres.

Néanmoins, c’est son autorité morale qui en fait une véritable autorité nationale, d’autant plus qu’il ne cherche rien pour lui-même.

Issu de l’institution militaire, le président Aoun a appris que la priorité est d’exécuter la mission qui lui est confiée, quels que soient les sacrifices et les circonstances. Lors de son élection, il s’est engagé devant les Libanais à entreprendre une série de missions de sauvetage, depuis la monopolisation des armes par les seules institutions de l’État jusqu’à l’établissement de la justice sociale et la restitution des droits des déposants.

Nous comprenons que certaines missions nécessitent du temps. Mais ce temps doit être limité, notamment pour les missions dont le retard compromettrait l’ensemble du processus de redressement. Au premier rang de celles-ci figure la collecte de toutes les armes, de tous types et entre toutes les mains — libanaises et non libanaises — sur l’ensemble du territoire libanais.

Prendre le contrôle des armes permettrait d’accentuer la pression sur Israël pour qu’il retire les dernières forces qu’il maintient au Liban et cesse de violer la Résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies. Cela ouvrirait également, aux côtés d’autres réformes, la voie à la reconstruction d’un État depuis longtemps miné de l’intérieur.

Le patriotisme ne se limite pas à l’opposition à Israël. Le véritable patriotisme consiste à mobiliser toutes ses forces pour construire l’État, ses régions, sa société et son avenir.

Les armes n’ont aucune valeur en dehors du cadre de l’unité nationale et de l’édification de l’État.

Si l’usage des armes contre Israël a son importance, la construction de l’État est encore plus cruciale, car la réussite des objectifs nationaux passe par l’implication de l’État tout entier, non par celle d’une simple fraction.

Pourquoi alors ceux qui accumulent des armes refusent-ils de les rendre, maintenant que toutes les justifications pour les conserver se sont écroulées ?

Ils ont échoué à dissuader Israël.

Ils sont incapables de se défendre eux-mêmes, et encore moins de défendre les autres.

Ils n’ont pas su rallier un consensus national autour de leur politique de « résistance » autoproclamée, préférant s’abreuver à la source illusoire de leur propre puissance, entraînant sur eux-mêmes et sur la nation entière des désastres.

De qui et de quoi ces groupes armés ont-ils peur pour refuser de déposer les armes ?

La seule explication logique est leur volonté d’utiliser ces armes à des fins internes — ce qui ouvrirait la porte à des calamités encore plus grandes et achèverait de ruiner les derniers fondements du Liban.

Aucune communauté libanaise ne cherche à en affronter une autre.

Les barricades sectaires dressées aujourd’hui sont sans doute la dernière tentative désespérée d’enrayer la marche du pays vers un État laïc, où la religion ne serait plus ni un instrument de favoritisme, ni une source de provocation, ni un moyen d’intimidation, ni une justification pour conserver des acquis obtenus de manière illégitime.

Les vieilles méthodes d’accusations de trahison pour atteindre des objectifs irréalistes ne fonctionnent plus, pas plus que les discours alarmistes sur les ambitions israéliennes ou les menaces extrémistes ne trouvent encore preneur.

Ceux qui ont peur aujourd’hui devraient se regarder dans le miroir : car c’est d’eux-mêmes qu’ils devraient avoir peur.