Un fil unique relie tous les enjeux pressants de la région — des négociations américano-iraniennes aux situations en Irak, en Syrie, au Liban, à Gaza et au Yémen. Les prédictions sur les issues varient considérablement, alimentées par l’empressement de Washington à résoudre plusieurs crises simultanément et par les tentatives d’Israël de tirer parti de ces dynamiques pour concrétiser sa vision d’un « nouveau Moyen-Orient », comme il le proclame publiquement.
Sur le front américano-iranien, les responsables américains se montrent optimistes, convaincus que Téhéran cherche un accord pour sauver son économie malmenée. La « flexibilité » perçue de l’Iran — qu'il s'agisse d'accepter les propositions américaines ou, à défaut, de temporiser pour reprendre son souffle après une série de revers — renforce cette conviction.
Cependant, les responsables iraniens eux-mêmes nourrissent peu d'espoir de parvenir à une percée, rejetant les exigences de Washington, en particulier l'arrêt de l'enrichissement d’uranium et l'obligation de se procurer du combustible nucléaire pour ses réacteurs civils auprès de fournisseurs étrangers amis. Téhéran considère ces demandes comme une menace existentielle à son indépendance nucléaire, se souvenant de l’amère expérience où son allié russe avait suspendu l’approvisionnement d’un réacteur médical à Téhéran — mettant en danger la vie de 1 500 patients atteints de cancer. Le scientifique nucléaire iranien Majid Shahriari avait alors réussi à enrichir l’uranium au-delà du seuil de 20 % requis, sauvant les patients, avant d’être assassiné peu après en plein cœur de Téhéran.
L'Iran insiste également pour que les négociations restent strictement limitées au dossier nucléaire et aux sanctions qui en découlent, rejetant catégoriquement les demandes américaines de démanteler son programme de missiles balistiques et de cesser son soutien à ses alliés régionaux visant Israël. Pour Téhéran, céder sur ces points reviendrait à démanteler l’influence régionale patiemment construite depuis la Révolution islamique de 1979.
De son côté, Washington affirme que des concessions iraniennes seraient essentielles pour convaincre Israël de renoncer à une action militaire contre l’Iran, compte tenu des menaces constantes que représentent l’arsenal balistique iranien et ses alliés régionaux. Sans telles assurances, Washington estime qu’une frappe israélienne pourrait survenir à tout moment, entraînant potentiellement les États-Unis dans un conflit élargi.
L’inflexibilité iranienne — se concentrant exclusivement sur le nucléaire — pourrait cependant se retourner contre Téhéran. Selon certains observateurs, l’Iran pourrait bientôt ne plus avoir d’autre choix que de conclure un accord, incapable de supporter de nouvelles sanctions, notamment face à la détérioration de la situation de ses alliés en Irak, à la coopération croissante entre les forces gouvernementales syriennes et les Forces démocratiques syriennes (FDS) soutenues par Washington, et à l’avancée de l’armée syrienne vers le barrage de Tichrine sur l’Euphrate. Certains interprètent même l’explosion récente au port de Rajaei à Bandar Abbas comme un signal adressé à la direction iranienne pour reconsidérer ses choix stratégiques, surtout si les négociations échouent.
Les responsables américains estiment que l’Iran tente d’utiliser son programme de missiles et ses alliés régionaux comme leviers pour obtenir des concessions, notamment la liberté de manœuvre régionale. Pourtant, Washington considère que l’essentiel de l’influence régionale iranienne a été largement érodé, surtout après la chute de l’ancien régime syrien.
Parallèlement, les relations entre Washington et la nouvelle direction syrienne se renforcent, les États-Unis se disant prêts à lever partiellement les sanctions si Damas rejoint les « Accords d’Abraham » et normalise ses relations avec Israël. À cet égard, la visite récente du ministre syrien des Affaires étrangères, Assad al-Shibani, à New York — où le nouveau drapeau syrien a été hissé à l’ONU — a été un geste hautement symbolique. Al-Shibani est également attendu en Arabie saoudite lors de la visite du président Trump au début du mois prochain.
Le dossier syrien est appelé à devenir l’une des priorités de Steve Whitkoff, l’envoyé spécial américain pour le Moyen-Orient, indépendamment du résultat des négociations avec l’Iran. Whitkoff pourrait même se rendre à Damas, dans la continuité d’une récente visite d’une délégation du Congrès américain en Syrie, qui a préparé le terrain pour l’arrivée prochaine d’une deuxième délégation, plus alignée politiquement, actuellement en route pour le Liban — pays qui a récemment accueilli une délégation issue de la mouvance politique de l’ère Biden.
D’où une question cruciale : si le dossier syrien est résolu, quel avenir pour le dossier libanais ?
Historiquement, le Liban a toujours été étroitement lié à la Syrie. Quelle que soit l’issue à Damas, Beyrouth semble destinée à suivre la même trajectoire.
Dans ce contexte, le débat sur le désarmement du Hezbollah refait surface, sous le slogan « l'armement sous contrôle étatique », au-delà des stratégies traditionnelles de défense nationale. Les États-Unis, appuyés par Israël, cherchent à démanteler l’arsenal lourd du Hezbollah, se montrant moins préoccupés par ses armes légères et moyennes. Washington espère que la flexibilité iranienne ouvrira la voie à un assouplissement similaire de la part du Hezbollah.
Or, selon le président du Parlement libanais Nabih Berri, le Hezbollah n’acceptera d’aborder la question du désarmement avec le président Joseph Aoun, ou avec quiconque, qu’à condition qu'Israël se retire totalement des territoires libanais occupés et respecte effectivement le cessez-le-feu de 2006 et la Résolution 1701 de l’ONU — deux engagements qu’Israël n’a jamais pleinement respectés, notamment depuis le 27 novembre 2024.
Le Hezbollah, pour sa part, ne croit pas à une quelconque cessation des attaques israéliennes. Au contraire, il estime qu’Israël prépare une nouvelle « banque d'objectifs », incluant cette fois ses dirigeants politiques, en plus de ses chefs militaires que Tel-Aviv considère déjà comme neutralisés. Israël viserait également à achever la destruction des dernières bases militaires et des stocks d'armes lourdes du Hezbollah, qu’il perçoit comme des menaces persistantes.
Face à ces développements, le Hezbollah semble se préparer à toutes les éventualités. Beaucoup estiment que la région n’est plus qu’à quelques mois d’un nouveau « déluge » — un événement qui pourrait emporter le Liban et le Moyen-Orient vers une réalité nouvelle, aussi imprévisible qu’inquiétante.